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La signification virtuelle d'un acte d'huissier de justice

Publié le 10 juin 2012 par Jbcondat
la signification dématérialisée des actes d'huissier de justice a été consacrée par le décret n° 2012-366 du 15 mars 2012. La sécurité technique paraît bel et bien assurée au détriment d'une sécurité juridique plus que jamais ébranlée. Le significateur, pour les besoins de la cause, s'éloigne du signifié, et la réception de l'acte marque le pas devant la nouveauté. Quelques précisions sur les dispositions de ce décret deviennent alors nécessaires.

Prenant acte de la nécessité d'adaptation aux nouvelles technologies de la procédure civile, et plus particulièrement de la signification, la loi n° 2010-1609 relative à l'exécution des décisions de justice du 22 décembre 2010 avait jeté les jalons de ce qui allait devenir la signification par voie électronique, en permetant à la Chambre nationale des huissiers de justice (CNHJ) de gérer et tenir à jour un "Registre des consentements" des personnes ayant accepté de recevoir un acte d'huissier de justice par voie dématérialisé.
Le décret du 15 mars 2012 susvisé concrétise le dispositif, précision faite que l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la signification électronique se trouve subordonnée à un arrêté de Madame le Garde des Sceaux, qui devra intervenir au plus tard le 1er septembre 2012, visant à définir les normes de fiabilité des procédés utilisés.
En bref, si le destinataire d'un acte d'huissier désire le recevoir par voie électronique, il devra adresser une déclaration selon un modèle fixé par l'organe central collecteur, à savoir la CNHJ, aux termes de laquelle, outre son identité et les pièces justificatives, il consent à la signification virtuelle, tout en spécifiant la nature des actes et la durée pendant laquelle il accepte la signification électronique. Le consentement donné a priori est d'une importance particulière car il se situe au coeur du nouveau dispositif: sans lui, il est impossible de recourir à la signification par voie électronique.
Il y a 13 ans, le Tribunal de Commerce de Paris (75) avait mis en place un tiers de confiance quant à la régularisation des actes de commerce. Le système avait reçu l'accord de quelques afficiados des nouvelles technologies. Dix ans après, le système n'existe plus.
Le décret n°2012-366 détermine le régime de la signification virtuelle en accomodant les règles bien connues en matière de significationpar voie papier. Ainsi, le nouvel article 662-1 du CPC devient un texte cardinal dans ce domaine, en énonçantenson alinéa 3: La signification par voie électronique est une signification faite à personne si le destinataire de l'acte en a pris connaissance le jour de la transmission de l'acte. Dans les autres cas, la signification est une signification faite à domicile et l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le premier jour ouvrable, par lettre simple mentionnant la délivrance de la signification par voie électronique, ainsi que la nature de l'acte et le nom du requérant.

la compétence territoriale des huissiers de justice, normalement définie par le domicile du destinataire de l'acte (nouvel article 73-1 du décret du 15 mars 2012), se trouve également, pour les besoins de la cause, modifiée dans deux hypothèses particulières prévues aux articles 5-1 et 5-2 du décret du 29 février 1956. En premier lieu, pour le cas d'un acte à pluralité de destinataires, la signification par voie électronique pourra être effectuée concurremment par les huissiers du ressort du tribunal de grande instance où l'un quelconque des destinataires à son domicile, avec cependant comme bémol que chaque destinataire à l'acte devra avoir consenti à cette nouvelle forme de délivrance. En second lieu, les actes devant être signifiés à un tiers dans le cadre d'une procédure civile d'exécution (saisie-attribution, saisie conservatoire de créances...) pourront être délivrés concurremment par les huissiers de justice du ressort du tribunal de grande instance où le débiteur réside.
Enfin, l'adoption de la signification par voie électronique entraîne une modification de l'article 59 du décret du 31 juillet 1992 relatif à la déclaration du tiers saisi: le tiers saisi est tenu, s'agissant d'une saisie régularisée virtuellement, de communiquer à l'huissier les renseignements et pièces justificatives au plus tard le premier jour ouvré suivant la signification.
la signification virtuelle ne constitue pas seulement une évolution mais bien une réelle révolution en la matière. L'adoption, certes rendue nécessaire par la prise en comptedes nouvelles technologies, des règles applicables à la signification physique apporte un changement plus profond: la signification par voie électronique, au contraire de sa grande soeur, semble se désintéresser de l'information à véhiculer, dont elle constitue pourtant le vecteur. Elle paraît se moquer de la réception de l'acte transmis (voir les nouveaux articles 664-1 alinéa 2 du CPC, et 662-1 alinéa 1, in fine): l'e-acte sera valable, que l'information ait été réceptionnée par son destinataire ou non [«La signification par voie électronique est une signification faite à personne si le destinataire de l’acte en a pris connaissance le jour de la transmission de l’acte. Dans les autres cas, la signification est une signification faite à domicile et l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le premier jour ouvrable, par lettre simple mentionnant la délivrance de la signification par voie électronique ainsi que la nature de l’acte et le nom du requérant.»]. Les risques du défaut de délivrance se retrouvent en quelque sorte transférés, en raison de l'acceptation préalable du destinataire à la signification dématérialisée, sur le signifié, et non plus sur le significateur, qui se souviendra tout de même que dans le cadre d'une signification traditionnelle pèse sur lui une véritable obligation de délivrance à personne (article 654 du CPC).
Laissons nous aller à imaginer les raisons virtuelles d'un acte signifié virtuellement et convertu en procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du CPC): "ping" trop long du serveur du registre de consentements, saturation de la bande passante de votre fournisseur d'accès internet, la boite aux lettres de la personne habilitée dans votre entreprise est saturée...

Il faudra pourtant s'y résoudre: l numérique et la procédure civile n'en sont qu'à leurs premiers émois...

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