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Entretien avec la créatrice de bijoux Ligia Dias

Publié le 11 juin 2012 par Littlestylebox

Entretien avec la créatrice de bijoux Ligia Dias


Ligia Dias présente sa première collection en 2005 et connaît un succès fulgurant en étant distribuée dès le départ chez des boutiques prestigieuses comme le Dover Street Market de Tokyo. A la rencontre du luxe bourgeois et raffiné et du caractère brut et authentique des matériaux industriels, elle évoque à Little Style Box les recherches et inspirations qui se cachent derrière ses créations décalées.
Une véritable invitation à un voyage dans le temps et dans l’espace, entre le Bauhaus des années 40 et les influences japonaises contemporaines.

Tu utilises des matériaux variés, caractéristiques du luxe comme de l’industrie, d’où viennent t’ils ?
Mes perles et strass viennent de chez Swarovski. Les pièces métalliques sont constituées de laiton et de quincailleries achetées chez Weber, une boutique rue de Poitou, qui existe depuis 1889.
Mes rubans de soie viennent de chez Mokuba, une boutique japonaise connue dans le milieu du luxe à une échelle internationale. Elle est située 18 rue Montmartre et est ouverte au public.

Entretien avec la créatrice de bijoux Ligia Dias


Pourquoi avoir choisi de travailler autour d'une influence industrielle ?
Je suis née en Suisse et j’ai d’abord eu une formation de graphiste à Lausanne où j’ai été très influencée par l’école Bauhaus et ce qui évoluait autour du constructivisme russe.
Une des figures du Bauhaus m’a d’ailleurs énormément inspirée, il s’agit d’Anni Albers. Elle avait sorti une série de bijoux dans les années 40 au cours d’une exposition itinérante. C’est une collection qui m’a marquée car à cette époque, elle avait évidemment peu de moyens et elle a malgré cela réussi à créer. C’est avec fierté que je me réapproprie son travail : il m’a directement inspirée pour ma toute première collection.
Je rapproche ces références industrielles et techniques au travail artisanal et méticuleux que je consacre à mes créations : je fais tout moi-même et je sous-traite très rarement. Quand il m’arrive de le faire, c’est toujours à Paris.

Entretien avec la créatrice de bijoux Ligia Dias


Quelles sont les références qui se cachent derrière les boucles d’oreilles Moebius ?
Le modèle Moebius est de ceux pour lequel j’utilise des métaux précieux, par exemple de l’argent et du bronze. J’aime d’ailleurs beaucoup jouer avec les effets et faire passer ainsi le bronze pour de l’or.
Ces boucles d’oreilles s’appuient sur le ruban de Moebius : il tourne sur lui-même et symbolise la continuité, il est d’ailleurs repris par le logo du recyclage. C’est aussi une célèbre règle mathématique.
J’ai puisé ce genre d’inspirations au sein du cercle des artistes concrets de Zurich : le modèle Moebius fait plus précisément référence à Max Bill, un architecte et créateur.
Je ne peux généralement pas créer sans effectuer ce travail de recherche en amont pour que mes pièces aient une justification et des références. Je ne cherche par contre pas à ce qu’elles soient comprises à tout prix : mes créations doivent rester avant tout des bijoux que les gens trouveront beaux, décalés et fantaisie.

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Il y a un certain côté punk dans ton travail, voire même un peu sado-masochiste….
Exact, et il n’est pas vraiment calculé. Le résultat que tu peux observer est souvent éloigné de l’idée de départ.
Bien que mon travail soit très calculé, il laisse aussi beaucoup de place au hasard : c’est pourquoi je fais par exemple rarement d’ébauches, qui m’obligeraient à m’y conformer coûte que coûte.
Je préfère travailler avec des maquettes et faire des essais pour y intégrer des matériaux auxquels je n’aurai pas pensé à la base.
On obtient un côté un peu décalé et fantaisiste que j’aime mélanger à des matériaux plus luxueux. C’est assez proche de ma personnalité et de mon style : je prends plaisir à porter des pièces très classiques mélangées avec du Comme Des Garçons.

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Tu as commencé ton parcours chez Lanvin, est ce que tu peux nous parler de cette expérience ?
Lanvin fût ma toute première expérience professionnelle, tout de suite après ma sortie du studio Berçot. J’ai eu la chance que mon arrivée là-bas coïncide avec celle d’Albert Elbaz et la sortie de sa première collection.
Lanvin m’a appris la polyvalence : je n’avais pas vraiment de spécialisation et j’étais mise à contribution par les stylistes de tout domaine. J’y ai aussi appris les codes du luxe, et j’ai pu cerner la frontière entre le luxe et la fantaisie.
Après des débuts chez Lanvin, pourquoi t’être lancée dans la fantaisie ?
Le réalisme et la simplicité du travail d’Anni Albers, qui m’a énormément inspiré, me tenaient vraiment à cœur. Je voulais démarrer sans investir trop d’argent : j’ai lancé la production de ma première collection avec seulement 2000 euros, ce qui n'est pas possible quand on fait du luxe.
J’ai pu promouvoir cette collection durant une exposition en Suisse, puis pendant la Fashion Week. Par chance, j’ai rencontré Adrian Joffe qui a permis son achat par le Dover Street Market à Tokyo, ce qui fût pour moi une vitrine d’un prestige exceptionnel. Tous les acheteurs des plus belles boutiques ont ensuite suivis ce qui m'a permis de démarrer rapidement.
Même s'il s'agit de fantaisie, je préfère cependant qu’on parle de fantaisie de luxe car je fais tout moi-même, en déléguant rarement et en employant des méthodes de travail caractéristiques de l’artisanat de luxe.

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Que pensent tes clientes de ta démarche, à mi-chemin entre le luxe et la fantaisie ?
Mes créations doivent être portées pour être comprises. J’ai des clientes potentielles qui découvrent mes bijoux et au premier abord peuvent être un peu sceptiques. Mais dès qu'elles les essayent, elles comprennent l'essence du produit. Ligia Dias, c’est un peu « l’essayer c’est l’adopter » ! J'ai aussi beaucoup de clientes qui viennent parce qu'elles ont vu une de leurs connaissances les porter. Il y a beaucoup de bouche à oreille.
Le Pendu est ta pièce préférée, pourquoi ?
Le Pendu est issu de ma première collection et est très inspiré du travail d’Anni Albers.
Il symbolise vraiment le contraste entre les matières luxueuses et fines et des matières plus brutes, comme la corde de chanvre utilisée, que j’ai d’ailleurs découverte par accident en me baladant au BHV.

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Tu crées aussi des portes-lunettes, c’est un objet typique des enfants ou du luxe bourgeois, mais il demeure au final assez inhabituel.
J’ai été inspirée pour ce type de pièces par mon enfance, et en particulier par une boutique un peu bourgeoise de Lausanne dans laquelle une des vendeuses, au style très travaillé, avait un porte lunette avec deux homards. Petite, je faisais une vraie fixation dessus.
Ca m’a donné l’idée de décliner un objet à la base pratique et d’y ajouter un travail stylistique.

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Tu continues à travailler pour Balenciaga, qu'est ce que cela t'apporte ?
J’y travaille en freelance sur d’autres domaines, par exemple les lunettes et les gants. Je n’aime pas vraiment la spécialisation car je considère le travail créatif comme un tout.
C’est enrichissant car cela demande un travail d’adaptation à la vision du créateur : nous avons de nombreux échanges et cela profite à ma propre créativité. Il est important pour un créateur de s'ouvrir et de rencontrer d'autres personnes créatives.
Merci Ligia Dias

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Plus d'information: ligia-dias.lexception.com

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