Des niveaux élevés d'acides gras oméga-3 dans le lait maternel de femmes amérindiennes, c'est ce qu'ont trouvé ces anthropologues de l'Université de Californie Santa Barbara. Mais le résultat est vrai aussi, dans une moindre mesure, chez les femmes américaines qui choisissent l'allaitement maternel prolongé. Cette découverte, publiée dans l'édition du 24 mai de la revue Maternal and Child Nutrition, montre aussi l'importance du lait maternel dans la fourniture naturelle d'omega-3 durant la période charnière de développement du cerveau de l'enfant. Un argument pour prolonger aussi la période d'allaitement et revoir la composition en acides gras des préparations pour nourrissons.
Les chercheurs de l'UCSB avec des collègues de l'Université de Pittsburgh et de l'Hôpital des enfants de Cincinnati ont comparé la composition du lait maternel chez les femmes américaines et tsimanes, une population originaire d'Amazonie. Les Tsimanes suivent un régime alimentaire composé d'aliments locaux, cultures, gibier et poissons d'eau douce. Les échantillons de lait maternel tsimane contiennent des niveaux significativement plus élevés d'acide gras oméga-3 docosahexaénoïque (DHA), un acide gras clé pour le développement infantile, cognitif et visuel. Ces pourcentages de DHA dans le lait maternel ne diminuent pas dans les 2 années de la naissance de l'enfant, période durant laquelle le cerveau infantile connaît son développement maximal et a le plus besoin de DHA.
La composition en acides gras du lait maternel varie selon la composition du régime alimentaire de la mère et de ses réserves de graisse. Comme nos ancêtres qui consommaient probablement des quantités importantes d'acides gras omega-3, les mères Tsimane en font une consommation élevée, multipliée par 4 par rapport aux femmes américaines. L'alimentation « moderne » a probablement divisé dans un rapport de 1 à 10 à 20 notre apport régulier de ces acides gras, précisent les auteurs. En cause l'absence de poissons frais et la consommation régulière d'aliments transformés riches en acide linoléique (oméga-6) et en graisses trans. Et ces niveaux élevés d'acides gras oméga-6 sont liés à des risques accrus d'obésité, à l'inflammation et aux maladies cardiovasculaires, et interfèrent avec la synthèse de DHA et d'autres acides gras oméga-3.
Les taux de DHA dans les laits maternels des mères Tsimanes sont 4 fois plus élevés, les taux d'acides linoléiques et d'acides gras trans sont de 84% et 260% inférieurs, respectivement, que les taux relevés dans le lait de mères de Cincinnati. Même si ces mères vivent dans la pauvreté, leur lait est plus équilibré et bénéfique par rapport au lait de mères américaines.
Allaitement prolongé, apport garanti d'omega-3 : Il n'en reste pas moins que dans une moindre mesure, ce résultat s'avère vrai, aussi, pour les femmes américaines, qui choisissent l'allaitement prolongé. L'étude constate que l'allaitement maternel prolongé garantit aux nourrissons une source constante (et naturelle) de DHA durant la période critique du développement du cerveau.
Des résultats qui interrogent également sur la composition actuelle des préparations pour nourrissons. Car leur teneur en acide gras est aujourd'hui basée sur le lait maternel des mères « du pays ». Or l'étude suggère qu'on devrait plutôt se rapprocher d'une composition type du lait tsimane. Pour un meilleur développement du cerveau de l'enfant.
Source: Maternal and Child Nutrition 24 MAY 2012, DOI: 10.1111/j.1740-8709.2012.00412.x Fatty acid composition in the mature milk of Bolivian forager-horticulturalists: controlled comparisons with a US sample (Visuel @ Dr. Michael Gurven- UCSB)