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Pêche durable : le changement c'est pas pour maintenant

Publié le 14 juin 2012 par Bioaddict @bioaddict

Mercredi 13 juin, les ministres européens de la pêche ont adopté un accord général sur les grandes lignes de la réforme de la Politique Commune de la Pêche (PCP). Ce compromis est cependant jugé très insuffisant par les associations environnementales. "Le changement n'est pas pour maintenant. Cet accord bâclé des ministres européens de la pêche assombrit l'avenir des pêches en Europe" a ainsi commenté le WWF France. Pêche durable : le changement c'est pas pour maintenant

En 2002, les Etats s'étaient engagés à Johannesbourg à restaurer, au plus tard en 2015 et là où c'était possible, le niveau des populations des espèces pêchées au delà des niveaux de biomasse pouvant produire le Rendement Maximum Durable. Cet objectif est bien un objectif de reconstitution des populations et non un objectif de mortalité par pêche. L'indicateur doit donc être le niveau de biomasse et non la mortalité. Or les ministres européens n'ont fixé qu'un objectif de mortalité qui, sans objectif de restauration, pourra donc permettre à la surpêche de continuer. Ils annihilent ainsi un des objectifs principaux de la réforme.

Après 20 heures de négociations, les ministres européens réunis à Luxembourg ont trouvé un accord a minima pour reformer la politique commune de la pêche, refusant notamment la mise en place immédiate d'une interdiction des rejets de poissons morts ou n'entrant pas dans les quotas. Les ministres européens ont préféré donner du temps pour mettre cette mesure en oeuvre : " au moins " jusqu'en 2018 dans l'Atlantique et 2019 en Méditerranée.

La proposition de la Commission de mettre en place des " concessions de pêche transférables ", un système censé laisser le marché réguler le nombre de navires tout en responsabilisant les pêcheurs, a aussi été rejetée. Chaque pays aura la liberté d'appliquer ou non cette mesure.

Les Pays-Bas et la Suède ont voté contre le compromis, regrettant que le texte soit vidé de sa substance, tandis que le Portugal, la Slovénie et Malte l'ont rejeté pour des raisons inverses, estimant qu'il accordait trop d'importance aux facteurs environnementaux.

"Après 30 ans de mauvaise gestion des pêches en Europe et alors que le secteur de la pêche s'effondre, ce compromis ne répond pas à l'urgence écologique" a déclaré Isabelle Autissier, Présidente du WWF-France, dans un communiqué publié le même jour. "A l'heure où 75% des espèces commerciales pêchées dans les eaux européennes sont surexploitées, cet accord bâclé ne porte aucune ambition pour restaurer les populations de poissons et mettre en place une pêche durable seule à même de maintenir l'emploi. De manière honteuse, les ministres européens reviennent sur l'objectif de restauration des stocks de poissons décidés au sommet de Johannesbourg en 2002, et ce à une semaine du sommet de Rio !"

Par cette précipitation, le Conseil veut en effet visiblement contraindre le Parlement européen à une réforme bâclée. " Nous appelons les députés européens à continuer à travailler sur la mise en place d'une pêche durable et à ainsi répondre à la forte demande du public, mais aussi à celle de nombreux acteurs du secteur, à ce que l'Union européenne prenne enfin les mesures qui s'imposent au regard de l'urgence de la situation " exhorte encore Serge Orru, Directeur général du WWF-France.

En France, le changement c'est pas pour maintenant

Alors que les Pays-Bas et la Suède ont voté contre l'accord, jugeant qu'il vidait de sa substance la proposition de la Commission, la France a estimé au contraire que cette dernière s'en trouvait améliorée !

"Au Conseil, le nouveau ministre délégué à l'Économie maritime, Frédéric Cuvillier, s'est plus inquiété de l'argent public que la France recevrait pour moderniser sa flotte - argent qui d'habitude va d'abord à la pêche industrielle - que de la possibilité de pérenniser l'activité de pêche en préservant la ressource. Le nouveau ministre n'a en effet rien proposé de cohérent pour gérer la capacité de pêche alors que la surpêche est un des enjeux majeurs de la réforme. Il ne fait aucune proposition concrète pour intégrer l'environnement dans la PCP - proposition qui était également absente de son premier discours de ministre aux Assises de la Pêche, où toute la priorité était donnée à la croissance économique. On ne peut que se satisfaire que le ministre ait maintenu la position ferme de la France contre un caractère obligatoire des quotas individuels transférables", selon le WWF France.

La responsabilité de la France, un des premiers pays pêcheurs en Europe, dans cette réforme est en effet lourde. " Nous regrettons que la ministre de l'Ecologie, qui est aussi responsable de la pêche, n'ait pas impulsé le changement nécessaire de la position française pour assurer l'avenir des mers, des pêcheurs et des communautés littorales. La réforme de la PCP n'a lieu que tous les 10 ans, or dans 10 ans il sera trop tard. Pour la suite des négociations, nous appelons la ministre de l'Ecologie à être à la hauteur de cette responsabilité historique ", demande aujourd'hui Isabelle Autissier.

Censé entrer en vigueur en 2014, le texte proposé par la commissaire européenne chargée de la pêche, Maria Damanaki, prévoyait la mise en place de "vrais changements par rapport au passé" et était censé apporter des réponses durables au problème de la surpêche... Il appartient maintenant au Parlement européen de donner son avis sur la proposition de la Commission.

Stella Giani


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