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Belle du seigneur…

Publié le 15 juin 2012 par La Fille Aux Chaussures

Belle du seigneur…

Il m’en aura fallu du temps pour venir à bout de cette somme de la littérature francophone, considérée à juste titre, comme un chef d’œuvre.

Ariane est mariée à la médiocrité incarnée, en la personne d’Adrien Deume, homme sans consistance et sans esprit. Arrive Solal, son sauveur. Leur passion est fulgurante. Ils incarnent les amants éternels, les amants que rien ne peut séparer.

Ce roman est celui de l’aliénation et de l’ennui de l’amour, celui qui enferme et coupe de la vie des amants que l’on pensait éternels. L’Amour avec un grand A est ici démythifié ; adieu tous les couples sacrés de la littérarure.  Ce n’est pas le roman de la passion, ni celui des grands sentiments qui ne sont présents que les deux premiers mois de l’histoire d’Ariane et Solal. La médiocrité et l’ennui, qu’on croyait réservés au mari cornu, reviennent chez les amants, la passion n’a masqué qu’un court instant cet état lié à toute relation amoureuse. Les étreintes laissent place au langage qui sépare les amants, lassés l’un de l’autre, enfermés et fermés aux autres dans leur Amour. Eux seuls se parlent. La fuite dans les plus beaux hôtels de la Côte d’Azur et le luxe dont ils s’entourent ne masquent plus la médiocrité de leur existence.

L’Amour ne dure pas, les grands sentiments passent…

 » Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d’eux seuls préoccupés, goûtaient l’un à l’autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d’être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s’admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute son âme approuvées, qui lui murmurait qu’ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c’était cela, amoureux, et il lui murmurait qu’il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu’ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu’ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d’elle, mais non, ô bonheur, il lui souriait et contre lui la gardait et murmurait que tous les soirs, oui, tous les soirs ils se verraient.  » Ariane devant son seigneur, son maître, son aimé Solal, tous deux entourés d’une foule de comparses : ce roman n’est rien de moins que le chef-d’oeuvre de la littérature amoureuse de notre époque. »
* Ce roman d’Albert Cohen a été publié chez Gallimard en 1968. Belle du Seigneur est le troisième volet d’une tétralogie qu’Albert Cohen a commencé en 1935. Les premiers volumes sont Solal (1930) et Mangeclous (1938). Le dernier volume de cette tétralogie, Les Valeureux, a été publié en 1969.

« Belle du seigneur »  -  Ed. Folio – 14,50 euros

Prochaine lecture : raison et sentiments de Jane Austen.


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