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« L’avenir du centre est au centre-droit »

Publié le 15 juin 2012 par Délis

Delits d’opinion : Le premier tour des élections législatives a mis les formations centristes à rude épreuve. Comment abordent-elles le second tour, et avec quelles perspectives d’avenir ?

Pour les forces centristes ce premier tour a en effet quelque chose de désespérant ; nous avons assisté à une rebipolarisation massive du paysage politique français. Toutes les forces modérées ou alternatives ont été écrasées, et le second tour ne changera pas la donne. Le Nouveau Centre perdra sans doute cinq à six députés, perdant ainsi le bénéfice d’un groupe parlementaire. Au Parti Radical les sept sortants ne seront probablement que cinq à retrouver le Palais Bourbon.

Il faut cependant rappeler que le centre comme tendance politique est sur une pente mauvaise depuis plus de dix ans maintenant. Le résultat de François Bayrou le 22 avril 2007 était un artifice masquant, déjà, la nette bipolarisation de la vie politique française : les deux candidats en tête cumulent alors plus de 50% des voix, ce qui n’était le cas ni en 2002, ni en 1995.  2012 ne fait que confirmer cette tendance.

Delits d’opinion : Le Modem se serait donc construit sur un malentendu ? Est-ce là la cause de son échec ? 

Il est certain qu’il n’y a jamais eu de désir de centre au sein de l’opinion française, parce que le centre s’est toujours construit en creux, sans donner de motifs d’adhésion positifs. Le succès conjoncturel de François Bayrou en 2007 ne tient qu’au désir d’une « autre » offre politique que celle de l’UMP et du PS.  Ce désir « d’autre » aboutit systématiquement à l’émergence d’une troisième môle puissant, à 17-18% des voix -c’est aujourd’hui Marine Le Pen qui a gagné cette bataille du « ni droite – ni gauche ».

Mais le décrochage du Modem vient également du mode de gouvernance de François Bayrou. A rebours des autres formations centristes, le MoDem s’est bâti sur une promesse d’hyper-démocratie : c’est-à-dire sur le délaiement systématique des responsabilités, et sur la mise à l’écart des anciens notables.

Prenez les candidats MoDem à toutes les élections depuis 2007 : ce sont des novices, inexpérimentés - assez pour ne pas remettre en cause l’autorité de François Bayrou. Cette structure en apparence éclatée et démocrate masquait donc de facto un mode de fonctionnement ultra-centralisé. Il est vrai que cela a ses avantages. Souvenons-nous que François Bayrou et son entourage restent marqués par les scissions et défections traumatisantes des années 1998-2007. Le MoDem s’est mis à l’abri de cette menace, mais il en a payé le prix fort en se privant d’ une élite dirigeante capable de l’entraîner.

Enfin, le MoDem a fait le choix de l’isolement en refusant tout alliance extérieure.  Or un parti politique qui ne s’allie avec personne est un parti inutile. Au cours de la campagne François Bayrou n’a pas même réussi à peser sur les thématiques des « grands » candidats, comme Marine Le Pen, sa concurrente en « ni droite ni gauche »,  a pu y parvenir. La question de la dette, qu’il portait certes dès 2007, est revenu dans le débat public, mais en raison de la crise, sans qu’il n’y soit pour rien ! Il n’en a donc tiré aucun bénéfice.

Par son mode de gouvernance comme par sa stratégie politique d’isolement, François Bayrou a conduit le Modem dans une impasse.

Delits d’opinion :  de nouvelles alliances sont toujours envisageables, si le Modem veut sortir de la nasse…

C’est devenu très compliqué. Tout d’abord, le Modem se trouve écartelé entre son électorat et ses cadres : alors que l’électorat qui est resté fidèle à François Bayrou penche à droite, ses cadres penchent à gauche. Ils ont rejoint le Modem en espérant l’effondrement du parti socialiste. Peuvent-ils vraiment chercher leur oxygène au centre-droit ? Comment se comportent des individus qui réalisent leur erreur politique ? C’est difficile à dire. Peut-être réactiveront-ils l’idée d’un grand rassemblement centriste -c’est en tout cas  le seul marché où ils peuvent ne pas se vendre à la baisse.

Quand à l’alliance à gauche, pour laquelle ils plaident, on voit que cela ne paie pas. L’électorat ne suit pas.

Au final, l’opinion ne comprend pas ces revirements successifs, après chaque vote. Il faut choisir une ligne et s’y tenir. La seule ligne viable, pour une formation centriste, est au centre-droit, c’est-à-dire au plus près de son électorat.

Delits d’opinion :  le Parti Radical et le Nouveau Centre seraient donc les seules formations à pouvoir porter les propositions centristes ?

Plutôt le premier que le second. Le Nouveau Centre est un parti sans histoire, issu d’un pur choix tactique en 2007. Il n’est pas véritablement identifié par l’opinion.

Quant au Parti Radical, cela va dépendre de l’évolution de l’UMP. Il y a deux possibilités : ou le mouvement acte la diversité de la droite, avec un pôle très conservateur qui accepte de travailler avec un pôle modéré – dont au fond il se désintéresse. C’est ce qui s’est passé lors de cette campagne législative : UMP, Parti Radical et Nouveau Centre ont mis en place une collaboration efficace à défaut d’être enthousiaste. Chacun y trouve avantage. C’est la ligne défendue par Jean Léonetti.

Ou l’on assistera, sous la pression frontiste, à une droitisation de l’UMP, provoquant une hémorragie vers le centre-droit. C’est une situation espérée par certains radicaux, mais très incertaine dans sa traduction.

Delits d’opinion  : Aucun parti n’existe sans leader. Qui, pour incarner et entraîner le Parti Radical ? 

Il faut impérativement au futur leader centriste deux qualités : être bien sûr une personnalité populaire, et surtout ne pouvoir être suspecté de déloyauté à l’égard de ses alliés. En brossant ce portrait, on arrive à Jean-Louis Borloo.

Il est en situation. La renonciation de François Fillon à concourir pour la présidence de l’UMP serait un encouragement déterminant. Mais le veut-il vraiment ?

Propos recueillis par Xavier Bouvet


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