M. Abdoul Aziz Thiam aurait piraté les comptes bancaires de 48 personnes pour souscrire des abonnements téléphoniques. Parmi ces personnes se trouvaient Nicolas Sarkozy et deux membres de sa famille. Le tribunal de Nanterre avait estimé le 7 juillet 2009 qu’était recevable la constitution de partie civile de Nicolas Sarkozy, victime de deux débits de 60 euros.
Mais ce même tribunal avait estimé qu'il fallait surseoir à statuer sur les demandes du chef de l'État jusqu'à l'expiration de son mandat. La cour d'appel de Versailles, au contraire, avait jugé le 8 janvier 2010 que les condamnés devaient verser des dommages et intérêts aux victimes. M. Abdoul Aziz Thiam s'était alors pourvu en cassation, son avocat, Maître Frédéric Rocheteau, faisant valoir que, face au président de la République, le principe de " l'égalité des armes " était violé.
Lors de l'audience, l’avocat général Xavier Salvat avait fait remarquer que, comme le chef de l'Etat nomme les juges et que c'est de lui " que dépend l'avenir professionnel des magistrats ", ceci "crée structurellement une situation qui paraît incompatible avec le respect des règles du procès équitable ". Ceci ne sous-entend nullement que les juges seraient partiaux, mais le tribunal doit donner " l'apparence " de l'impartialité, selon une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme.
La Cour de cassation a rendu son arrêt au moment même où cessait l’immunité pénale de Nicolas Sarkozy. La haute juridiction rejette l’argument de Maître Salvat : " La seule nomination des juges par le président de la République ne crée pas pour autant une dépendance à son égard, dès lors qu'une fois nommés, ceux-ci, inamovibles, ne reçoivent ni pressions ni instructions dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles. » Si, faute de preuves contraires, nous ne pouvons qu’accepter cette affirmation, il me semble par contre que la balance n’est pas égale entre un accusé, inconnu des juges avant cette affaire, et une partie civile intervenue dans la nomination de ces mêmes juges.
Certes, cette nomination ne crée pas une dépendance formelle entre le juge et celui qui l’a nommé. Mais une nomination consiste en un choix et, si des éléments objectifs guident ce choix, la subjectivité n’en est pas toujours absente. Même si le chef de l’État ne fait que se prononcer sur une liste présentée par quelque autre autorité, c'est bien lui qui, par sa signature, nomme et accorde sa confiance au juge. Peut-on affirmer, même si la gratitude ne se manifeste pas toujours, qu’il n’y ait pas là un risque que le juge puisse favoriser celui qui l’a nommé aux dépens d’un simple inconnu ?