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A propos de l'encadrement des loyers

Publié le 21 juin 2012 par Copeau @Contrepoints

François Hollande compte honorer sa promesse de campagne d'encadrement des loyers, une mesure éminemment dangereuse, y compris pour les locataires. Voici pour expliquer pourquoi un court texte tiré de Jonathan Gullible, une Odyssée de la liberté consacré à cette question.

Par Ken Schoolland.

A propos de l'encadrement des loyers
Chapitre "Pagaille au Logis" (Lien Amazon pour acheter le livre)

Les rues se firent plus calmes tandis que Jonathan se traînait le long d’une autre rangée de mornes maisons. Il remarqua un groupe de gens pauvrement vêtus rassemblés devant trois hauts bâtiments marqués Bâtiment A, Bâtiment B et Bâtiment C. A était vide et dans un état lamentable – la maçonnerie s’effondrait, les fenêtres étaient cassées, et ce qui restait des vitres était recouvert de crasse. A la porte d’à côté, au B, il y avait des gens pelotonnés les uns contre les autres sur les marches de devant. Jonathan entendit des voix provenant de l’intérieur et le bruit d’une activité animée dans chacun des trois étages. Du linge pendait en désordre de pièces de bois qui dépassaient de chaque fenêtre et balcon. Le bâtiment était bondé de locataires.

De l’autre côté de la rue s’élevait le Bâtiment C, impeccablement maintenu et – comme le bâtiment A – sans personne dedans. Ses vitres astiquées étincelaient au soleil ; les murs en ciment étaient lisses et propres.

Alors qu’il observait les trois bâtiments, Jonathan sentit une tape légère sur son épaule. En se retournant, il se trouva face à face avec une jeune fille aux longs cheveux bruns cendrés. Ses vêtements gris clair lui allaient mal et elle ne paraissait pas particulièrement jolie à première vue, mais Jonathan trouva qu’elle avait l’air éveillée et gentille.

« Connaissez-vous des appartements à louer ? » demanda-t-elle d’une voix douce et plaisante.

« Désolé, dit Jonathan, je ne suis pas d’ici. Pourquoi n’allez-vous pas voir ces deux bâtiments vides ? »

« Ce n’est pas la peine, » répondit-elle doucement

« Et pourquoi ? dit Jonathan. Ils m’ont l’air vides. »

« Oui, ils le sont. Ma famille habitait par là dans le bâtiment A avant le contrôle des loyers. »

« Qu’est-ce que le contrôle des loyers ? » demanda Jonathan.

« C’est une loi pour empêcher les propriétaires d’augmenter les loyers. »

« Pourquoi ? » s’enquit Jonathan.

« Oh, c’est une histoire stupide, dit-elle. Autrefois, quand la Machine à Rêves arriva dans notre voisinage, mon père et d’autres se plaignirent que les propriétaires augmentaient les loyers. Évidemment, les coûts avaient augmenté et plus de gens louaient, mais mon père dit qu’il ne pensait pas que nous devrions payer plus. Alors, les locataires – ou anciens locataires devrais-je dire – demandèrent que le Conseil des Seigneurs interdise d’augmenter les loyers. C’est exactement ce que fit le Conseil, et il embaucha un tas d’administrateurs, inspecteurs, juges et gardes pour faire respecter les nouvelles règles. »

« Est-ce que les locataires étaient contents ? »

« Au début, bien sûr. Mon père se sentait en sécurité par rapport au coût du toit au-dessus de nos têtes. Mais ensuite les propriétaires arrêtèrent de construire de nouveaux appartements et arrêtèrent de réparer les anciens. »

« Qu’arriva-t-il ? »

« Les coûts continuaient à grimper – les réparateurs, les gardes, les gérants, l’électricité, le gaz, les impôts et tout le reste – mais les propriétaires ne pouvaient augmenter les loyers pour tout prendre en charge. Alors, ils se dirent : “Pourquoi construire et réparer juste pour perdre de l’argent ?” »

« Les impôts avaient augmenté aussi ? » demanda Jonathan.

« Sûr – afin de payer pour faire appliquer le contrôle des loyers. Les budgets et le personnel durent augmenter, dit la jeune fille. Le Conseil a instauré le contrôle des loyers mais jamais le contrôle des impôts. Eh bien, quand les réparations et l’entretien s’arrêtèrent, on détesta bientôt les propriétaires. »« On ne les détestait pas avant ? »« Non, avant le contrôle des loyers, nous pouvions choisir entre plein d’appartements. Les propriétaires devaient être gentils pour qu’ils nous incitent à emménager et rester. La plupart des propriétaires se comportaient amicalement et rendaient les choses attrayantes. S’il y avait de mauvais propriétaires, on se donnait le mot rapidement et les gens les évitaient comme les rats qu’ils étaient. Les bons propriétaires attiraient les locataires de longue durée tandis que les mauvais perdaient leurs locataires. »

« Qu’est-ce qui a changé ? »

« Après le contrôle des loyers, tout le monde est devenu méchant, dit-elle d’un air désespéré. Les pires réussirent le mieux. » Elle s’assit sur le trottoir pour gratter Souris derrière les oreilles. Souris se coucha sur le dos et se mit à ronronner.

Consciente de ce que Jonathan la dévisageait, elle continua avec confiance : « Les coûts augmentèrent mais pas les loyers. Même les propriétaires les plus gentils durent faire moins de réparations. Quand les bâtiments devinrent inconfortables ou dangereux, les locataires se fâchèrent et se plaignirent aux inspecteurs. Les inspecteurs imposèrent des amendes aux propriétaires. Bien sûr, certains propriétaires donnèrent des pots-de-vin aux inspecteurs pour qu’ils ferment les yeux. En fin de compte, le propriétaire du Bâtiment A, un brave homme, ne pouvait plus se permettre ni les réparations ni les pots-de-vin, alors il ferma tout simplement et s’en alla. »

« Abandonnant son propre bâtiment ? » bafouilla Jonathan.

« Ouais, ça arrive souvent, soupira-t-elle. Imaginez ce que c’est que de vous séparer de quelque chose qu’il vous a fallu une vie entière pour construire. Eh bien, il y avait de moins en moins d’appartements disponibles, mais de plus en plus de locataires. Les gens devaient se caser dans ce qui restait. Même les mauvais propriétaires, comme celui qui a le Bâtiment B, n’eurent plus jamais d’appartements vides. On dit qu’il prend des dessous de table pour mettre les demandeurs plus haut sur la liste d’attente. Ceux qui ont assez d’argent s’en tirent. Ce mauvais propriétaire s’enrichit comme un bandit. »

« Et le Bâtiment B ? dit Jonathan, désireux d’aider. Est-ce qu’on peut y entrer ? »

« La queue est terrible. Quand Madame Whitmore décéda, vous auriez dû voir la bagarre ouverte – tout le monde se griffait et se criait après pour une place dans la queue. Le fils de Bess Tweed a finalement eu l’appartement – bien que personne ne se rappelle l’avoir vu faire la queue ce jour-là. Une fois, ma famille a essayé de partager un appartement dans le Bâtiment B, mais le code de construction interdit de partager. »
« Qu’est-ce qu’un code de construction ? » demanda Jonathan.

La jeune fille fronça les sourcils. « Ça a démarré comme un ensemble de règles de sécurité. Mais les Seigneurs l’utilisent maintenant pour déterminer le style de vie. Vous avez des choses comme le nombre exact de lavabos, de poêles et de W.C. ; le nombre et le genre approprié de gens ; la quantité d’espace convenable.” Avec une nuance de sarcasme, elle ajouta : “Alors, nous avons abouti dans la rue, où rien n’est conforme au code. Pas de lavabos, de poêles ou de W.C., pas d’intimité et bien trop d’espace. »

Jonathan se sentit déprimé à la pensée de sa fâcheuse situation. Puis il se rappela le troisième bâtiment – tout neuf et vide. C’était la solution évidente à ses problèmes.

« Pourquoi n’emménagez-vous pas dans le Bâtiment C, juste de l’autre côté de la rue ? »

Elle rit avec amertume. « Ce serait une violation des règles de zonage. »

« Zonage ? » répéta-t-il. En se penchant en arrière sur le trottoir où il était assis, Jonathan secoua la tête avec incrédulité.

« Ce sont les règles d’emplacement. La répartition en zones marche comme ça » dit-elle en utilisant un bâton pour tracer un plan par terre. « Le Conseil tire des traits sur leur plan de la ville. On permet aux gens de dormir d’un côté du trait la nuit, mais ils doivent travailler de l’autre côté pendant la journée. Le Bâtiment B est sur le côté sommeil du trait et le Bâtiment C est du côté travail. Mais les bâtiments de travail sont souvent situés de l’autre côté de la ville par rapport aux bâtiments de sommeil, ce qui oblige chacun à faire un long trajet matin et soir. Ils disent que la grande distance est un bon stimulant pour l’exercice physique et la vente de véhicules. »

Jonathan écarquilla les yeux d’ahurissement. Un immeuble d’appartements bondé, en sandwich entre deux bâtiments vides, et une rue pleine d’indigents. « Qu’allez-vous faire ? » demanda-t-il avec compassion.

« Nous vivons au jour le jour. Mon père veut que j’aille avec lui au gala “Haut les pouces” que Dame Tweed organise demain pour les sans-logis. Elle promet de nous remonter le moral avec des jeux et un déjeuner gratuit. »

« Comme elle est généreuse ! » remarqua sèchement Jonathan, en se rappelant sa conversation avec Dame Tweed. « Peut-être qu’elle pourrait vous laisser vivre chez elle jusqu’à ce que vous vous trouviez quelque chose. »

« Une fois, Papa a eu le culot de le lui demander, car Tweed a mené le jeu qui a conduit le Conseil à instituer le contrôle des loyers. Dame Tweed déclara : “Mais ce serait de la charité ! La charité est dégradante !” Elle lui expliqua qu’il est bien plus respectable de requérir un appartement avec l’argent des contribuables. Elle lui dit d’être patient et qu’elle s’arrangerait avec le Conseil. »

La jeune fille sourit à Jonathan et dit : « Au fait, je m’appelle Alisa. Voulez-vous vous joindre à nous pour le déjeuner gratuit de Tweed demain ? »

Jonathan rougit. Peut-être pourrait-il apprendre à apprécier cette île. « Bien sûr, je serai ravi d’y aller aussi. Au fait, je m’appelle Jonathan. »

Alisa fit un bond en souriant. « Alors Jonathan rencontrons-nous demain ici – à la même heure. Amenez votre chat. »

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