Air France au pied du mur.
Nous y voici : Air France lève le voile sur la méthode de redressement qu’elle a choisie, pour l’essentiel la suppression de 5.122 emplois en un an et demi. Un peu plus de 1.700 départs en retraite non remplacés et, pour le reste, des départs volontaires, en évitant des licenciements à proprement parler. Les chiffres ne sont pas étonnants, bien qu’il s’agisse de rayer d’un trait de plume 10% des effectifs de l’entreprise.
Un commentaire d’internaute résume tout : comment une entreprise a-t-elle pu vivre avec 5.000 personnes de trop ? Bonne question ! Tout simplement parce qu’elle a compris tardivement que le monde du transport aérien avait abordé une profonde mutation, notamment avec l’avènement des compagnies low cost qui ont largement contribué à détruire tout espoir de rentabilité du réseau court/moyen-courrier de la compagnie. Trop longtemps, Air France a nié une dure réalité concurrentielle : chez Ryanair, la recette moyenne par passager est d’une petite cinquantaine d’euros, 75 environ chez EasyJet. Et peu importe qu’il faille payer un supplément pour enregistrer un bagage ou boire un café pendant le vol.
Air France va bientôt mettre définitivement au sol non moins de 34 A320, ce qui en dit long. Et cela même si cette mesure est justifiée par une réorganisation opérationnelle, par la mise en place de «bases» qui se veulent un gage d’efficacité accrue. Une efficacité qui devrait théoriquement faire un bond en avant de 20% pour la fin 2013. Du coup, la question, la seule question qui compte vraiment, est de savoir si les 50.000 salariés de la compagnie, et leurs syndicats, ont compris, bien compris, qu’il y a vraiment péril en la demeure. D’autres entreprises, dans des circonstances similaires, utiliseraient certainement des termes plus brutaux pour justifier la dure réalité des chiffres. Mais il reste chez Air France une manière de faire très BCBG, qui serait sympathique en d’autres circonstances mais qui n’est absolument plus de mise.
Tout au contraire, il faut marteler que les compagnies low cost européennes transportent près de 200 millions de passagers par an, bientôt beaucoup plus, qu’elles s’arrogent des pans entiers du marché et cela tout en affichant une rentabilité exemplaire. Et, de manière générale, les rouages en place restent trop sophistiqués, trop lourds, trop coûteux.
Dès lors, les prochains jours seront décisifs. Soit que les syndicats entérinent l’analyse de la direction et acceptent les suppressions d’emplois proposées. Soit qu’un accord ne soit pas signé dans les 8 jours, comme il leur est demandé, que les relations entre direction et organisations syndicales deviennent conflictuelles et débouchent, peut-être, sur un conflit. Ici et là, on évoque déjà l’éventualité d’un mouvement de grève dès les premiers jours de juillet, comme par hasard au moment des premiers grands départs de l’été, de quoi nuire au maximum à l’image de la compagnie. Une hypothèse dont chacun espère évidemment qu’elle ne devienne pas réalité, tant elle indiquerait une erreur d’appréciation et un comportement irresponsable.
On note au passage que les pilotes n’affichent pour l’instant qu’une seule revendication, être inclus dans les aides offertes aux départs volontaires, pour éviter «une situation injustifiée». On les a connus plus revendicatifs et c’est là un petit encouragement.
Air France est devenue la branche malade du transport aérien européen et la voici qui joue son avenir. Sans filet.
Pierre Sparaco - AeroMorning