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Le grand retour d’un mythe : le moteur à eau

Publié le 24 juin 2012 par Copeau @Contrepoints

Le "scandale" du brevet d'un moteur à eau, racheté par un grand groupe industriel pour mieux l'enterrer, est un grand classique des légendes urbaines contemporaines.

Par Anton Suwalki.

Le grand retour d’un mythe : le moteur à eau
Le week-end dernier, des amis de passage m’ont affirmé  que Renault avait racheté le brevet d’un moteur à eau pour l’enterrer aussitôt. La première fois que j’ai été mis au parfum de ce « scandale », c’était à la fin des années 70. À l’époque, et c’est la version qui circule encore le plus fréquemment sur le net, c’est l’industrie pétrolière qui avait enterré l’invention.

C’est un grand classique des légendes urbaines contemporaines, et la discussion que nous avons eu est quasiment exemplaire de la manière dont bien des gens peuvent gober à peu près n’importe quelle thèse, du moment qu’elle est séduisante. Ici, l’industrie pétrolière (et/ou automobile) protège forcément ses intérêts, et il est bien connu que ce sont des méchants. Donc cette affaire doit être vraie. Le coupable n’a laissé aucune trace sur les lieux du présumé crime, on n’a pas le cadavre, on n’a même pas d’avis de disparition de la présumée victime. Qu’importe , on a un mobile !

PV approximatif de la conversation, naturellement plus désordonnée dans la réalité. Je tiens à préciser que les personnes en question sont dotées d’une intelligence tout à fait normale.

1/ Je demande l’origine de leur information.

Ils l’ont lu « quelque part ».

Sur le net ?

Affirmatif.  Néanmoins ils ne savent plus trop où.

2/ Suffit-il que quelque chose soit écrit sur le net pour que ça soit vrai ?

Réponse imparable : Parce que tu crois que les pétroliers n’ont pas intérêt à priver le monde d’une source d’énergie illimitée ?

On ne répond pas à la question, mais on inverse les rôles : le sceptique devient le naïf, et le naïf , lui, se sent tout à coup terriblement lucide, et ne se laisse pas impressionner par les exigences de preuves ou au minimum d’indices crédibles. Seuls comptent les intérêts tout puissants qui guident le monde. Le machiavélisme des grandes firmes suffit à rendre crédible absolument n’importe quoi.

3/ Tu parles de l’industrie du pétrole. Mais quel serait l’intérêt de Renault ? (NB dans d’autres versions qui circulent, c’est Ford qui aurait enterré le brevet. Mais qu’importe, si ça n’est lui, c’est donc son frère, la théorie du complot est l’ennemie de la précision).

La réponse est un peu confuse, mais en gros : il doit bien y avoir collusion quelque part entre industrie de l’automobile et industrie pétrolière.

4/ Pourquoi les constructeurs développent-ils alors des moteurs moins gourmands en carburant, des voitures électriques etc. ?

À défaut de pouvoir résoudre cette contradiction, un ami m’embarque vers la fusion nucléaire, qui porterait un coup terrible aux pétroliers et aux gaziers.

Je rétorque que si ça n’existe pas encore, c’est parce que c’est très difficile à mettre au point, et non pas à cause d’un quelconque sabotage. On n’en est qu’au début du stade expérimental, et très loin du stade industriel. Je lui parle des réacteurs Tokamak, d’ITER : Connais pas… Je lui mentionne que des physiciens de grande pointure ont exprimé des réserves sur la faisabilité de la fusion. Pierre-Gilles de Gennes ? Connais pas non plus. Mais pourquoi s’embarrasser d’une information minimale sur le sujet ? Là encore, des spéculations gratuites sur ceux qui ont intérêt à ce que ça ne marche pas suffisent.

5/ Tu as parlé d’un brevet acheté et enterré. Il devrait bien y avoir une trace quelque part de ce brevet ? Réflexe pavlovien imparable des complotistes : en substance, l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence.

Cela pourrait s’expliquer par le fait que les malfaisants sont particulièrement habiles et machiavéliques et qu’ils ont réussi à rendre le crime parfait. Pour un peu, l’absence de preuve deviendrait la preuve ultime !

6/ Mais tout de même, on devrait bien avoir une petite idée du principe physique selon lequel fonctionnerait un tel moteur à eau ?

Je ne sais pas, je ne suis pas physicien.

7/ Moi non plus, je ne suis pas physicien, mais je sais un minimum de choses, et le fait est que je n’ai jamais vu un début d’explication physique de votre fameux moteur à eau. Il y aurait bien des moteurs à hydrogène, dans ce cas-là, la source d’énergie ne serait pas l’eau mais par exemple l’électricité utilisée pour séparer les atomes d’hydrogène et d’oxygène par électrolyse. Il y a aussi le système « Pantone », qui lui dispose bien d’un brevet, où l’eau ne se substitue pas à l’essence, mais qui a réellement été testé et qui est inefficace. À défaut de connaître une seule personne, fut-ce le professeur Shadoko, capable de fournir un début d’explication au principe d’un moteur utilisant l’eau comme source d’énergie, je considère donc qu’une telle invention n’a vraisemblablement jamais existé et que cette histoire de brevet enterré est une simple légende.

Fin  de la discussion. Je pense que mes arguments ont eu une certaine portée. Qu’ils doutent quand même, en fin de compte, de la réalité de cette histoire.

Au-delà de la légende du moteur à eau, cette discussion aurait porté ses fruits si elle avait abouti à un réel questionnement sur la façon d’appréhender l’information. Mais, là, je n’en suis pas tout à fait sûr.

Un peu plus tard, j’avais droit « aux semences stériles » de Monsanto.

Grosse fatigue…

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