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Des mauvais sujets

Publié le 26 juin 2012 par Les Lettres Françaises

Des mauvais sujets

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revue culturelle et littérraire les lettres françaises

Aventuriers et libertins au siècle des Lumières, de Jean-Claude Hauc

Depuis de nombreuses années, Jean- Claude Hauc explore les bas-fonds de l’Europe des Lumières en quête d’informations ou de documents concernant ceux que leurs contemporains nommaient « aventuriers ». Il a ainsi publié un ouvrage sur Ange Goudar, utilisé la biographie d’Andréa de Nerciat dans l’un de ses romans, produit diverses études sur Casanova. Avec son nouveau livre, il nous offre une sorte de panorama de ces individus à la fois fascinants et inquiétants. À la suite d’une étude typologique dans laquelle il cherche à définir leurs caractéristiques communes (voyages incessants, jeu et tricherie, espionnage, libertinage, liens avec la franc-maçonnerie, projets utopiques en tous genres…), Jean- Claude Hauc nous propose quinze biographies de ces hommes hors du commun. Du comte de Bonneval à Alexandre de Tilly, en passant par Saint-Germain, le chevalier d’Éon, Cagliostro, la princesse Tarakanova et, bien sûr, Casanova, qui demeure le parangon de ces mauvais sujets, c’est toute l’histoire du XVIIIe siècle qui défile sous nos yeux émerveillés, de la Régence à la Révolution. Si les aventuriers sont souvent des plagiaires ou des folliculaires, certains sont également de bons écrivains à la plume particulièrement réactive.

L’Espion chinois représente, au milieu du siècle, un véritable brûlot qui fait d’Ange Goudar la bête noire des censeurs et des inspecteurs de police. Le Cosmopolite, de Fougeret de Monbron, ou le Colporteur, de Chevrier, sont des libelles terribles constituant une critique féroce des principaux gouvernements de l’Europe du temps. Ils enregistrent avec précision les failles d’une civilisation en pleine déliquescence et annoncent la montée des contestations souvent bien mieux que certains représentants plus connus de la République des lettres. Échappant à tout ordre social par leurs métamorphoses incessantes, les aventuriers se composent une identité propre et apparaissent comme les premiers individus au sens moderne du terme. Ce qui frappe enfin avec Aventuriers et libertins au siècle des Lumières, c’est que, malgré l’érudition dont fait preuve Jean-Claude Hauc, l’ouvrage n’est jamais ennuyeux et se lit avec le plaisir que procure un bon roman. Mais l’existence des personnages évoqués est romanesque en diable, tissée d’aventures inouïes, d’amours singulières, emportée par un vent de liberté avec lequel notre siècle aurait assurément besoin de renouer.

 Bernard Bonavita

Aventuriers et libertins au siècle des Lumières, de Jean-Claude Hauc, Éditions de Paris, 144 pages, 16 euros.

N° 67 – Les Lettres Françaises Janvier 2010



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