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Les valeureux colibris: La décroissance. 10 questions pour comprendre et en débattre (3)

Publié le 03 juillet 2012 par Simplicitevolontaire

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Les valeureux colibris: La décroissance. 10 questions pour comprendre et en débattre (3)

Bayon Denis, Flipo Fabrice, Schneider François, La décroissance. 10 questions pour comprendre et en débattre, Editions La Découverte, Paris, 2010, 236p.

Ce livre que je choisis de vous présenter ici constitue un ouvrage de référence pour comprendre le mouvement de l’objection de croissance, découvrir ses propositions émergentes et répondre aux questions qui fâchent.

Dans le contexte de ce blog, je vous propose de découvrir ce livre chapitre par chapitre, à travers divers articles numérotés. N’hésitez pas à les diffuser auprès de vos proches, de vos amis et hors de votre réseau social habituel. Diffuser, c’est déjà militer.

Dans cette présentation morcelée, simplifiée et forcément subjective, vous pourrez observer de nombreux ajouts entre [crochets] : ceux-ci constituent des compléments d’informations ou des commentaires personnels.

Sur simple demande ([email protected]), un résumé plus complet de ce livre peut vous être envoyé.

Christophe.

1. Que signifie « décroissance » ?

De la critique écologique à la critique du système des besoins

La critique écologique défend le respect des écosystèmes et critique la société industrielle. Comme les écologistes, les objecteurs de croissance [abréviation : OC] affirment que le niveau matériel de consommation des pays « développés » est très inégalitaire vis-à-vis du Sud ou vis-à-vis des générations futures. Il s’agit donc de réduire nos consommations.

Les politiques de « croissance verte » suggèrent de ralentir la croissance des inégalités, les OC pensent qu’il faut se mettre le plus vite possible sur le chemin d’une croissance de l’égalité. Cette option implique une remise en cause radicale du système des besoins instauré par les pays développés, qu’ils soient capitalistes ou socialistes.

Pour Ivan Illich, la sortie du système des besoins constituerait un mouvement d’émancipation véritable.

De l’entropie à la critique de l’économie politique[1]

La signification exacte du terme entropie est complexe et fait débat mais les enjeux sont simples : le monde est soumis à des transformations irréversibles.

Cette irréversibilité peut prendre plusieurs formes :

- elle peut être chimique : quand le pétrole est brûlé, il est dissipé et ne peut pas se reformer à l’échelle de l’espèce humaine;

- elle peut être mécanique : un métal qui est extrait des mines est un métal qui existe à l’état concentré. Son utilisation le disperse et il est difficile de le « reconcentrer » car les systèmes de recyclage consomment eux-mêmes beaucoup d’énergie, de matière et ne sont jamais totalement efficaces.

Toute activité humaine transforme des ressources de « basse entropie » c’est-à-dire offrant une énergie ou une matière facilement utilisables en ressources de « haute entropie » c’est-à-dire des ressources inutilisables par les êtres humains : des zones stériles, des déchets, de la pollution.

La plupart des économistes ne prennent pas en compte ce processus d’irréversibilité. Ils laissent penser que ce qui a été construit, accumulé, peut durer pour l’éternité.

Selon Nicholas Georgescu-Roegen, l’activité économique moderne est une vaste entreprise de raréfaction matérielle des ressources utilisables au profit d’une croissance des zones stériles, des déchets et de la pollution. Il écrivait en 1971 que la fin de la phase industrielle serait atteinte d’autant plus vite que la croissance économique serait élevée. Selon lui, chaque voiture produite l’est au détriment d’une autre à venir.

Pour Howard T. Odum, le recyclage de la matière peut encore être assurée par le soleil pendant quelques milliards d’années. La société doit basculer dans l’usage des ressources renouvelables. En 2001, ce chercheur reconnaît toutefois l’inévitabilité de la décroissance.

Kenneth E. Boulding : c’est à lui que l’on attribue la célèbre citation « Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». Contrairement à ce que laisse penser cette citation, Boulding repousse la fin de la croissance à des échéances lointaines. Pour lui, l’énergie solaire est abondante, l’enjeu est de réussir à la capter en quantités significatives. Cela pourra se faire grâce à la progression du savoir, avec la création de techniques de collecte, de stockage et de distribution. L’énergie nucléaire est aussi potentiellement illimitée. Cette idée est reprise par les lobbies nucléaires depuis que les USA se sont engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’épuisement des ressources fossiles ne nous contraindra pas à la décroissance.

Pour les OC, l’énergie solaire est certes abondante mais la part récupérable est faible lorsque l’on voit l’énorme masse d’énergie fossile sur laquelle repose la société industrielle.

["(...) ce sont les caractéristiques de nos sources d'énergie actuelles (principalement le pétrole, le charbon et le gaz naturel) qui nous ont permis de développer une société à grande mobilité, large population et taux de croissance élevés. L'examen des sources d'énergie alternatives disponibles nous indiquent qu'aucune ne semble en mesure de perpétuer ce genre de société. De plus, les infrastructures nationales de production d'énergie sont onéreuses et lentes à développer. S'il existe de nombreuses installations productrices d'énergie alternative fonctionnelles dans le monde (allant des petits systèmes photovoltaïques individuels aux grandes « fermes » de turbines éoliennes de trois mégawatts), il y a en revanche peu de nations modernes et industrielles capables d'obtenir actuellement l'essentiel de leur énergie par des sources autres que le pétrole, le charbon et le gaz naturel. Dès lors, toute transition réelle hors des combustibles fossiles ne reste que théorie et optimisme inconscient, certainement pas réalité. Ainsi la conclusion que j'ai tirée d'un examen attentif des énergies alternatives, c'est qu'il est peu probable que les combustibles fossiles conventionnels comme les sources d'énergie alternatives puissent fournir la quantité et la qualité d'énergie nécessaires au maintien de la croissance économique, ni même les niveaux actuels d'activité économique, pour le reste du siècle en cours. Or, le problème s'étend bien au-delà du pétrole et des autres combustibles fossiles : les ressources mondiales en eau sont mises à contribution au point que des milliards d'êtres humains risquent de bientôt se retrouver avec seulement un accès précaire à l'eau potable et pour l'irrigation. La biodiversité décline rapidement. A cause de l'érosion, nous perdons 24 milliards de tonnes de terre cultivable chaque année. Par ailleurs, de nombreux minerais économiquement significatifs, de l'antimoine au zinc, sont en voie d'épuisement rapide, nécessitant l'extraction de minerais de qualité moindre dans des zones toujours plus reculées. Aussi la crise du pic pétrolier n'est-elle que le côté tranchant d'un dilemme de pic général plus large.
(...) Si nous prenons un peu de recul et observons la période industrielle dans une perspective historique large et en ayant conscience des limites écologiques, il est difficile de passer outre la conclusion que nous vivons aujourd'hui la fin d'une parenthèse relativement brève : une phase d'expansion rapide de 200 ans rendue possible par une manne énergétique temporaire (sous forme de combustibles fossiles très bon marché) et qui sera inéluctablement suivie d'un repli encore plus rapide et dramatique avec l'épuisement de ces combustibles. La survenue de cet élan croissance-contraction ne signifie pas nécessairement la fin du monde, mais cela implique effectivement la fin d'une certaine forme d'économie. D'une façon ou d'une autre, l'humanité doit revenir à un mode plus normal d'existence se caractérisant par son appui sur l'afflux solaire immédiat (par les cultures, le vent ou la conversion directe du rayonnement solaire en électricité) plutôt que sur une ancienne énergie solaire stockée. Il ne s'agit pas d'affirmer que le reste du 21ème siècle doive consister en un effondrement de l'industrie, une disparition de l'essentiel de la population humaine et à un retour des survivants à un mode de vie pratiquement identique à celui des paysans du 16ème siècle ou des chasseurs-cueilleurs primitifs. Il est possible en revanche d'imaginer des façons acceptables et même attirantes pour l'humanité de s'adapter aux limites écologiques tout en développant plus encore sa richesse culturelle, sa compréhension scientifique et sa qualité de vie. Mais peu importe comment elle est amenée, la transition sera synonyme de fin de la croissance économique au sens conventionnel. Et il semble que cette transition ait démarré (...)".] Heinberg Richard, Le pic du pétrole est un volcan, in La Décroissance – Le journal de la joie de vivre, n°72, septembre 2010.

Plutôt que de parier sur des miracles, beaucoup d’OC estiment qu’il faut s’appuyer sur les techniques existantes et rechercher une voie plus démocratique et plus équitable à l’échelle globale. Avec ces techniques existantes, le consensus aujourd’hui est que les énergies renouvelables pourraient fournir environ la moitié de l’énergie commerciale utilisée à l’heure actuelle.

Beaucoup d’économistes du 19ème siècle (Ricardo, Mill, etc.) favorables à l’économie marchande envisageaient, voire souhaitaient, une sortie de l’économie de croissance par la survenue d’un « état stationnaire » c’est-à-dire une croissance nulle. Ce sera aussi le souhait ardent d’un grand économiste du 20ème siècle : Keynes.

[1] L’entropie peut être [interprétée comme la mesure du degré de désordre d'un système au niveau microscopique. Plus l'entropie du système est élevée, moins ses éléments sont ordonnés, liés entre eux, capables de produire des effets mécaniques, et plus grande est la part de l'énergie inutilisée pour l'obtention d'un travail ; c'est-à-dire gaspillée de façon incohérente] Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Entropie


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