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Au bistrot ou sous un pont : la fraternité à portée de main

Par Victor Vieilfault @Vic_Vieilfault

lecharbonnierIl est 8h du mat' un dimanche pluvieux de juin. Le quartier latin ouvre doucement les yeux. Avant de m'enfoncer dans les profondeurs de la ville pour sauter dans un métro, je pénètre dans la salle feutrée et aromatisée d'un bistrot de la rue de Rennes. Je m'assois au bar et commande un traditionnel café-croissant. Accoudé à ma gauche, un homme mûr d'une cinquantaine d'années. Sur le fil de l'inspiration matinale la conversation s'engage. Très vite l'homme me confie son manque d'espérance dans cette fichue vie. Fils perdu, femme quittée, fragile destin qui se réfléchit ce matin dans le noir du café. Et comme une main tendue, il touche mon coeur en me disant que sa première famille c'est la France.

Souvent baptisée comme "seconde famille" la France est aussi parfois la seule chose qui reste... Un bien précieux, un petit cristal dans la vie d'un citoyen désarçonné. L'intuition ultime d'une vie reliée aux autres, un creuset culturel commun qui a fait dire un jour à Jean Jaurès que "la patrie est le bien de ceux qui n'ont rien".

Nous nous quittons sous le regard de l'aurore qui fait scintiller ses premiers reflets sur les parois vitrées de ce salon public. On échange nos prénoms, un dernier regard et c'est le plongeon dans ce nouveau jour qui se lève.

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La journée suivante, sous le métro aérien de Paris, à l'heure où les rayons rouges du crépuscule réchauffent l'oeil comme pour s'excuser d'annoncer l'éminence de la nuit qui refroidira le corps, au hasard des rencontres, je me ballade avec David, un ami. C'était décidé : ce soir là on irait à la rencontre d'un frère, d'un homme envoyé par la délicatesse du temps et du lieu. Et cela n'a pas manqué. C'est Harry, l'ami qui nous voulait du bien ce soir. Dans la pénombre, sa silhouette effilée et sa peau aux couleurs de l'ébène naviguent avec nous comme un ange dans la nuit. Il parle avec assurance et foi. Il regarde le fond des yeux et interpelle nos coeurs endormis. Il cite St Paul et St Jean avec la passion d'un homme affiné à l'or fin de la Parole.

David, lui et moi formons un petit tryptique, une petite cathédrale de rouille et d'os, hors des bruits de la ville. L'espace d'une petite heure, nous sommes ailleurs, projetés dans la dimension mystérieuse de la fraternité. On venait aider et écouter. On a écouté et on a été porté par les longueurs d'onde d'une foi profonde. On a prié tous les trois comme trois pauvres types hors du temps. Ce lundi, notre famille c'était l'Eglise.

Laissons chanter en notre coeur la musique du chemin de la rencontre. Vous savez, celle qui berce le pèlerin qui s'aventure sur les routes qui mènent à Santiago de Compostela. Peut être Carlos Nunez a-t-il su mettre son talent au service des ondes cachées de la fraternité qui façonnent nos enthousiasmes. Ecoutons religieusement ces notes volées à l'océan qui irrigue nos caractères atlantiques :

 


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