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Rigueur: ces premières décisions qui vous feront hurler. Ou pas.

Publié le 05 juillet 2012 par Juan
Rigueur: ces premières décisions qui vous feront hurler. Ou pas. Mercredi 4 juillet, le quatrième opus de Spiderman sortait dans les salles françaises. A l'Elysée, les ministres n'en avaient cure. Ils examinaient le premier exercice budgétaire de cette nouvelle majorité, quelque 7,2 milliards d'euros de hausse d'impôts pour respecter l'objectif annuel.
On pouvait regretter que la facture ne fut pas plus lourde pour certains. On pouvait s'amuser de la micro-polémique sur l'usage du mot Rigueur.
On pouvait hurler. Ou pas. 
Ce passé qu'on voudrait oublier
En 2007, à peine élu, Nicolas Sarkozy était allé à Bruxelles prévenir nos partenaires européens que la France ne respecterait pas le retour à l'équilibre en 2013 pourtant promis quelques mois auparavant par le gouvernement Villepin. Cette entrée en matière avait heurté, notamment Angela Merkel. Quelques semaines plus tard, la loi TEPA, rebaptisée paquet fiscal par l'opposition, fut votée avec son lot d'aberrations coûteuses: défiscalisation des heures supplémentaires, abaissement des droits de succession, défiscalisation partielle des intérêts d'emprunt,
En 2012, François Hollande a été élu sur un programme de redressement, certes peu glamour mais réel. Le problème est qu'il risque d'être finalement plus grave encore que ce qu'on nous a promis car la situation s'aggrave. A peine élu, François Hollande n'est pas allé prévenir nos partenaires qu'il s'exonérait des engagements du précédent gouvernement. Pire, quelques heures après le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault, et le vote de confiance pour son gouvernement, le conseil des ministres du 4 juillet validait les premiers arbitrages budgétaires du quinquennat.
Cet Etat en faillite
Il manque entre 8 et milliards d'euros de recettes pour finir l'année à la hauteur attendue de déficit budgétaire:
  • Une « correction des prévisions exagérément optimistes » pour 5,9 milliards d'euros des recettes retenues par le précédent Gouvernement, « indépendamment de la croissance »; 
  • L'impact de la baisse de prévisions de croissance pour 2,3 milliards d'euros; 
  • Des recettes imprévues pour 1,2 milliard d'euros (bonne nouvelle!)
  • Des dépenses non couvertes évaluées entre 1 et 2 milliards par la Cour des Comptes.
Pour financer la chose, le couple Hollande/Ayrault a décidé de deux volets de mesures, l'une sur les entreprises (hors PME), l'autre sur les ménages, « les plus aisés », précise-t-il dans sa communication de crise.
Ces taxes qui feront râler le Medef
Le constat, partagé par Nicolas Sarkozy lui-même, était imparable: les grandes entreprises payent proportionnellement moins d'impôts que les PME. L'optimisation fiscale y est plus aisée. Le premier volet d'effort, c'est-à-dire d'impôts, concernent les entreprises, et tentent d'épargner les PME.
  • Création d'une taxe de 3 % sur les dividendes distribués par les entreprises de plus de 250 M€ de chiffre d'affaires; 
  • Augmentation du forfait social de 8% à 20% sur les versements réalisés par les entreprises au titre de l’épargne salariale. Le gouvernement évoque d'autres réductions de diverses niches fiscales et sociales sans les préciser;
  • Limitation de l'optimisation fiscale des entreprises, notamment sur le transfert de bénéfices à l'étranger;
  • Création d'un acompte sur la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés payée par les entreprises de plus de 250 M€ de chiffre d'affaires;
  • Doublement de la taxe de risque systémique pesant sur les banques, soit 0,25% du montant des fonds propres minimum (550 millions d'euros cette année, 1,1 milliard en année pleine);
  • Doublement de la taxe sur les transactions financières;
  • Création d'une taxe exceptionnelle de 4% sur les stocks pétroliers (550 millions d'euros de recettes attendues). Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, estime que les prix à la pompe pourraient augmenter de 1 centime par litre.
Ces impôts qui feront polémique
Pour les ménages, le gouvernement explique qu'il protège les classes moyennes. Il reste modeste, presque timide. Se garde-t-il de la marge fiscale pour sa prochaine loi de finances ?
  • Création d'une contribution exceptionnelle sur les fortunes supérieures à 1,3 million d'euros au titre de 2012 (pour un rendement de 2,3 milliards d'euros), avant un relèvement définitif l'an prochain.
  • Réduction des abattements de succession (en ligne directe,  à 100 000 € par ascendant et par enfant); et extension du délai de rapport fiscal des donations de 10 à 15 ans (ce délai profite aux 10% des donations les plus importantes); « après réforme », précise le gouvernement, « 88 % des successions resteront exonérées d'impôt (contre 95 % auparavant) »;
  • Maintien de l'augmentation de deux points des prélèvements sociaux portant sur les revenus du capital, prévue dans le cadre de la « TVA sociale »: nous regretterons que cette hausse reste aussi modeste.
  • Augmentation de la taxation des stock-options;
  • Imposition aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers des non-résidents.
On l'a trop vite oublié, et peu commenté: ce correctif budgétaire prévoit la suppression de l'augmentation de 1,6 point de TVA décidée par Sarkozy. En rythme annuel, cette hausse coûtait 10,6 milliards d'euros annuels à tous les ménages.  Par ailleurs, la TVA sur le livre redescend à 5,5% (versus 7%).
La décision qui fera mal
Certains, à droite et ailleurs, critiqueront cette dernière décision: « l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les heures supplémentaires sera abrogée, sauf pour la part patronale des entreprises de moins de 20 salariés.» C'était l'une des dernières mesures que Nicolas Sarkozy avait conservé de son paquet fiscal de 2007.
Globalement, la défiscalisation des heures sup' coûtait environ 4,5 milliards d'euros par an aux comptes de l'Etat (impôts et cotisations sociales non perçues que l'Etat remboursait à la Sécu). En période de chômage massif et croissant, ce mécanisme est une aberration économique: il est moins couteux de faire faire des heures sup' à ses collaborateurs que d'embaucher. L'emploi intérimaire puis en CDD a commencé à se dégrader dès le printemps 2008. Et le volume d'heures supplémentaires défiscalisées a augmenté quasiment sans interruption depuis la mise en place du dispositif TEPA le 1er octobre 2007. Comme le chômage.
Une aberration.
D'après les dernières analyses de la DARES, les entreprises de 10 à 19 salariés (épargnées par cette suppression) déclaraient deux fois plus d'heures supplémentaires que la moyenne nationale (24 heures contre 11 heures au dernrier trimestre 2011).
La décision qui a surpris
La surprise du jour est venue d'ailleurs: après cette hausse de 7 milliards d'euros dès 2012, le gouvernement a annoncé que les impôts augmenteraient encore de 6 milliards d'euros en 2013, avant une « stabilisation » les années ultérieures. Nulle relèvement de la TVA ni de la CSG n'ont été annoncés.
On s'imagine d'abord que tout cela s'entend « à hypothèses économiques inchangées »; secundo, une question s'impose: comment trouver les 33 milliards d'euros d'économies chiffrées par la Cour des Comptes avec seulement 6 milliards de hausse d'impôts ? La droite avait-elle couiné contre un matraquage fiscal qui n'aura pas lieu ? L'essentiel de l'effort sera donc sur les dépenses.
Ces augmentations d'impôt représentent 18% des efforts à trouver. Elles concernent 53% des ménages contre ... 100% concernés pour la hausse de la TVA promise par Sarkozy en octobre.
La correction qui amuse
Le mot rigueur est tabou. Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction Publique, avait pourtant lâché, mercredi matin sur France Info, que les fonctionnaires allaient connaître « un grand moment de rigueur ».
Plus tard, lors du traditionnel point presse, la porte-parole Najat Vallaud-Belkacem, rectifia:« Je n'emploie pas le terme de rigueur, sauf à nous l'appliquer à nous-mêmes, les membres du gouvernement, qui devons faire preuve de rigueur en effet dans la gestion des fonds publics »
La rigueur est un tabou, un objet de fixation qui amuse et occupe les médias.
C'est presque tant mieux.
Ami sarkozyste, reviens.
Il faut payer.


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