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UMP, FN, valeurs… : quelle droite pour 2017 ?

Publié le 05 juillet 2012 par Delits

Après la défaite, le temps de l’introspection. Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, lance en ce lendemain d’élections  une convention sur les valeurs. En théorie, bien sûr, pas question d’évoquer la défaite. Les défaites. Elections municipales, régionales, européennes, cantonales, présidentielles, législatives : depuis 2007, la droite a fait le grand chelem à l’envers. Le vote sanction suffit-il à expliquer cette longue descente aux enfers ? 

Au cœur de la problématique, on retrouve l’épineuse question du FN. Certains ténors, à l’instar de François Baroin, ont tenté de refermer « la parenthèse Buisson », aux  dérives droitières  jugées contestables éthiquement et inefficaces électoralement. La réélection de NKM aux législatives, qui a toujours prôné une ligne claire à l’égard du FN, et la défaite concomitante de Nadine Morano,  constitueraient  la démonstration indubitable  que  les appels du pied envers l’extrême droite ne payent pas.  La lecture des chiffres doit nuancer ces conclusions : les résultats de NKM dans la 4ème circonscription de l’Essonne  sont les mêmes que ceux réalisés par Nicolas Sarkozy durant le second tour de la présidentielle dans cette même circonscription.  Nicolas Sarkozy avait réalisé 51% le 6 mai 2012. NKM réalise 51,48%. Deux positionnements politiques différents pour deux résultats similaires.  Il est néanmoins certain que la forte mobilisation ainsi que le regain de participation au second tour (63% contre 61% au premier tour), dans cette circonscription, accréditent la thèse d’une sur-mobilisation du camp de droite permettant le passage de NKM.

Plus profondément, pour gagner en 2017, l’UMP ne pourra pas faire l’impasse sur son positionnement. Quelle est aujourd’hui sa grille d’analyse, sa réponse face à la crise financière, économique, existentielle, qui mine nos compatriotes ? Comment répondre à la peur  du déclassement français ?

Le Front National a construit son message autour d’une offre simple : l’autre (l’étranger, l’Europe, la mondialisation) est à la base des maux français. A gauche, le PS s’est historiquement façonné autour d’une promesse attractive : la réduction des inégalités.   Comment créer une offre différenciante pour l’UMP, qui parte du peuple et apporte une réponse puissante émotionnellement,  efficace rationnellement, et en cohérence avec ses valeurs ?   Pour y répondre, dressons d’abord le tableau des valeurs perçues d’une UMP qui n’a jamais semblée aussi proche du FN aux yeux de nos compatriotes.

LE FN ET L’UMP : DUPONT ET DUPOND ? 

Le FN est entré dans le jeu démocratique

C’est probablement le plus grand succès de Marine Le Pen : faire sauter le cordon sanitaire qui endiguait son parti. Une première brèche avait déjà cédé en 2002. Mais au second tour de l’élection présidentielle,   le rassemblement républicain autour de Jacques Chirac avaient pu laisser penser que l’argument d’un FN antinomique avec la démocratie fonctionnait. Ce verrou est incontestablement en train de sauter.

Interrogés à la veille de l’élection législative de 2012,   seule une infime minorité de sympathisants UMP, 18%,   se déclaraient hostile à la présence d’élus FN à l’Assemblée Nationale. Une large majorité (67%) souhaitait la présence de quelques élus au Parlement. Dans l’ensemble, presque 1 français sur 2 y est favorable.[1]

Quand la  présence d’élus FN n’est plus vécue comme une menace, c’est toute la notion de Front Républicain qui s’effrite.  Les militants UMP sont aujourd’hui majoritairement hostiles à l’idée d’une alliance entre partis républicains pour faire barrage au FN : En cas de duel entre un candidat  FN  et un candidat de gauche aux élections législatives, seuls 16% des sympathisants UMP[2] interrogés entre les deux tours des législatives souhaitaient que le candidat de droite éliminé  appelle à voter pour le candidat de gauche ;

La stratégie du ni-ni,  entre deux chaises

Mais, la posture d’entre-deux ne semble pas non plus faire consensus. 39% de l’électorat UMP désapprouve cette prise de position par défaut, qui provoque à la fois l’insatisfaction des proches du FN sans satisfaire les tenants d’un front républicain.

La stratégie du ni-ni ne témoigne pas seulement d’un choix tactique bancal. Elle met à nu le vide  d’un parti en réaction, forcé à prendre position face à ses concurrents et devenu incapable d’imposer sa propre ligne idéologique.  Un parti dont les valeurs ont fini par se confondre avec celles de son challenger.

Les valeurs perçues entre FN et UMP n’ont jamais été aussi proches.

 Quelles est la proximité perçue entre les idées du FN et celles de l’UMP ? En 1997, selon BVA, 23 % des français jugeaient  les idées de l’UMP proches de celles du FN. 15 ans plus tard, 60% des français estiment que les idées de l’UMP sont proches de celles du FN.  

La réponse de nos compatriotes peut en partie se lire à travers un filtre partisan : pour les sympathisants PS, pointer du doigt la perméabilité des deux partis, est le meilleur moyen de discréditer l’UMP ; Une analyse en partie à même d’expliquer pourquoi 84% des sympathisants PS mettent en avant la proximité des idées UMP et FN. Mais, dans les faits, cette ressemblance est aussi soulignée par les sympathisants de droite (43%).

Cette proximité ressentie est en réalité profonde, et repose sur une correspondance entre les valeurs perçues des leaders de droite et d’extrême-droite.

L’agence Wellcom[3]  a posé la question aux français : quelles sont les valeurs associées aux partis politiques ? 5 valeurs émergent comme étant aujourd’hui plutôt à droite : Autorité, sécurité, patriotisme, tradition et performance.

Or, lorsque l’on pose la question  des  valeurs associées à Marine Le Pen, les 5 premiers traits qui ressortent sont : patriotisme, autorité, combativité, tradition et sécurité. En d’autres termes, et à l’exception de la performance, les 4 valeurs les plus fortement associées à  la présidente du FN sont exactement les mêmes que celles associées à la droite. Les valeurs du FN se confondent avec celles de la droite.

Plus fascinant encore, parmi les 25 valeurs proposées au français pour décrire Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, 10 valeurs identiques ressortent, à des niveaux en revanche parfois divergents.

Valeur Marine Le Pen Valeur Nicolas Sarkozy

Patriotisme 65,6% Autorité 61,7%

Autorité 59,2% Combativité 51,6%

Combativité 54,4% Travail 46,9%

Tradition 50,4% Sécurité 39,0%

Sécurité 49,5% Patriotisme 36,2%

Travail 29,5% Performance 35,1%

Justice 27,1% Responsabilité 34,3%

Courage 25,1% Tradition 28,2%

Responsabilité 16,5% Courage 23,7%

Performance 14,0% Justice 22,3%

Source, agence Wellcom, mars 2012 

Si les valeurs sont communes, pourquoi ne pas envisager un accord ?

C’est tout le débat : en laissant de côté les aspects les plus controversés du FN, en faisant taire les sorties antisémites, le FN et l’UMP semblent plus proches que jamais. Dans ces conditions, pourquoi ne pas envisager d’accords, nécessaires pour remporter les prochains scrutins ?

L’analyse des deux derniers scrutins part d’un constat simple. Les reports de voix du FN, au second tour, sont trop faibles pour espérer gagner. Le delta des reports de voix entre le Front de Gauche et le FN est sans appel : aux législatives, dans le cas des duels au second tour entre la gauche et la droite, 78% des électeurs du front de gauche ont  voté pour le candidat de gauche. Dans la même configuration, 49% des électeurs du front national ont voté pour le candidat de droite[4]. Un niveau de report de voix très sensiblement le même qu’au second tour de la  présidentielle, selon les chiffres fournis par le même institut IPSOS. C’est insuffisant néanmoins pour gagner. L’UMP aurait-il intérêt à aller plus loin ? Faut-il officialiser des accords pour augmenter les reports de voix ?

L’arbitrage est dicté par l’éthique, mais  au-delà,  par une  logique  électorale. Combien de voix perdues pour combien de voix gagnées ?

Le débat qui a lieu dans les instances de l’UMP partage aussi les sympathisants : si une majorité d’électeurs UMP ne souhaite pas d’accord avec le FN dans les prochaines échéances avec le FN, seuls  34% émettent un refus catégorique[5]. 44% sont pour un accord, et 20% ne sont «  pas vraiment » pour un accord.  Il existe donc un noyau représentant 1 tiers des sympathisants UMP qui sont très fortement à risque en cas d’accord avec le FN. Un autre sondage pour ifop[6], confirme un regain net pour un accord lors des prochaines élections, avec presque un sympathisant UMP sur deux se déclarant en faveur d’un accord. Ces résultats traduisent en revanche une forte hétérogénéité entre les origines sociales.  37% des CSP + se déclarent en faveur d’un accord, 67% des catégories populaires y sont favorables.  

En cas d’accord officiel, c’est donc environ un tiers de l’UMP, plutôt aisé, et diplômé, qui risque de quitter les rangs. Comme l’explique Frédéric Pennel dans une précédente étude de Délits d’Opinion, « l’électorat aisé de l’UMP est libéral, libre-échangiste et européen, tandis que les catégories populaires de l’UMP sont colbertistes, protectionnistes et souverainistes. Celles-ci, le cas échéant, pourraient tomber dans l’orbite de Marine Le Pen. Or, jamais la frange orléaniste de l’UMP ne pourrait accepter un rapprochement de l’UMP avec le FN ».

Au final, l’enjeu pour l’UMP est de se réinventer sans perdre de vue les cassures sociologiques, notamment auprès de l’électorat ouvrier, périurbain, qui a fait de l’immigration et de la trop grande exposition au monde  (Mondialisation, Europe) la raison majeure de ses griefs.  

LES BATAILLES A MENER POUR PREPARER 2017.

Retrouver le leadership des valeurs

Le premier défi pour l’UMP  consiste à reprendre le flambeau des idées et des valeurs.

A cet égard, la campagne 2012 menée par  l’UMP  peut à la fois traduire un choix tactique cohérent et une faiblesse structurelle d’un parti qui n’a pas su imprimer d’orientation idéologique porteur. Le constat objectif d’une droitisation de la société française a obligé le candidat Sarkozy à radicaliser son discours sur des thèmes régaliens pour espérer gagner. Ce faisant, la droite parlementaire est devenue otage des thèses populistes qui ont prospéré en ces temps de crise. Pour mettre fin à cette tutelle des idées, la posture anti-fn ne suffira pas. La droite doit littéralement changer la grille de lecture de ces 6,5 millions de compatriotes, lassés des promesses de gouvernement, et convaincus que les thèses défendues par Marine Le Pen constituent aujourd’hui la seule issue. Et, c’est dans cette optique que le questionnement sur les valeurs  doit s’entendre 

Qu’est-ce qui fait le socle de la droite aujourd’hui ?

En s’appuyant sur les travaux de l’agence Wellcom, émergent des valeurs qui sont intrinsèquement liées à la droite aux yeux des français.

L’autorité, constitue la première valeur identifiée à droite par plus de 60% des sondés. Cette notion, dans la lignée historique de la droite traditionnelle colbertiste, peut paraitre datée. Elle pourrait aussi constituer un avantage compétitif fort pour la droite en répondant au besoin de protection et de réappropriation de son destin individuel et collectif  observé dans différentes études[7] . Faire preuve d’autorité, c’est aussi refuser d’abdiquer face aux règles de la mondialisation, aux dérives financières.

La sécurité arrive au second rang des valeurs de droite. Il semble compliqué pour l’UMP de laisser au FN le monopole de ce sujet fortement anxiogène qui n’émerge certes qu’au 10ème rang des préoccupations des français selon TNS Sofres[8], mais inquiète plus fortement les catégories populaires. Retrouver une légitimité  nécessite de réaffirmer une tolérance zéro, mais  aussi d’inclure cette thématique dans une perspective républicaine. La sécurité peut devenir le  combat démocratique vital au service, des CSP-, des immigrés, des plus âgés,  qui sont aussi les plus exposés et les plus vulnérables. En d’autres termes, mettre l’intransigeance au service d’un idéal de liberté et de protection

Le patriotisme est également cité comme fondamentalement lié à la droite. Mais comment différencier le patriotisme de l’UMP par rapport à celui du FN ? Le patriotisme de l’UMP est intégrateur. Il est pensé pour réunir sous une même famille, dans la lignée de Thiers, tous ceux qui se voudront français. Il est donc vécu comme une valeur  de rassemblement au-delà des différences.

La performance est aussi citée dans le top 5 des valeurs de droite. Elle constitue une notion particulièrement intéressante, parce qu’elle correspond également à  un point de faiblesse  de la gauche, (citée entre 8%  et 10% des sondés) et n’est que beaucoup plus faiblement associée à l’image  du FN. La performance peut incarner la modernité de l’UMP si elle est entendue comme un surcroit d’efficacité au service du bien-être des compatriotes, comme la mise à profit de l’intelligence et des idées qui permette de relancer le pays. Pensée comme une course à la productivité sans autre but qu’elle même, elle peut au contraire effrayer des concitoyens en mal d’humanité.

Plus globalement, le social  est le grand absent des valeurs perçues de droite selon la même étude Wellcom. A l’inverse, solidarité, humanisme générosité émergent comme étant les trois valeurs les plus emblématiques de la gauche. Parce qu’un parti de gouvernement ne saurait mettre de côté la solidarité, l’UMP doit adjoindre à ses valeurs régaliennes un pilier social crédible.  Accoler subjectivement des valeurs de générosité risquerait d’être contre-productif. Il  existe pourtant au cœur de l’ADN de la droite, une réelle philosophie sociale. Elle s’apparente davantage à une forme de contrat libératoire : donner à chacun les moyens de s’accomplir, de tenter, d’innover en offrant  un filet de sécurité en cas de besoin.

créer des réserves de voix  

Enfin, cette séquence électorale et  la victoire du PS recèlent un vrai enseignement : la capacité à fédérer en son sein des sensibilités différentes – un benoit Hamon et un Manuel Valls n’ont guère plus de ressemblance qu’un Eric Ciotti et un Jean-Pierre Raffarin- et disposer en parallèle d’offres complémentaires qui ne cannibalisent pas le bateau amiral PS, mais constituent, à travers le Front de Gauche ou les verts,  des reports de voix précieux pour le second tour.

Pour dupliquer ce modèle, il faut d’abord éviter l’implosion de l’UMP tout en garantissant la libre expression des différentes chapelles qui la composent, qu’il s’agisse de la droite populaire, ou de la droite humaniste. Ce rassemblement est d’ailleurs  souhaité dans une grande majorité  par les sympathisants de l’UMP. 89% désirent « que l’UMP reste le principal parti de droite,  mais en donnant plus d’importance aux différentes sensibilités qui la composent ».

Mais, au delà d’une UMP forte,  il s’agit  de proposer des offres de  «  de niche », à la fois clairement positionnées à droite et suffisamment spécifiques pour ne pas faire ombrage à la maison UMP. Déjà émergent des premières pistes : quid d’une écologie de droite ? Quid d’une force d’appoint libérale, et partisane d’une vision plus radicale de l’impôt ? Pourrait-on envisager une offre rurale sur les bases du CPNT ? Ces forces d’appoint pourraient constituer des alliés précieux dans la perspective de seconds tours.

*****

Préparer 2017 pour l’UMP conduit donc à proposer un socle de valeurs cohérent avec son ADN, modernisé et capable de répondre par le haut aux angoisses des électeurs du FN.

Le travail autour des  valeurs doit aussi servir de cadre pour  définir une promesse simple. Alors que certains ténors, à l’instar d’Eric Woerth[9], souhaitent repousser ce débat, il semble que seule la définition très en amont d’un message central permettait  d’imprégner les esprits et d’éclore dans les années à venir. Une proposition qui valorise l’esprit d’entreprendre, le besoin de s’accomplir, en sécurisant les périodes charnières de la vie pourrait être une réponse par le haut au sentiment de dépossession ambiant. Dit autrement, il s’agirait de donner aux français les moyens de reprendre le contrôle de leur existence.

Enfin, au-delà du  programme, il y a la nécessaire cohérence entre le message et son émetteur. Un débat qui engage moins le futur patron de l’UMP, probablement entre J-F Copé et François Fillon,  que le prochain candidat issu des primaires. A moins que les protagonistes ne soient les mêmes.


[1] Ipsos, juin 2012

[2] Ibid

[3] Etude valeurs et politique, Agence Wellcom, avril 2012

[4] Ipsos,

[5] CSA, pour BFM et CSC, juin 2012

[6] Ifop pour Sud Ouest, juin 2012

[7] Délits d’Opinion, Reprendre la main : un objectif pour Sarkozy, un programme pour les Français

[8] TNS SOFRE, baromètre des préoccupations des français, juin 2012

[9] Le Monde, 4 juillet 2012


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