sur le débat Royal/Bayrou

Le débat qui a opposé S. Royal et Fr. Bayrou sur RMC s'est globalement passé comme je l'avais prévu. Fr. Bayrou a continué sa logique du ni-ni, lâchant quelques piques contre N. Sarkozy, mais surtout, affichant sans hésiter ses désaccords avec S. Royal.

Celle-ci, pour tenter de tirer profit du débat, ne  retiendra que l'esprit de dialogue et d'ouverture, car sur le fond, on ne peut pas dire que la rencontre ait tourné à son avantage. D'abord, la candidate a paru assez peu à l'aise, et elle est manifestement très mauvaise oratrice. Fr. bayrou a beau être légèrement bègue, il sait exprimer beaucoup d'idées en peu de mots, tandis que S. Royal délaiyait constamment, exprimant peu d'idées en beaucoup de mots, d'où un retard systématique dans le temps de parole de Fr. Bayrou.

Cela augure mal pour elle du débat du 6 mai, où le temps de parole devra être strictement respecté et où les conditions et les exigences seront plus difficiles  : sans exagérer, S. Royal ne répondait pas vraiment aux questions ou aux objections de Fr. Bayrou, mais se contentait de réciter son pacte présidentiel.

Fr. Bayrou a distillé au cours du débat un certain nombre de petites phrases assassines (pas trop non plus, car il ne faudrait surtout pas que les électeurs de gauche le rendent responsable de l'éventuelle défaite de la gauche). La meilleure (ou la pire) a été sans doute celle-ci : "Si vous n'avez que des défenseurs comme moi, je vous conseille de vous inquiéter."

Plus généralement, Bayrou s'est dit en désaccord profond avec l'orientation économique donnée par la candidate, l'accusant de "faire rêver les gens" sur des réformes qu'elle ne pourrait pas mener à bien. Exprimant son désaccord avec S. Royal à propos de la banque centrale européenne, Fr. Bayrou a souligné ce qu'il estimait être les convergences entre S. Royal et N. Sarkozy, obligeant ainsi la candidate du PS, pour se défendre, à prendre implicitement en même temps la défense de son adversaire de l'UMP ! Elle a donc fait référence au modèle américain et, de sa part, il y avait de quoi rire. Je suis sûr que les Laguiller et autres Besancenot apprécieront.

Pour les 35h, Fr. Bayrou a dit qu'il y avait deux S. Royal (celle d'avant les primaires, et la seconde, qui avait dû reculer face aux dissensions dans son parti) et qu'il ne savait pas à laquelle il devait s'adresser, rappelant que la généralisation des 35 heures était une mauvaise idée à ses yeux. Il a soutenu la réforme des retraites menée par Fr. Fillon, affirmant même  : "Personne ne reviendra sur la loi Fillon sur les retraites en dépit des déclarations, car il faudra aller plus loin. [...] On ne peut être le pays où on travail le moins d'heures dans l'année et le moins d'années dans la vie." Après une telle déclaration, qu'on n'aille pas parler de convergences entre l'UDF et le PS ! S. Royal a d'ailleurs continué d'affirmer qu'elle abrogerait la réforme Fillon.

Fr. Bayrou a aussi souligné son désaccord avec S. Royal sur le désengagement du nucléaire ; S. Royal a donné une réponse assez évasive, n'osant plus avancer le moindre chiffre, après les bourdes qu'elle avait déjà faites sur cette question et qui avaient conduit au départ d'Eric Besson.

Enfin, Fr. Bayrou a raillé les déclarations de S. Royal sur le drapeau français. "C'est comme si, a-t-il dit, on faisait une loi : tous les Français doivent avoir une photo de leur mère dans leur salon." S. Royal a rétorqué qu'a l'issue des débats participatifs, il était ressorti aux yeux des Français que la France se définissait essentiellement par le drapeau et la sécurité sociale. On a envie de dire : tout un débat participatif pour ça ! De toute façon la sécurité sociale a été mise en place par la droite, pas de chance !

Bref, de tout cela, je ne suis pas sûr que S. Royal soit sortie grandie. Tous les medias vont sans doute faire l'éloge de leur rencontre historique et de leur sens du dialogue face au méchant Sarkozy et son esprit de fermeture. Mais en réalité, l'une espérait récupérer les voies du centre, et pourrait bien avoir manqué son coup, l'autre a tranquillement continué son hold-up politique sur la gauche française sous ses dehors sympathiques !