Dans cette crise qui secoue le monde développé, il faudrait garder une chose en tête : à droite comme à gauche, on se bat contre le même monstre. Je parle du capitalisme de copinage. Pro et anti-business ont conspiré pour décider qui allait jouer le rôle de la vache à traire : le contribuable.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.
Dans cette crise qui secoue le Québec, il faudrait garder une chose en tête : à droite comme à gauche, on se bat contre le même monstre.Je ne parle pas de Jean Charest. Je parle du capitalisme de copinage. Un problème qui dépasse largement la contribution de notre frisé national.
Je viens de débuter « A capitalism for the people », de l’économiste d’origine italienne Luigi Zingales. Ses écrits pourraient s’appliquer au Québec, et à beaucoup de pays riches.
Traditionnellement, écrit-il, le spectre politique américain a toujours été divisé entre un côté pro-business, qui apprécie le rôle des incitatifs économiques et de la concurrence, et un côté anti-business. Qui lui, voit l’entreprise soit comme une cible à abattre, soit comme une vache à traire, pour citer Churchill.
Mais ces différences idéologiques se sont gommées avec le temps, poursuit l’auteur. Et les deux côtés ont conspiré pour décider qui allait jouer le rôle de la vache à traire : le contribuable. Aujourd’hui, plusieurs pro et anti-business endossent ce mariage entre entreprises et gouvernement. Le fossé sépare maintenant ceux qui profitent de cette union perverse, et ceux qui s’y excluent…
Capture de l’État
Nous vivons à l’ère du capitalisme de copinage (crony capitalism). Celui où on privatise les profits des banques, tout en refilant les pertes aux contribuables.
Celui où les grosses entreprises dépensent des millions en lobbyistes pour acheter les politiciens. Et pour faire jouer les règles en leur faveur (comme ériger des barrières aux produits concurrents étrangers, ou se partager des contrats gouvernementaux à prix gonflés…).
Celui où syndicats, bureaucratie et autres groupes d’intérêt échangent des votes contre des privilèges et des subventions à la pelle.
C’est la capture de l’État par les groupes d’intérêt — qu’ils soient de droite ou de gauche. Et qui se foutent bien qu’on endette à mort la prochaine génération.
Le gros bon sens
Zingales défend le libre marché. Ses écrits rejoignent pourtant ceux du mouvement Occupy, qui a beaucoup fait parler de lui aux États-Unis et à Montréal. Une déclaration de ce mouvement, entre autres, se lit : « Nous ne sommes pas contre les riches, mais contre ceux qui utilisent leur richesse pour acheter des privilèges. Pas contre les entreprises, mais contre le fait qu’elles nous gouvernent. Pas contre le capitalisme, mais contre sa corruption. Pas contre les banques, mais contre leurs pratiques frauduleuses. Pas contre la haute finance, mais contre ses fraudes légales. Nous ne sommes pas contre la démocratie, mais contre le fait que nos élus sont à vendre. »
Qui s’oppose à ce discours ?
On risque de s’obstiner encore longtemps sur les solutions. Certains veulent plus de gouvernement pour corriger la situation. D’autres veulent moins de gouvernement — un retour vers le vrai capitalisme. Enfin, il y a ceux qui croient qu’en plaçant au pouvoir la bonne personne, le système va se nettoyer.
Mais à part les extrémistes de chaque côté, on se bat tous, grosso modo, contre le même monstre.
Gardons cela en tête en buvant notre bière autour du barbecue cet été, ou en mangeant nos guimauves autour du feu.
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