En 2011, Nicolas Sarkozy, l’élection présidentielle approchant, entreprit de gommer quelques aspects impopulaires de sa politique. Mais, avec son habileté habituelle, il prétendit satisfaire les demandes des moins fortunés, en annonçant la suppression du bouclier fiscal, alors qu’en réalité il éloignait des plus aisés la menace du glaive de l’impôt. La déclaration de patrimoine, exigée depuis des lustres le 15 juin, fut en 2011 repoussée dans l’espoir de voir le texte fixant les nouveaux taux d’imposition promulgué à l’automne. Cet espoir déçu, il fallut se résigner à demander la déclaration de patrimoine le 15 novembre 2011, calculant ainsi l’ISF avec les anciens taux. Évanouie la perspective d’un cadeau à des électeurs dont on voulait conserver les faveurs. Mais l’effet d’annonce demeurait.
Ce n’est donc que cette année 2012 qu’ont été appliqués les nouveaux taux, ce qui fait maintenant apparaître comme une augmentation de charges le rétablissement éventuel du mode de calcul de l’ISF toujours utilisé par la majorité précédente. Examinons la modification appliquée en cette année 2012. Premier point, le plancher à partir duquel est perçu cet impôt est relevé de 800.000 à 1.300.000 euros. Voilà qui met sans doute bien des infortunés paysans rhétais hors d’atteinte des griffes de l’impôt. Mesure étrange de la part d’un premier ministre qui, dès février 2008, avant la sinistre crise source de tous nos maux, déclarait être à la tête d’un État en faillite, sous la férule d’un président déplorant à la même époque être devant des caisses vides. La moitié de ceux qui étaient précédemment assujettis à l’ISF s’en sont trouvés exemptés en cette année 2012. Comment des dirigeants avisés et responsables ont-ils pu, alors que le déficit s’accroît et que la dette s’alourdit, diminuer ainsi les rentrées fiscales de notre pays ?
Alors que jusqu’ici six tranches étaient définies, on ne distingue désormais plus que deux classes : celle des patrimoines compris entre 1.300.000 et trois millions d’euros, et celle des patrimoines supérieurs à trois millions d’euros. La première classe bénéficie ainsi d’un taux de 0,25% alors que précédemment elle se voyait appliquer un taux de 0,75%. De la même manière, la seconde classe est taxée à 0,50% alors que les tranches correspondantes étaient frappées par des taux s’élevant de 1% à 1,85%. Cette nouvelle tarification a pour effet de diviser environ par trois le montant de l’impôt, en en réduisant considérablement le produit. Elle diminue fortement le nombre des cas où l’impôt dépasserait la moitié du revenu imposable et déclencherait une protection par le bouclier fiscal. On a donc pu aisément supprimer un bouclier devenu largement inutile : point n’est besoin de bouclier quand on a émoussé la lame du glaive. Mais ce cadeau clientéliste, maquillé en outil de justice fiscale, est criminel dans les temps que nous traversons.