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Best-sellers et médias du XVIIIe sicècle

Publié le 14 juillet 2012 par Fmariet

Best-sellers et médias du XVIIIe sicècleRobert Darnton, The Forbidden Best-Sellers of Pre-Revolutionary France, Norton, 1996, 440 p. Index.
De la France des Lumières, on apprend au lycée les noms des Philosophes, des Encyclopédistes. Voltaire, Rousseau d'abord que la chanson de Gavroche popularisa comme causes de la Révolution de 1789, Diderot, Montesquieu, D'Alembert et son théorème, Condorcet...
Robert Darnton, historien américain, spécialiste des Lumières, a consacré une recherche d'histoire aux livres achetés et lus au XVIIIe siècle, à la "littérature vécue" ; son travail replace le livre "populaire" dans l'histoire globale des médias et de la communication ; à cette occasion, il évoque la richesse de l'environnement médiatique au XVIIIe siècle : "society overflowed with gossip, rumors, jokes, songs, graffiti, posters, pasquinades, broadsides, letters, and journals". Et ces médias de s'entrecroiser, de s'entre-copier et de fonctionner - déjà - en réseau. En lisant Robert Darnton, on est amené à relativiser la nouveauté des réseaux sociaux tels que nous les connaissons maintenant : nouveauté technique absolue, évidemment, mais faible innovation sociale ou médiatique. L'environnement de communication qui vit et se propage aujourd'hui sur des supports numériques, sur les réseaux sociaux où s'expriment les rumeurs, les papotages, les pasquinades n'est pas si différent de celui du XVIIIe siècle.
Le travail de Robert Darnton, tout en décrivant l'économie du livre (circulation, marketing, prix), révèle l'importance statistique, au moins, de livres philosophiques peu connus aujourd'hui, qui circulaient alors sous le manteau. En tête des best-sellers, selon le classement de Darnton, vient une utopie morale ("expérimentation mentale") : l'ouvrage de Louis-Sébastien Mercier, L'an 2400, publié en 1771. Ensuite vient un libelle politique, Anecdotes sur Mme la comtesse du Barry (1775). Les ouvrages de "philosophie pornographique", y compris ceux écrits par des  auteurs devenus classiques voire scolaires (Diderot, Voltaire), occupent une place significative parmi les best-sellers. Notre époque s'est fabriqué sa vision du XVIIIe siècle. L'auteur publie un exemple de chaque type de texte en annexes.
Que les livres ou les médias soient causes de la Révolution, qu'ils contribuent à l'opinion publique, ce sont là questions de cours quelque peu formelles ; plus féconde, en revanche, est la question de la "délégitimation" des pouvoirs induite par les best-sellers (notion parente de celle d'acceptabilité) et celui de la transformation due au passage des nouvelles par l'imprimé : le livre fixe, impose une forme narrative et une structure aux contenus autrement dispersés : travail d'agrégation, d'édition que le numérique confie désormais au lecteur.
Darnton formalise en un schéma le réseau qui structure l'environnement médiatique dans lequel vit quotidiennement la population française, environnement qui engendre et relaie déjà des événements ("pseudo events" ?). L'événement apparaît comme une sécrétion externe des réseaux communiquant. Comment une telle mise à plat est-elle actualisable dans l'univers de la communication numérisée en intégrant les effets de réseau ?

Best-sellers et médias du XVIIIe sicècle

The Forbidden Best-sellers of Pre-Revolutionary France, O.C. p. 189


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