Dans son rapport "L'Etat et le Financement de l'Economie" sorti le 9 juillet 2012, la Cour des Comptes pointe une carence de l'autofinancement pour les PME qui deviennent de plus en plus dépendantes du système bancaire pour leurs investissements. Des stratégies de financements alternatives existent cependant.
Un diagnostic plutôt alarmant et quelques pistes pour donner un nouveau souffle financier aux PME, ETI et aux TPE...
UN DIAGNOSTIC
Les entreprises françaises sont généralement sensibles à la compétitivité-prix.
Elles dégagent en moyenne peu de profits tout en s’efforçant généralement de renforcer leurs fonds propres et leur trésorerie. Par voie de conséquence, leur autofinancement se replie, c'est-à- dire que la part des investissements qu’elles financent par leur épargne décroît. Elles tendent donc à dépendre de plus en plus du système bancaire pour leurs investissements, bien qu’elles mettent en œuvre des stratégies de financement alternatives. La quantité et la qualité de leur investissement s’en ressentent.
1 - Un manque d’autofinancement
a) Des entreprises dégageant dans l’ensemble peu de profits
"La performance des entreprises peut être approchée à l’aide de deux indicateurs de rentabilité : le taux de marge, égal à l’excédent brut d’exploitation divisé par la valeur ajoutée, et la rentabilité économique nette, égale au ratio entre le résultat net d’exploitation et le capital d’exploitation.
L’analyse de leur évolution en longue période fait ressortir une stagnation du taux de marge moyen à un niveau inférieur de près de 10 points à la moyenne de la zone euro, où cet indicateur avait généralement progressé entre 2000 et 2009. Après avoir régulièrement augmenté depuis 1996, la rentabilité économique nette a, quant à elle, connu une chute brutale en 2008 et 2009.
La rentabilité des entreprises est inégale selon leur taille :
- malgré des disparités sectorielles73, les grands groupes présentaient en 2010 un taux de marge excédant de près de 5 % celui de l’ensemble des entreprises ;
- en regard, les PME présentent des marges étroites, qui se sont dégradées sous l’effet de la crise.
Ces évolutions caractérisent un tissu entrepreneurial sensible à la compétitivité-prix. La valeur ajoutée réalisée ne donne généralement pas lieu au dégagement d’un fort profit, faute notamment de rentes d’innovation.
Selon Eurostat, la part des profits dans la valeur ajoutée des sociétés non financières en France était en 2010 la plus faible de l’union européenne à 27 : stable depuis 10 ans, elle est inférieure de près de 7 % à la moyenne de l’union, l’écart avec l’Allemagne s’étant creusé de 7 % en 2000 à plus de 11 % en 2010.
b) Une volonté constante de renforcer trésorerie et fonds propres
"Bien avant le choc de 2008, les entrepreneurs se sont attachés à renforcer la trésorerie de leurs entreprises, mettant en réserve une part importante de leurs profits sous forme de liquidités. D’environ 10 % en 1997, la part moyenne de trésorerie dans le bilan est passée à 16 % en 2007 et 17 % à la fin 2010. Ce haut niveau correspondait à une progression tant pour les grands groupes (16 %) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) (16,5 %) que pour les PME (21,5 %), qui s’est accélérée avec la crise. Il tenait à la faiblesse des investissements et à la crainte des gestionnaires de voir se réduire leur financement externe de court terme.
Dans le même temps, les entreprises ont continûment mobilisé leurs résultats pour alimenter leurs capitaux propres, les maintenant à un niveau élevé.
Selon les données de la base FIBEN de la Banque de France, le ratio des capitaux propres dans le total des ressources a progressé pour l’ensemble des entreprises de 30 % en 1997 à 35 % en
2010. Le poids médian des fonds propres dans le bilan était en 2009 de 42 % pour les PME, 38 % pour les ETI et 36 % pour les grands groupes.
Ce haut niveau de capitalisation s’inscrit dans une tendance de long terme, selon laquelle le ratio entre fonds propres et total de bilan des entreprises françaises se situe généralement au-dessus de la moyenne européenne77. De 42 % pour les PMI et 41 % pour les PME françaises, il était nettement plus élevé qu’en Allemagne (32 % et 36 % respectivement) mais l’incorporation au calcul des provisions obligatoires de retraite prévues par la législation allemande modifie le sens de la comparaison (44 % en France contre 50 % en Allemagne).
La situation des agrégats globaux masque des situations hétérogènes, que ce soit en termes de secteurs d’activité ou de tailles des entreprises.
Ainsi, selon la Banque de France, les 10 % des PME les plus fragiles présentaient en 2009 moins de 7 % de fonds propres dans leur bilan. Leur situation s’est aggravée en 2010, la part de leurs fonds propres reculant à 4 %. Les PME les plus solides totalisaient au contraire près de 80 % de capitaux propres, sans que la crise n’entame leur solidité. Les disparités en termes de part de la trésorerie dans le total de bilan sont également très fortes, notamment s’agissant des PME."
c) Un autofinancement en repli depuis douze ans"Alors que le taux d’autofinancement des entreprises, c’est-à-dire le ratio de leur épargne brute à leur formation brute de capital fixe (FBCF), avait augmenté dans les années 1990 pour atteindre 100 % en 1998 et 1999, il s’est dégradé à compter de l’année 2000, fléchissant à 70 % en 2008, et ne remontant qu’à 80 % en 2010. En 2011, il s’établissait à son niveau le plus bas depuis 20 ans (67,2 %), traduisant l’insuffisance de l’épargne à couvrir l’investissement."
2 - Un financement externe essentiellement bancaireSelon le baromètre KPMG-CGPME, 63 % des entreprises étaient en juin 2011 en recherche de financement externe.
a) Un recours privilégié au crédit bancaire"Fin 2011, la dette des sociétés non financières françaises représentait 65,9 % du PIB, soit un niveau inférieur à la moyenne en zone euro (environ 70 %). Il est inférieur à celui de l’Italie ou de l’Espagne où l’endettement progresse, mais demeure plus élevé que celui de l’Allemagne ou des Etats-Unis, proche de 45 %.
En France, l’endettement des sociétés non financières est principalement de nature bancaire. Selon l’étude conduite par une grande banque française, le ratio des crédits bancaires sur l’endettement total (crédits et titres de dettes) s’établit depuis une dizaine d’années au-dessus
de 64 %, augmentant même à compter de 2006 pour atteindre 73,3 % en avril 2008 avant de revenir à 67,4 % en juin 2011.
Les PME sont les entreprises les plus consommatrices de crédit bancaire : 72 % du nombre de lignes de crédits accordés par les banques entre janvier 2009 et juillet 2010 leur était destiné.
En 2010, les dettes bancaires représentaient près des deux tiers de l’endettement financier total des PME (65 %) et plus des trois quarts pour les PMI en 2007, contre moins de 20 % pour les grandes entreprises qui, depuis la crise, s’endettent plus fréquemment sur le marché obligataire80. Les PME utilisent en outre plus fortement que les grands groupes le crédit pour financer leur équipement (38 % contre 16 %). Leur endettement est en général plus long que celui des grandes entreprises."
b) Un crédit peu onéreux dont la part à court terme diminue"Selon la Banque centrale européenne, le taux d’acceptation des crédits aux entreprises est plus élevé en France que dans la moyenne de la zone euro. Les entreprises françaises bénéficient en outre en général d’un crédit moins onéreux que leurs concurrentes, l’écart entre le taux moyen des crédits aux entreprises en France et l’Euribor s’établissant à environ 1 % jusqu’en 2008 puis entre 1,5 % et 2 % à compter de 2009.
Cependant, selon la Banque de France, les taux appliqués aux PME sont de 150 à 200 points de base plus élevés que ceux des grands groupes (3,7 % contre environ 2 %). Cet écart s’est creusé depuis 2008. Il se double en outre d’un surcoût des frais de dossier pour les PME de près de 44 points de base (0,44 %) par rapport aux grandes entreprises.
La décomposition par nature de crédits fait par ailleurs ressortir les situations contrastées du financement des projets d’investissements et de celui de la trésorerie, ce dernier étant directement imputable aux variations de stocks et donc très sensible à la conjoncture.
Si le financement des investissements s’est maintenu, sous les réserves développées infra, celui de la trésorerie a enregistré un ralentissement brutal durant la crise. Alors que la distribution de crédit court progressait de 20 % en juin 2008, elle s’est contractée de plus de 15 % à fin 2009. Selon la Banque de France, la part de l’endettement bancaire de court terme dans l’endettement financier total des entreprises s’est réduite entre 2008 et 2010 de 6,1 % à 4,2 %, les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) portant la majeure partie de l’ajustement. Les études menées par la CGPME font également ressortir sur la même période une hausse des déclarations de retrait de facilités de trésorerie.
Les comparaisons internationales de la Banque centrale européenne font ressortir que la contraction des flux nets de crédits à court terme qui a touché la France a également concerné l’Espagne,l’Italie et d’une façon moins marquée, l’Allemagne."
3 - Des stratégies alternatives de financement externe"Les entreprises mettent en oeuvre des stratégies de financement visant à réduire leur dépendance au secteur bancaire : l’adossement à un groupe, qui ouvre des opportunités de financement par la tête de groupe, et le recours, parfois non-collaboratif, au crédit inter entreprises."
a) L’insertion dans un groupe"Le tissu entrepreneurial français est marqué par la place qu’y occupent les groupes d’entreprises. Selon l’INSEE, au 1er janvier 2008, leur nombre s’établissait à 40 700, rassemblant 145 054 entreprises dont 14 % étaient contrôlées par des groupes à capitaux étrangers.
La dépendance des entreprises au financement externe, notamment bancaire, contribuerait à expliquer cette spécificité. En effet, les PME en croissance rencontrent généralement des difficultés à lever des capitaux pour des montants compris entre 50 et 100 M€. En ce cas, les chefs d’entreprises seraient incités à rejoindre un groupe afin d’accéder à des financements internes, souscrits par la tête de groupe, en particulier sur les marchés financiers.
Cette analyse est confortée par les conclusions d’un rapport commandé par le Premier ministre selon lequel cette dynamique renforcerait le processus d’absorption des entreprises par des groupes de taille croissante."
b) Un crédit inter entreprises bénéficiant surtout aux grands groupes"Les données de la Banque de France font ressortir une situation contrastée s’agissant du besoin en fonds de roulement d’exploitation des entreprises. En 2010, il représentait en moyenne 35 jours de chiffre d’affaires pour les PME et 25 pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) contre moins d’une journée pour les grandes entreprises. Celles-ci ont en effet la possibilité de différer le paiement de leurs dettes fournisseurs et d’accélérer le recouvrement de leurs créances clients.
Elles mettent à profit les possibilités de financement offertes par le crédit inter entreprises, d’autant plus qu’un différentiel de concentration existe entre secteurs agricoles et manufacturiers d’une part et commercial d’autre part. Les petits fournisseurs et les sous-traitants souffrent en revanche de l’asymétrie de la relation à leur donneur d’ordre.
Globalement, en 2010, les dettes fournisseurs de l’ensemble des entreprises résidentes représentaient 501 Md€, soit près du triple des crédits trésorerie consentis par les banques (177,9 Md€).
La loi de modernisation de l’économie (LME) et des accords de branche spécifiques86 ont permis une amélioration conjoncturelle des délais de paiement et une certaine convergence des pratiques. Cependant, cet effet n’a été que partiel et temporaire. Un tiers des entreprises continuent de régler leurs factures ou d’être elles-mêmes payées à plus de 60 jours et les retards de paiement ont augmenté en 2011 après un recul faible en 2010. Le chiffre de moins d’une journée pour le besoin en fonds de roulement des grandes entreprises correspond à une réduction drastique puisqu’il était de 20 jours de chiffre d’affaires en 1996. En revanche, le dernier décile des PME fait face à un besoin en fonds de roulement d’exploitation de près de 100 jours de chiffre d’affaires, quand le premier décile des grands groupes enregistre un besoin négatif, de - 40 jours.
L’utilisation systématique du crédit inter entreprises est de longue date dénoncée par les organisations représentatives des PME comme une source d’équilibres non-collaboratifs entre entreprises d’un même secteur, en particulier entre grands groupes et sous-traitants.
Pour se prémunir contre les risques d’impayés, les entreprises françaises tendent à faire plus fréquemment appel à l’assurance-crédit que leurs voisines européennes."
4 - L’impact des conditions de financement sur les entreprises"Bien que les perspectives de marché soient généralement considérées comme le principal facteur explicatif de l’investissement des entreprises, les conditions de financement et la proximité de l’entrepreneur avec son financier ont également leur importance. Elles influencent à la fois le niveau de l’investissement et son objet final."
a) La sensibilité de l’investissement aux conditions d’octroi du crédit" L’autofinancement des entreprises françaises étant faible, les projets de diversification, de modernisation ou d’extension des capacités productives, qui représentent 56 % du total de leur investissement, sont souvent menés grâce à des financements externes, notamment bancaires.
Comme le soulignent les organisations professionnelles, il en résulte que l’investissement des entreprises françaises dépend fortement de l’attitude des banques. En effet, tout investissement est exposé au risque de voir se durcir les critères d’accès au crédit, soit sous la forme d’une hausse des frais demandés, soit sous celle d’un montant attribué plus faible que souhaité. Le refus d’un financement n’est pas nécessairement corrélé à la rentabilité intrinsèque du projet présenté : une enquête d’Oséo portant sur les entreprises déclarant des difficultés de financement de leurs projets d’investissement fait ressortir que, selon les chefs d’entreprise, les refus qui leur sont opposés sont motivés à 67 % par leur fragilité financière et à 32 % par leur secteur d’activité considéré comme trop risqué, alors que la rentabilité intrinsèque du projet d’investissement est insuffisamment prise en compte.
De fait, les conditions de refinancement sur le marché interbancaire ont une influence majeure sur le volume des crédits distribués aux entreprises françaises et, par suite, sur le niveau de leurs investissements. Il en ressort que l’investissement et le crédit présentent une procyclicité concomitante.
Ce couplage entre marché interbancaire et investissement des entreprises s’est particulièrement manifesté pendant la crise. Selon le baromètre KPMG-CGPME et bien que ces données paraissent contredites par les statistiques de la Banque de France sur l’acceptation du crédit, près de la moitié des entrepreneurs affirmaient se restreindre dans leurs investissements en raison de difficultés d’accès au crédit87. Les chiffres de la Banque de France ont mis en évidence un fort repli de l’investissement en 2009 (- 19,7 % pour les PME, - 14,9 % pour les grandes entreprises),
mais également en 2010 (- 10,6 % et - 11 % respectivement).
L’ajustement a été essentiellement porté par les PME, dont près de la moitié enregistrait un taux d’investissement inférieur à 3,7 % tandis que la moitié des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des grands groupes investissait respectivement plus de 8 % et 10 % de leur valeur ajoutée.
Le resserrement des conditions de financement bancaire a été l’un des facteurs expliquant la fin de l’expansion de l’investissement des sociétés non financières constatée depuis 1996 et plus particulièrement de la phase d’accélération enregistrée entre 2004 et 2008."
b) Une propension à un investissement peu risqué"En France, les dépenses de renouvellement des équipements ou de mise aux normes représentent traditionnellement une part élevée des investissements. Selon l’INSEE, elles constituaient en moyenne 46 % de l’investissement sur la période 1991 – 2011.
Sous l’effet de la crise, ce niveau déjà élevé a augmenté, atteignant 50 % des investissements en 2011, traduisant notamment un attentisme des gestionnaires. De même, l’immobilier d’entreprises, qui constitue un investissement de précaution fréquent en France90, a également rebondi.
Selon la Banque de France, la distribution des crédits immobiliers aux sociétés a progressé entre 2009 et 2011 plus vite (+ 12 %) que celle des crédits dans leur ensemble (+ 6,1 %) ou même que les crédits d’investissement (+ 7,8 %).
A l’inverse et à l’exception des économies d’énergie, les investissements de modernisation, de rationalisation ou d’extension des capacités productives des entreprises ont reculé, alors même que l’appareil productif français était confronté à de forts besoins d’investissements. Les investissements en recherche et développement (R&D) en France sont moins importants qu’en Allemagne, en Autriche ou dans les pays scandinaves. La France se place au 17ème rang de l’OCDE en matière de contribution des technologies de l’information et de la communication (TIC) à la croissance du PIB. Le nombre de robots par rapport à l’effectif de production y est pratiquement trois fois moins élevé qu’en Allemagne et inférieur d’un tiers au niveau italien."
c) Les limites de la pluribancarité"La concentration du secteur bancaire français, la faible sélectivité des banques et la prévalence du crédit dans le financement des entreprises incitent 57 % des PME à pratiquer la multibancarité.
Les effets de cette pratique sont ambigus : si elle permet aux entreprises de faire jouer la concurrence et d’obtenir des conditions de financement attractives, elle se traduirait en retour par des relations commerciales plus fragiles avec les établissements de crédit. Selon les organisations professionnelles françaises, les entreprises seraient de ce fait plus exposées à des retraits de facilités de financement ; elles maintiendraient un niveau de trésorerie plus élevé ; leur perception de l’environnement des affaires en serait dégradée, ce qui découragerait leurs projets d’investissement. A l’inverse, la tradition des Hausbank allemandes illustrerait les bénéfices d’une relation exclusive entre banques et entreprises. La proximité entre entreprises et banques en Allemagne contribuerait à ce que les banques prennent plus souvent des participations au capital des entreprises, participent à la gouvernance ou offrent un appui à l’introduction en bourse."
d) Le risque d’un cercle vicieux de sous-investissement.
"Si leur endettement avoisine la moyenne européenne en points de PIB, les entreprises françaises dégagent en revanche peu de valeur ajoutée eu égard au niveau de leur endettement. Le rapport entre l’endettement des sociétés non financières et leur valeur ajoutée se situe fin 2010 à 131,5 %, nettement supérieur au niveau constaté en Allemagne (82,7 %) ou aux Etats-Unis (95 %). Bien qu’il demeure en deçà de la situation du Royaume-Uni (172 %), de l’Italie (176 %) ou de l’Espagne (243 %), ce ratio a progressé de près de 20 points par rapport à son niveau de juin 2007 (112 %). En privilégiant de surcroît le renforcement de leur trésorerie et de leurs fonds propres, les entreprises françaises dégagent un autofinancement faible tant au regard de leur valeur ajoutée, que de leur formation de capital fixe.
L’accroissement corrélatif de la part des investissements financés par l’endettement crée des fragilités, notamment pour les entreprises les moins rentables. Celles-ci se trouvent dans une sorte de cercle vicieux : faute de rentabilité, elles présentent un autofinancement insuffisant et sont donc dépendantes du système bancaire ; faute de financement, elles rencontrent des difficultés à investir dans les projets de modernisation et de développement qui leur seraient nécessaires ; faute de ces investissements, elles demeurent peu rentables. Selon la Commission européenne, « en négligeant trop longtemps l’investissement, le secteur privé français pourrait avoir compromis sa capacité d’innovation à long terme ».
La fiscalité tend à renforcer la prégnance de ce phénomène, jouant un rôle d’accélérateur de la différenciation des entreprises relativement à leur capacité d’endettement. En alourdissant l’imposition et réduisant la rentabilité des PME, elle contribue à maintenir faible leur capacité d’endettement, ce qui décourage leur investissement."
DES PRÉCONISATIONS :
1 - Soutenir la capitalisation des entreprises en phase d’amorçage et de premiers développements
" Les difficultés que pourraient rencontrer les PME à se financer ont conduit le gouvernement à prévoir la mise en place d’une banque publique d’investissement. Pour être utiles, les ressources de cette banque devront être ciblées sur les défaillances de marché avérées.
Le financement en fonds propres des entreprises en phase d’amorçage et de premiers développements constitue, aujourd’hui, un enjeu important.
En effet, les difficultés d'accompagnement en fonds propres se concentrent sur les stades les plus amonts du développement des entreprises (très petites entreprises et PME), en phase d'amorçage et de premiers développements, où les montants en jeu sont de quelques centaines, voire de quelques dizaines, de milliers d'euros. En deçà d'une certaine taille, l'intervention des professionnels du capital-investissement est difficile, en raison notamment du coût élevé d'examen et de montage des petits dossiers et du risque plus élevé.
Deux pistes pourraient être explorées, sans méconnaître leurs limites : l’amélioration des véhicules fiscaux existant (FCPI, FIP, FCPR), qui manquent de lisibilité et d’efficacité car ils sont à la fois trop nombreux et régis par des règles de fonctionnement disparates et peu justifiées économiquement ; le redéploiement d’une partie des moyens de CDC Entreprises, consacrés au capital investissement, au profit de la capitalisation des entreprises en phase d’amorçage et de premiers développements.
Au-delà, l’Etat doit préparer l’avenir en renforçant l’orientation des interventions d’Oséo vers la compensation des défaillances de marché, notamment l’innovation et le développement.
L’entreprise a besoin d’être accompagnée, sans rupture, dans son processus de développement. Il faut éviter que le cloisonnement entre différents fonds d’investissement crée des effets de seuil qui puissent introduire une incertitude sur la croissance de l’entreprise quand elle franchit des seuils successifs.
En outre, la réduction de l’impôt sur la fortune au titre des investissements dans les PME pourrait être maintenue. Toutefois, afin d’éviter que la dépense fiscale ne soit captée par les intermédiaires financiers, la possibilité pourrait être étudiée que le contribuable puisse choisir d’investir par l’intermédiaire, par exemple, de CDC Entreprises.
Une solution alternative proposée par Oséo permet aux entreprises et aux investisseurs individuels de se rencontrer sur une plateforme internet afin de faciliter l’investissement direct des particuliers dans le capital des PME."
2 - Prévenir un éventuel rationnement du crédit Il appartient aux pouvoirs publics de continuer à suivre attentivement l’évolution de l’offre de crédit à destination des très petites entreprises et des PME.
"Les outils de suivi se sont, à cet égard, améliorés, avec des dispositifs de collecte statistique sur le financement des entreprises de plus en plus nombreux et étoffés.
La Médiation du crédit contribue également à ce suivi fin. Dans le contexte actuel, sa prolongation serait la solution la plus prudente, sans pour autant institutionnaliser le dispositif. Comme la Cour l’a souligné dans ses rapports sur les concours publics aux établissements de crédit, l’action que la Médiation du crédit a menée a démontré son utilité : en fonctionnant comme un recours pour les litiges entre banques et entreprises, elle contribue à rassurer les établissements prêteurs et à limiter les risques de contentieux futurs. Ce dispositif demeure aujourd’hui pertinent, même si les dossiers présentés à la médiation ont beaucoup diminué en nombre depuis fin 2008 et relèvent davantage de difficultés structurelles que conjoncturelles.
Si des tensions fortes se faisaient jour à l’avenir sur le financement des PME, et pour autant que les conditions de rentabilité des projets soient réunis, l’Etat disposerait de deux leviers pour compenser un fort ralentissement de l’offre de crédit bancaire : l’utilisation des ressources du Fonds d’épargne, via Oséo, dans les limites précédemment évoquées, et, de manière plus marginale, La Banque Postale, qui est désormais agréée pour distribuer des prêts aux personnes morales, mais dont l’activité sur ce segment ne devrait se développer que très progressivement dans les années qui viennent.
Une réflexion sur le droit des faillites pourrait également être engagée, notamment sur la nature du contrôle de l’entreprise pendant le processus précédant la liquidation. Certaines études ont en effet montré que les lois sur les faillites les plus performantes transféraient immédiatement le contrôle de l’entreprise en cessation de paiement à ses créanciers hypothécaires, ce qui avait pour conséquence de rassurer les prêteurs et de faciliter le financement des PME."
3 - Développer les financements externes non-bancaires
"Les nouveaux ratios prudentiels applicables à la liquidité se traduiront vraisemblablement par une limitation de la transformation opérée par les établissements financiers.
Les PME seront conduites à rechercher une diversification de leurs sources de financement. Cette évolution pourrait passer par les financements de marché, même si cela ne peut concerner qu’une part limitée des besoins de financement.
Ce recours au financement de marché ne doit, en tout état de cause, pas engager la garantie de l’Etat. Même si les projets d’agences d’émissions de titres pour les entreprises qui ont vu le jour sollicitent une telle garantie, le développement de fonds investissant dans des émissions obligataires de PME suppose que les investisseurs finaux acceptent de détenir davantage de risques dans leurs portefeuilles de titres.
En revanche, l’Etat doit faciliter la transition vers des modes de financement plus diversifiés, qu’il s’agisse de financement obligataire ou en fonds propres. Les réformes engagées à l’initiative des pouvoirs publics , qui visent à favoriser l’accès des PME aux financements de marché, doivent donc être poursuivies. A cet égard, il pourrait être envisagé, comme l’ont suggéré plusieurs rapports, de créer une structure de marché dédiée aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), avec des équipes spécifiques, afin de permettre à ces entreprises de lever des fonds en capital ou sous forme obligataire. L’exemple du marché Alternative Investment Market (AIM) au Royaume-Uni en montre la possibilité. Une telle structure serait de nature à améliorer la fluidité pour les cessions de participations par les fonds de « private equity », dont le modèle requiert une rotation des entreprises en portefeuille tous les quatre à cinq ans en moyenne."
Source : Rapport de la Cour des Comptes " L'Etat et le Financement de l'Economie" Juillet 2012
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