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Simples coquillages...

Publié le 15 juillet 2012 par Perce-Neige

Simples coquillages...Comment écrire ? Comment s’y prendre ? Comment construire un texte de fiction ? Comment lui donner l’ampleur et la cohérence nécessaires ? Comment faire pour que tout se tienne vraiment ? Comment mettre tel mot dans la bouche de Pierre et non dans celle de Jacques ? Comment savoir la valeur littéraired’une histoire, ou d’une intrigue ? Comment comprendre ? Comment parvenir à avancer sans se décourager ? Témoignant de sa pratique quotidienne de l’écriture, qu’il considère comme un métier (Ecriture. Ed. Albin Michel), Stephen King,  rapporte ceci : 
De mon point de vue, un roman, une histoire, comporte trois éléments: la narration qui fait avancer le récit du point A au point B, et finalement jusqu'au point Z; la description, chargée de créer une réalité sensorielle pour le lecteur; et les dialogues, qui donnent vie aux personnages à travers leurs échanges verbaux. Vous vous demandez peut-être où je mets l’intrigue, dans tout ça. La réponse - la mienne, en tout cas - est: nulle part. Je n'essaierai pas de vous convaincre que je n'ai jamais bâti d'intrigue, pas plus que je n'essaierai de vous convaincre que je n'ai jamais menti, mais j'évite le plus possible de faire l'un comme l'autre. Je me méfie des intrigues pour deux raisons: d'abord parce que nos vies en sont essentiellement dépourvues, en dépit de toutes les précautions raisonnables que nous pouvons prendre, de la minutie avec laquelle nous dressons nos plans; ensuite parce que je considère qu'il y a incompatibilité entre la construction d'une intrigue et la spontanéité de la véritable création. C'est un point sur lequel je dois être clair: je désire que vous compreniez que ma conviction la plus profonde, quant à l'invention des histoires, est qu'elles se fabriquent en grande partie d'elles-mêmes. Le boulot de l'écrivain consiste à leur donner un lieu où s'épanouir (et à les transcrire, bien entendu). Les histoires ne sont pas des T-shirts souvenirs ou des jeux électroniques. Ce sont des reliques, issues d'un monde préexistant, encore inconnu. Le travail de l'écrivain consiste à utiliser les outils de sa boite à outils pour les extraire du sol, aussi intégralement que possible, en les laissant aussi intactes que possible. Parfois, le fossile est petit, un simple coquillage. Parfois, il est énorme - un Tyrannosaurus Rex, avec sa gigantesque cage thoracique et son sourire plein de dents. Dans un cas comme dans l'autre, qu'il s'agisse d'une nouvelle ou d'un roman fleuve de mille pages, les techniques d'excavation demeurent, pour l'essentiel, les mêmes. Aussi bon que vous soyez et quelle que soit votre expérience, il est probablement impossible de retirer tout le fossile du sol sans en casser des morceaux, sans en perdre d'autres. Pour en récupérer le maximum, la pelle doit laisser la place à des outils plus délicats ; jet d'air, grattoir, voire, au besoin, brosse à dents. L'intrigue est un instrument bien plus gros; c'est le marteau-piqueur de l'écrivain. On peut certes extraire un fossile d'un sol dur au marteau-piqueur, je suis bien d'accord, mais vous savez aussi bien que moi que cet engin va casser presque autant de restes qu'il permettra d'en libérer. Méthode grossière, mécanique, anti-créatrice. Je crois que l'intrigue est le recours ultime de l'écrivain, alors que le crétin se jette dessus. L'histoire qui en résulte a toutes les chances d'être artificielle et laborieuse. Je m'appuie bien plus sur l'intuition, et cela parce que mes livres ont tendance à se fonder sur une situation plutôt que sur une histoire. Certaines des idées qui ont engendré ces livres sont plus complexes que d’autres mais dans leur majorité, elles ont au départ la brutale simplicité d'une vitrine de grand magasin ou d'un tableau de cire. Je place un groupe de personnages (ou peut-être seulement deux, voire un seul) dans une situation plus ou moins désagréable et j'observe comment ils font pour s'en sortir. Mon job ne consiste pas à les aider, ou à les manipuler jusqu'à ce qu'ils soient en sécurité - ça, c'est la bruyante méthode de l'intrigue au marteau-piqueur - mais de regarder ce qui se passe et de l'écrire. La situation vient en premier. 


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