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14 juillet 2012 : Hollande, sur les pas de ses prédécesseurs

Publié le 16 juillet 2012 par Sylvainrakotoarison

Le changement, ce n’est certainement pas pour maintenant ! Au contraire, tout dans l’attitude du nouveau Président de la République, montre qu’il est le représentant des pratiques les plus rétrogrades.

yartiHoll14juil01Le nouveau Président de la République François Hollande a renoué avec la traditionnelle interview du 14 juillet, dans un luxueux palais de la République donnant sur la place de la Concorde (auquel n’a rien à envier le Fouquet’s). Institué par François Mitterrand, confirmé par Jacques Chirac, cet exercice d’explication aux Français avait été supprimé par Nicolas Sarkozy qui préférait des interventions publiques plus fréquentes et plus spontanées.

Loin de changer la pratique présidentielle de type quasi-monarchique, François Hollande a au contraire emboîté les traces de ses prédécesseurs dans le rôle du souverain répondant à deux journalistes (un homme, une femme) de manière aussi obséquieuse et hypocrite que dans le passé.

Si je dénonce cette forme, ce n’est pas pour refuser dans l’absolu cet exercice qui me paraît sain, il faut savoir s’exprimer régulièrement aux Français et François Hollande, sans arrêt absent en raison des derniers sommets internationaux, après l’installation de l’Assemblée Nationale et le discours de politique générale de son Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, avait besoin d’apporter ses précisions avant le départ en vacances de ses contemporains et avant une rentrée qui sera sans doute "chaude". C’est juste pour pointer du doigt la grande hypocrisie du slogan "Le changement, c’est maintenant".

Car il n’y a aucun changement avec François Hollande à l’Élysée. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau : depuis une trentaine d’années, les vrais conservateurs, ce sont les socialistes et pas le centre droit. Ce sont les socialistes qui refusent de réformer la France pour l’adapter à la période économique difficile d’aujourd’hui. Ce sont les socialistes qui sont attachés aux acquis des salariés alors qu’il y a de moins en moins de salariés et de plus en plus de demandeurs d’emploi. Si Nicolas Sarkozy s’est montré "brouillon" et maladroit, dans bien des domaines, il avait eu au moins le courage de faire quelques réformes pour éviter à la France un destin à la grecque.

Dans les réponses de François Hollande, il n’y a rien de nouveau. Seulement du Mitterrand en moins bon, de la langue de bois, des propos convenus.

Je m’arrêterais à quelques sujets.

Twitter et Élysée

Le tweet de Valérie Trierweiler, par exemple. Honnêtement, il n’est pas responsable de cette malheureuse affaire qui a mis en scène deux femmes importantes de sa vie qui se détestent. Cependant, quelle prétention de vouloir condamner son prédécesseur, soi-disant trop peu distant avec sa vie privée (Carle Bruni appréciera), alors que lui-même est incapable de séparer le privé du public au point de violer son propre principe de ne pas prendre part aux affaires du PS en soutenant explicitement son ancienne concubine à La Rochelle.

C’est clair qu’un Président de la République n’a plus de vie privée (surtout en France qui semble rester dans une considération monarchique du chef de l’État, au contraire des pays nordiques), et qu’il doit l’assumer (pour bien connaître la vie politique, François Hollande le savait depuis longtemps). Il a bien sûr raison lorsqu’il refuse tout statut au conjoint de Président de la République, puisqu’il faudrait d’abord définir ce qu’est un conjoint. Il existe déjà un statut civil assez facile pour le définir, c’est le mariage, or, François Hollande n’est même pas marié, comment donc considérer Valérie Trierweiler, par ailleurs encore mariée (il me semble), comme sa conjointe ?

Je comprends également que celle-ci souhaite continuer son métier et sa carrière (pourquoi la femme devrait-elle toujours sacrifier sa carrière au profit de celle de son compagnon ?), mais hypocrisie encore de vouloir continuer à faire du journalisme politique comme ordinaire …et avoir un staff avec bureau et secrétariat à l’Élysée !

Plutôt que d’en parler, s’il était vraiment franc avec son refus de mélanger privé et public, François Hollande aurait dû refuser purement et simplement de s’exprimer sur le sujet au lieu de répondre maladroitement et sans conviction.

Sur les pas de Nicolas Sarkozy

François Hollande refuse régulièrement le titre de "collaborateur" à son Premier Ministre Jean-Marc Ayrault. Certes, il y met un peu plus les formes que son prédécesseur, mais dans le fond, rien n’a changé puisqu’il a expliqué le 14 juillet 2012 que l’essentiel de son action était basé sur les soixante propositions de sa campagne présidentielle : c’est donc bien un lien de subordination qui lie Jean-Marc Ayrault à François Hollande. Encore une fois, je ne blâme pas ce principe, c’est François Hollande qui a été élu, pas Jean-Marc Ayrault, mais arrêtons avec l’hypocrisie : en dehors des périodes de cohabitation, le Premier Ministre a toujours été le collaborateur du Président de la République. De Gaulle avait même eu une expression très claire pour qualifier le Premier Ministre : « le premier des ministres ».

On peut d’ailleurs comprendre que François Hollande se sente engagé par ses soixante propositions et qu’il veut être jugé sur celles-ci, mais n’est-ce pas de la prétention de croire qu’il y a eu un vote d’adhésion à son programme alors que toutes les études d’opinion montrent clairement que s’il a été élu, c’était par défaut et par rejet de la candidature de Nicolas Sarkozy ?

Manquant de manière déconcertante d’imagination, François Hollande a annoncé qu’il allait confier à l’ancien Premier Ministre Lionel jospin (celui qui l’a placé à la tête du PS en 1997 et donc, un peu celui qui lui a permis d’arriver à l’Élysée), à 75 ans, la présidence d’une commission chargée de réviser la Constitution. On a maintenant l’impression que chaque Président élu a envie de faire son petit changement institutionnel pour convenances personnelles. Rappelons que Nicolas Sarkozy, à peu près à la même période de son quinquennat, avait confié à l’ancien Premier Ministre Édouard Balladur le soin, également, de présider une commission pour réviser la Constitution (aboutissant à la réforme du 23 juillet 2008).

Toujours dans le tiroir de l’hypocrisie présidentielle, François Hollande a réaffirmé qu’il ne voulait pas s’occuper des affaires du Parti socialiste. Après avoir donné raison à Ségolène Royal face au dissident Olivier Falorni à La Rochelle, François Hollande n’a quand même pas hésité, la phrase suivante, à parler du futur congrès d’automne, en évoquant la première secrétaire Martine Aubry : « Ce qu’elle fera sera bien ! ». C’est plus de la délégation que de l’inaction…

Sur ses déplacements, François Hollande a (heureusement) vite abandonné le train au profit de l’avion. Ses premiers déplacements très démagogiques n’étaient plus tenables, tant pour l’optimisation (il devait quand même rentrer en voiture de Bruxelles par manque de train la nuit), que pour sa sécurité.

Pouvoir d’achat

Évidemment, le point le plus important de l’action gouvernementale concerne la vision économique et sociale de la France et les perspectives de redressement que toute la classe politique souhaite évidemment, même l’opposition.

Revenons sur deux propos électoralistes d’avant scrutin sur le pouvoir d’achat.

Le PS voulait bloquer les prix de l’essence avant les élections. Finalement, il y a renoncé après les élections car les prix redescendaient. Le collectif budgétaire prévoit la mise en place d’une taxe spéciale sur les compagnie pétrolière (qui ferait augmenter d’un centime par litre le prix de l’essence, selon le Ministre du Budget). Résultat, en une semaine, l’essence a augmenté d’au moins cinq centimes en mesure préventive : merci monsieur Hollande !

L’autre exemple, c’est le prix du gaz. Le gouvernement ne veut pas augmenter de plus de 2% le prix du gaz, ce qui est louable. Résultat des courses : en raison de l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2011 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez, le gouvernement va devoir rattraper un retard de 10% depuis l’an dernier. Toujours la même remarque : je ne critique pas le fait que le gouvernement est "coincé" par une décision du Conseil d'État ; ce que je critique, c’est que les socialistes fassent des promesses qu’ils savent qu’ils ne tiendront pas.

Perspectives économiques

Enfin, je m’arrêterai sur l’information économique la plus importante de la semaine dernière (le 12 juillet 2012), à savoir l’annonce des 8 000 suppressions d’emploi à PSA.

La réaction de François Hollande et de ses ministres (Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg dont l’éclat de la démondialisation est un peu fané) reste assez convenue et inadaptée. Du reste, l’attitude de la droite pour des événements similaires dans le passé l’a été tout autant.

Est-ce parce que la France a toujours été dirigée par des hauts fonctionnaires que la vie économique soit aussi peu comprise des gouvernants successifs ? Parce que depuis trente ans, on sait que la vie économique s’est accélérée, qu’on vit en système ouvert et pas en vase clos, que la globalisation des échanges (qui est un gain de liberté formidable pour tous les citoyens du monde) nécessite quelques remises en question de certains fondamentaux.

Par exemple, qu’il est maintenant de plus en plus rare d’avoir son emploi dans la même entreprise pendant toute sa carrière. Pire : qu’il est de plus en plus probable que la viabilité des entreprises soit plus faible qu’avant, que des produits qui s’achètent bien pendant une période ne s’achèteront plus la période suivante, que des activités doivent s’arrêter et d’autres démarrer, que des entreprises meurent et d’autres se créent. Bref, qu’il y ait une respiration économique plus rapide, plus angoissante aussi pour tous (salariés comme patrons) dans un univers économique incertain et sans cesse en évolution.

Donc, lorsque le Président de la République déclare de manière abrupte et royale : « L’État ne laissera pas faire ! » concernant le plan social de PSA, c’est qu’il n’a rien compris à la vie économique.

D’une part, PSA étant une entreprise privée, l’État n’a aucune raison de se mêler de ses affaires si ce n’est de leur légalité (ce qui semble le cas). D’autre part, dire que le plan social est « inacceptable en l’état » (comme l’a dit Arnaud Montebourg), c’est simplement faire preuve d’incantation, ce qui est à la fois passif et improductif.

Indépendamment de la crise qui sévit dans le secteur automobile, que PSA ait besoin de délocaliser sa production hors de France, si c’est regrettable, c’était économiquement attendu depuis plusieurs années. Dans son intervention télévisée du 10 février 2011, le Président Nicolas Sarkozy avait déjà évoqué la situation de l’industrie automobile en France avec cette réflexion que Renault, dont l’État est en partie propriétaire, produisait beaucoup moins de véhicules en France que son concurrent totalement privé PSA.

On peut donc imaginer que pour pérenniser l’existence même de PSA, la fermeture du site d’Aulnay-sous-bois, comme la fermeture du site de Renault sur l’île Seguin à Boulogne-Billancourt, répond à un impératif de survie dans la décennie à venir. D’ailleurs, les vautours commencent déjà à parler et certains envisagent l’absorption pure et simple de PSA par une firme automobile américaine (que dira alors le gouvernement socialiste à ce moment-là ?).

Pourtant, cela ne me choque pas qu’il y ait des fermetures d’usines, des suppressions d’emplois, des arrêts d’activités économiques dans certains domaines. C’est la vie ! C’est la respiration économique. C’est tragique humainement, mais comme toute fin de cycle. Tout n’est pas voué à rester statique, à rester "en l’état". Ou alors, il faut arrêter d’utiliser ses smartphones, de se connecter sur Internet, de se soigner avec les derniers médicaments les plus efficaces, de se chauffer à l’électricité… On ne peut pas à la fois acheter le dernier modèle d’écran plat et regretter la fermeture des usines qui fabriquaient les vieux écrans cathodiques. On ne peut pas à la fois acheter des vêtements fabriqués en Chine et regretter la délocalisation des emplois du secteur textile, etc.

Ce qui est choquant, et ce qui est la cause de la désindustrialisation de la France, c’est que, parallèlement à ces arrêts, ces suppressions, ces fermetures (qui sont des conséquences ordinaires bien que malheureuses du cycle de certains produits), il n’y ait quasiment pas, en France, de créations de nouvelles entreprises à fort potentiel (des entreprises comme Apple, Microsoft, FaceBook etc.), ni de démarrages de nouvelles activités très prometteuses, ni d’embauches massives pour de nouveaux secteurs d’avenir.

Nicolas Sarkozy avait amorcé cette réflexion avec les investissements d’avenir (35 milliards d’euros principalement en avance pour favoriser des activités nouvelles), heureusement repris par le gouvernement actuel sous la houlette de Louis Gallois. Mais ce qui est en cause, ce sont les conditions de démarrage de nouvelles activités et la capacité à embaucher massivement : or, le gouvernement actuel fait tout pour que ces nouvelles activités s’installent ailleurs qu’en France (surtout lorsqu’on veut taxer à 75% les transmissions d’entreprises !). Le comprendra-t-il un jour ?

Au lieu de vouloir statufier les emplois actuels, parfois obsolètes, au risque de subventionner à pertes des secteurs entiers (on se rappelle Creusot-Loire en 1983, à l’époque où le Ministre de l’Industrie s’appelait …Laurent Fabius), il faut au contraire tout miser pour rendre la France compétitive dans l’installation sur son territoire de nouvelles activités économiques, celles qui engendreront recrutements et prospérité. C’est ce qu’a fait l’Allemagne de Gerhard Schröder avec son Agenda 2010. Je ne crois pas, malheureusement, que le gouvernement Ayrault ait cette vision des choses.

L’enjeu est déjà 2017 !

Malgré un volontarisme affiché, plus incantatoire qu’efficace, François Hollande ne fait que reproduire la pratique de ses prédécesseurs, tant dans la langue de bois qu’ont usée ses prédécesseurs jusqu’à maintenant que dans sa compréhension du monde économique d’aujourd’hui.

Ses belles tirades du "Moi, Président de la République", ses soixante propositions, son arrogance à vouloir contredire son prédécesseur alors qu’il le singe, tout cela va revenir sur la tête de François Hollande avec la massue de l’impopularité.

Je le regrette, car je crains qu’après Nicolas Sarkozy et François Hollande, les électeurs de 2017 n’en tirent ensuite une conclusion qui serait, à mon avis, désastreuse pour le pays…

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 juillet 2012)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Le 14 juillet en France.
Les 60 propositions présidentielles.
François Hollande et son fantôme.
Discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault.
Claude Bartolone au perchoir.
Élection de François Hollande par défaut.
Élections législatives 2012.
Bilan Sarkozy.
Le rapport de la Cour des Comptes.
 
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