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Chantage à l'emploi

Publié le 18 juillet 2012 par Toulouseweb
Chantage à l’emploiLe secteur aérospatial américain craint le pire.
Le Pentagone ne va pas se mettre au pain sec et à l’eau mais il va quand même se serrer sérieusement la ceinture. Et sans être ramené au rôle ingrat de variable d’ajustement budgétaire, il se prépare à aborder des moments très difficiles. Au cours des 10 prochaines années, les moyens mis à disposition des militaires seront réduits de 800 milliards de dollars environ (activités en amont et en aval incluses), davantage que l’ensemble des autres rédactions de dépenses prévues par l’administration Obama. Si la priorité absolue est donnée à la diminution des déficits publics, selon une méthode qui n’a rien de novateur, les conséquences économiques pourraient en être désastreuses. Cela au point de faire progresser le taux de chômage d’un point et demi, un paradoxe.
C’est en tout cas ce qu’affirment les experts, le dernier en date étant le professeur Stephen S. Fuller, de la George Mason University (Arlington, Virginie), aidé dans ses calculs par Chmura Economics and Analytics. Des travaux réalisés, ce qui n’a rien d’étonnant, à la demande de l’Aerospace Industries Association of America (AIA). Ce document, d’un ton très pessimiste, évoque aussi une nouvelle récession qui pourrait prendre forme à la mi-2013, une hypothèse confirmée par le Fonds monétaire international. Le résultat le plus visible, le plus inquiétant, affirme Stephen Fuller, sera la perte de plus de 2 millions d’emplois, dont environ la moitié liés au secteur aérospatial, indirects inclus. En effet, les membres de l’AIA n’occupent «que» 629.000 personnes, en retrait de 30.000 environ depuis une dizaine d’années.
Les dirigeants de l’AIA, s’exprimant au nom de leurs adhérents, sont évidemment inquiets et, jour après jour, tirent la sonnette d’alarme, agitant le spectre d’inextricables problèmes tout en mettant en avant les qualités d’un secteur qui reste un symbole de grandes avancées technologiques, enregistre de grands succès sur les marchés d’exportation et apporte son obole à la balance des paiements américaine.
L’argumentation n’est évidemment pas inattendue mais, vue d’Europe, n’en est pas moins surprenante parce que apparemment incomplète. Il n’est pas dit, en effet, que l’industrie de la Défense constitue la clef de voûte du statut de superpuissance. Et les récentes études académiques, y compris celle de la George Mason University, laissent de côté les considérations géopolitiques, l’évolution des menaces, comme s’il s’agissait de considérer avant tout l’industrie comme une machine à créer des emplois de haut niveau.
Arlington, précisément, Etat qui accueille le Pentagone et les sièges sociaux de quelques-unes des plus grandes entreprises aérospatiales et de la Défense, risque d’être l’un des plus touchés par ce recul programmé des dépenses militaires. Il disputera ce privilège avec la Californie. L’Alabama, qu’Airbus vient de placer au premier plan de l’actualité économique américaine, se prépare à perdre 26.800 emplois, hors effets de réductions propres à d’autres secteurs. On comprend d’autant mieux que la chaîne d’assemblage final d’A320 qui sera bientôt érigée à Mobile soit accueillie avec une solide satisfaction. Cela en rêvant discrètement à des développements ultérieurs.
Le Budget Control Act, qui va régir ces économies budgétaires, rappelle une évidence, si besoin est : à savoir qu’un monde apaisé ne fait pas que des heureux. D’autant que les menaces persistent, mais sous des formes nouvelles qui n’exigent pas le déploiement de flottes imposantes d’avions de combat et de bombardiers. La notion de territorialité liée aux ennemis potentiels s’efface en effet de plus en plus.
Les affres des membres de l’AIA ne constituent pas l’apanage du lobby militaro-industriel américain. Mais ces perspectives difficiles supposent de formuler des compromis qui, de plus en plus, relèvent de la quadrature du cercle. Bientôt, à la lumière d’un Livre Blanc annoncé pour la fin de l’année, la France, à son tour, devra procéder à des choix similaires. Lesquels vont, de fait, conférer à Airbus, Safran, Thales, etc., des responsabilités nouvelles, celles de développer davantage des activités aéronautiques civiles. Lesquelles ont heureusement tout l’avenir devant elles.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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