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Collomb et le cumul : jacobinisme contre jacobinisme

Publié le 22 juillet 2012 par Omelette Seizeoeufs

Hier on parlait de cette Commission des Finances qui a rapidement décidé qu'il valait mieux éviter de se déclarer ses dépenses de parlementaire tout en gardant la possibilité d'empocher les excédents sans payer d'impôt dessus. Les notes de frais, ce n'est pas pour les représentants du peuple.

Chaque étape semble confirmer que préserver ses petits conforts vaut bien tous les idéaux démocratiques. Concrètement, c'est symbolique. Ce n'est pas un peu CSG prise sur l'IRFM des députés qui mettre fin à la crise de l'euro. Le non cumul des mandats, en revanche, est autre chose. Ce n'est pas symbole. C'est tout le fonctionnement du jeu démocratique qui est en cause.

J'étais donc déçu de lire ceci : "Gérard Collomb opposé au non-cumul des mandats voulu par Hollande".

Un peu d'hypocrisie, les pieds qui traînent, il fallait s'y attendre. Mais de là à faire l'éloge du cumul. Je suis surpris, surtout de la part de quelqu'un d'assez raisonnable, comme Collomb.

Laissons donc le brave sénateur, maire et président du Grand Lyon s'expliquer :

"On est dans un Etat hyper jacobin ou les décisions se prennent à Paris. Si les maires des grandes villes, si les présidents des conseils généraux, régionaux perdent ce contact, [...] ils vont se retrouver totalement coupés des lieux de pouvoirs." Il aurait donc demandé à Lionel Jospin de "réfléchir à quelque chose de plus large." "Comment on fait, en France, un rééquilibrage des pouvoirs entre ce qu'il se passe à Paris, dans les gouvernements, et ce qu'il se passe dans les territoires

Le cumul comme moyen de lutter contre jacobinisme. Fallait y penser. Car il serait encore plus convaincant, à mon avis, d'affirmer exactement l'inverse. Le partage des postes, nationaux et locaux, entre un petit groupe de personnes, forcément individuellement plus puissants par le fait de jouer plusieurs rôles, serait une forme particulièrement néfaste de la centralisation et de la concentration du pouvoir.

Il se trouve que Collomb se pense comme un Lyonnais qui monte de temps en temps à Paris.

En moyenne dans une semaine, je passe deux journées au Grand Lyon, deux journées à la Ville et une journée au Sénat.

On connaît bien le schéma inverse, cependant. L'élu "local" qui est en réalité une figure nationale, et qui se fait remplacer la plupart du temps dans sa mairie. Et celui-là est plutôt une extension tentaculaire du pouvoir central.

Forcément, Gérard Collomb trouve que le système actuel marche bien. Sans doute fait-il bien ses trois jobs. Il est normal de se demander, cependant, s'il ne servirait pas mieux ses électeurs en étant sénateur cinq jours par semaine, maire cinq jours par semaine, président de communauté urbaine cinq jours par semaine. Impossible : pour faire tout ce boulot, il faudrait être trois.

Pire encore, un citoyen lyonnais devrait pouvoir se plaindre de son maire à son sénateur, ou de son sénateur à son maire. Quand il y a des différends entre la communauté urbaine et la ville de Lyon, peut-on être d'accord avec le président du Grand Lyon sans l'être avec le maire de Lyon ? C'est grave. En général, à propos du cumul, trop d'importance est donnée à la question du temps dont disposent les élus. Le vrai problème, ou l'un des vrais problèmes, c'est la distinction des rôles. Et toute l'énergie et la bonne volonté d'un Gérard Collomb n'y fera rien.

L'exemple de Collomb montre bien que la décentralisation -- anti-jacobine, normalement - est en réalité bridée par le cumul. Peu importe que la décision soit prise à Paris ou en province, si c'est le même bonhomme qui la prend. Dans un monde post-cumul, les rapports de force seront différents. Nos élus d'aujourd'hui n'arrivent pas encore à imaginer ses nouveaux rapports. Et comme ils sont satisfaits actuellement des rapports de force (ce sont, après tout, des puissants), ils savent bien que dans le changement ils vont être perdants.

Nous n'allons pas pleurer leurs privilèges et leur pouvoir perdu. La démocratie sera la gagnante.


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