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Cas d’école démonstratif de la mauvaise foi nahdhawi

Publié le 07 janvier 2012 par Lilithmataziasim @PaNoAlMi
Bien que des voix de tous bords se sont élevées pour dénoncer fermement l’agression de l’élue d’Ennahdha Souad Abderrahim, celle-ci a fait le choix d'exploiter jusqu'au bout l'attention des médias pour cultiver son image de martyr et par la même occasion le statut d’éternelle victime incomprise de son parti. Dans une interview accordée au journal Le Temps, celle qui est désormais communément affublée du sobriquet de "Souad Palin" revient sur l’insoutenable calvaire qu’elle aurait vécu lors de la journée historique de la séance inaugurale de l’Assemblée Constituante. Le moins que l'on puisse dire à la lecture de ses déclarations, est que Souad Palin est aussi subtile pour instrumentaliser cette anecdote au profit de la propagande nahdhawi qu’un salafiste lors de sa quatrième nuit de noces. Voici une retranscription de l’interview telle que parue ici. Chaque réponse est accompagnée d’une annotation personnelle traduisant ma lecture propre de ses propos.
Le Temps : Est-ce que vous avez de la rancune contre les personnes qui vous ont agressée ?
Souad Abderrahim : Ces personnes ont été identifiées et la femme qui m’a agressée est membre de l’Association tunisienne des femmes démocrates. 68.000 personnes ont voté pour moi et je crois que ceux qui se sont attaqués à ma personne ne représentent qu’eux-mêmes. Chacun a le droit de s’exprimer et refuser un projet de loi ou autres mais en observant un comportement civique digne. Et ce que j’ai encouru est une atteinte à ma dignité humaine.
• D'emblée Souad Abderrahim ignore la question et enchaine directement sur une révélation fracassante. Nous pouvons noter ici une légère confusion entre le pluriel et le singulier. D’une part ce sont plusieurs personnes qui ont été identifiées et d’autre part LA femme qui l’a agressée est membre de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates. Voilà qui est pour le moins singulier. Cette personne avait-elle un badge collé sur le front au nom de l’association pour qu’elle soit identifiée exclusivement comme membre de l’ATFD ? Est-ce là son unique identité ? Quand on connait la stigmatisation de cette association et des féministes en général par le parti Ennahdha on ne peut que doucement sourire de cette affirmation. Faut-il rappeler à Mme Souad que sans le combat des féministes, la seule fonction qu’elle pourrait espérer briguer depuis sa cambrousse natale est celle de "femelle multi-génitrice" ? Faut-il lui rappeler aussi que, quand ses maîtres goûtaient la douceur d’une retraite paisible, l’ATFD, qui milite non seulement pour les droits des femmes, mais également pour les droits humains dans l’absolu, continuait son action même sous le joug du dictateur ? Ensuite, qui est ce qui a identifié ces/cette personne(s) ? Ces nahdhawi qui sont si prompts à réclamer des preuves tangibles à chaque accusation, quelle preuve nous apportent-ils ici par la voix de leur marionnette ? Absolument aucune. Et dans quelles conditions ces/cette personne(s) ont/a-t-elle(s) été(s) identifiée(s) ? Quand on sait que les démonstrations de force les plus violentes des islamistes et des salafistes sont toujours restées impunies, on est en droit de se demander si nos forces de l’ordre ne se seraient pas transformées en services de sécurité privés. A moins qu’Ennahdha, à l'instar de la police politique de Ben Ali, dispose d’un service secret dont les agents infiltrent les manifestations pour relever l’identité de leurs opposants et les ficher. Quelle image rassurante de cette démocratie plurielle que nous promet Ennahdha !
• Contrairement à ces accusations infondées, quand il s’agit d’irradier de toute sa gloire, Souad Palin n’est pas avare de preuves. A grand renfort de chiffres, elle nous rappelle qu’elle est l’Elue. 68.000 personnes ont voté pour elle, autant dire le peuple tunisien dans sa quasi intégralité ! Ce qui lui permet d’affirmer avec aplomb que « ceux qui se sont attaqués à [sa] personne ne représentent qu’eux-mêmes », comprendre, non pas qu'il s'agit d'un acte isolé et qu'il ne faut pas tomber dans les généralisations simplistes, mais plutôt « les mécréants féministes progressistes opposants à Ennahdha » – incarnés ici par « la femme membre de l’ATFD » afin de faciliter l’assimilation du message subliminal par les esprits rustres que vise la propagandiste. Ces brebis galeuses, qui sont exemptes, elles, de dignité humaine, sont donc à distinguer et séparer du peuple tunisien, soit les 68.000 votants qui lui ont attribuée son précieux siège à durée limitée.
• De « propos détournés et mal compris », au sujet de ses déclarations sur les mères célibataires, voilà que nous passons subitement à « projet de loi ». Preuve, s’il en fallait une, que le double langage nahdhawi est une institution.
Le Temps : Croyez-vous que les femmes nahdhaouies qui sont majoritaires par rapport aux membres de la gent féminine au sein de l’Assemblée, vont vraiment défendre les acquis de la femme tunisienne ?
Souad Abderrahim : Je préfère ne pas raisonner en terme de "femmes nahdhaouie" car les nahdhaouies sont avant toute chose des femmes tunisiennes. Je crois aussi que le débat qui sépare homme et femme est aussi un débat stérile car il s’agit plutôt de parler de citoyen tunisien, de ce qui lui revient de droit et de ce qui lui incombe comme devoirs. Le combat pour les libertés individuelles et publiques est fondamental.
• Après avoir fait de la ségrégation entre leurs partisans et « les autres » l’une des stratégies principales de leur campagne électorale, les nahdhawi passent maintenant en toute logique à l’étape suivante, la superposition de l’identité nahdhawi à l’identité tunisienne, excluant ipso facto « les autres ». Peut-être en attendant de les pousser vers l’exil ?
• Une autre de leur stratégie fut, et est encore, l’attaque contre les femmes. Pas toutes les femmes bien évidemment, mais les femmes qui incarnent cet idéal progressiste qu’ils honnissent, à l’image d’ailleurs de « la femme membre de l’ATFD ». A combien de déclarations et de contre-déclarations sur des sujets aussi épineux que le travail des femmes, les obligations maritales des femmes, la débauche des femmes, etc. n’avons-nous pas eu droit ? Sans oublier surtout l’emblématique question de la polygamie. Maintenant, les nahdhawi voudraient nous faire croire que séparer les hommes et les femmes est un débat stérile. Cette pratique est pourtant de mise dans chacun de leur meeting.
• Le combat pour les libertés individuelles et publiques est certes fondamental, tant que l’on s’efforce à respecter les bonnes mœurs édictées par Ennahdha. Car comme les nadhawi nous l’ont suffisamment rabâché, il ne faut pas confondre liberté et excès incompatibles avec la retenue que nous impose notre condition arabo-musulmane. Et c'est à eux qu'il incombe de délimiter l'étendue desdits excès.
Le Temps : Croyez-vous que les femmes nahdhaouies sont libérales ?
Souad Abderrahim : Je crois que oui.
• Le verbe croire revêt ici un sens particulier, gageons qu’il ne s’agit pas d'une certitude absolue et univoque.
Le Temps : Libérales, dans quel sens ?
Souad Abderrahim : Oui, justement dans quel sens. Cela dépend de la manière dont on appréhende ce terme. Elles le sont dans le sens de défendre le droit de tout un chacun à la citoyenneté et à la vie digne.
• Ça n’aura pas tardé ! Oui les femmes nahdhawi sont libérales, mais pas dans le sens qu’entend le commun des mortels, non, les femmes nahdhawi sont libérales à la mode nahdhawi. Elles défendent le droit à la citoyenneté et à la vie digne de tout un chacun – à condition que monsieur et madame tout un chacun rentrent dans les critères nahdhawi. Parce que si l’on prend le fameux exemple des mères célibataires, qui sont une infamie pour une société arabo-musulmane telle que la nôtre, ni la citoyenneté, ni la dignité, ne leur sont reconnues.
Le Temps : Et le code du statut personnel est-ce qu’il est vraiment intouchable ?
Souad Abderrahim : Maintenant nous avons une Assemblée constituante élue par le peuple qui va y répondre. Les membres de l’Assemblée constituante ont été élus par le peuple pour discuter de ce sujet et je ne peux pas parler en leur nom.
• Il s’agit de cette même assemblée sur laquelle les nahdhawi ont fait main basse en usurpant la majorité absolue par des manœuvres politiciennes viles. Autant dire que ce qu’Ennahdha veut, la Constituante le veut. Mais, comme il en était du temps de Ben Ali, la Tunisie doit avant tout renvoyer une image démocratique rassurante.
Le Temps : Et qu’en est-il de la question des mères célibataires, est-ce que vous allez revenir sur vos positions ?
Souad Abderrahim : Je tiens à vous dire qu’on a commis une diffamation à mon encontre. On a complètement détourné le sens de mes propos pour me faire dire que je rejette en bloc les mères célibataires. Il n’en est aucunement le cas, car je sais qu’il y a des femmes victimes d’abus, de viol et de la marginalisation socio-économique à qui il faut tendre la main. Ce que j’ai refusé était le choix qu’on fait d’être mère célibataire. Car il y a des femmes qui revendiquent le droit d’avoir des enfants en dehors du mariage tout en ayant des lois qui les protègent. Cette catégorie de femmes ne peut aspirer à un cadre légal, à mon sens.
• Même avec un enregistrement sonore non coupé et non monté, les nahdhawi sont capables de crier à la diffamation. On aurait donc détourné le sens de ses propos pour lui faire dire des choses qui ne reflètent en rien son opinion. Pour avoir écouté l’intégralité de son intervention, à moins que l’intervenante sur les ondes de Monte Carlo Doualya n’eut été une excellente imitatrice, je trouve cet argument irrecevable. Doublement irrecevable que les justifications que nous oppose Mme Souad sont loin de la réhabiliter. En effet, à toutes celles dont l’opprobre est imputé à des circonstances atténuantes, Sa Sainteté daigne tendre la main. Pour les autres, celles qui ont choisi de vivre dans le pêché, aucun salut possible. Souad Abderrahim, qui n’est élue que pour un an, et qui avait insisté lors de son intervention à la radio sur le fait qu’elle n’avait aucune notion juridique, s’estime aujourd’hui être en disposition du droit de vie ou de mort sur ses concitoyens. La loi, qui pourtant protège même les voleurs et les assassins, doit exclure de son cadre celles qui se seraient délibérément affranchies des liens sacrés du mariage ainsi que leur progéniture. Quel sort leur sera réservé ? La question demeure en suspens.
Le Temps : Que pensez-vous de ce groupe qui a agressé une enseignante d’éducation artistique la semaine dernière au nom de la religion ?
Souad Abderrahim : Ennahdha refuse l’extrémisme quelle que soit la forme qu’il prend. Nous sommes pour la modération religieuse et pour le respect de la différence et pour l’innovation artistique dans le cadre de la loi.
• L’illusion d’un signe d’ouverture inespéré très vite dissipée. La définition des libertés sera tributaire du cadre de la loi. Ce même cadre dont sont exclues, par exemple, les mères célibataires. Ce même cadre soumis à la volonté arbitraire des nahdhawi qui, tout en justifiant les agressions physiques contre des artistes, des journalistes, des intellectuels et même des biens privés et publiques, s'empressent d'envoyer leur horde d'avocats aux trousses de tous les ennemis à abattre. Dernier exemple en date, un feuilleton juridique en préparation autour du film Persepolis, film pourtant projeté dans les salles de cinéma tunisiennes, librement distribué, et primé dans de nombreux pays arabo-musulmans.
Mais peut-être que les propos de Mme Souad ont encore une fois été déformés et détournés, gardons à l'esprit cette éventualité nous ne sommes jamais suffisamment prudents face à la menace progressiste.

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