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Fait-on l'amour de façon gratuite ?

Par Oliviernda
Par : Agnès Giard Le fait que des femmes et des hommes ne puissent plus, librement, procurer des services sexuels ne changera rien au business juteux des trafiquants de chair humaine. Au contraire. La prohibition de l’alcool, aux Etats-Unis, avait dopé la mafia. Que cache cette volonté bien-pensante de protéger l’image d’Epinal d’une sexualité parfaitement «gratuite» ?

Fait-on l'amour de façon gratuite ?

La prostitution masculine en hause 

Il y a quelque chose de compliqué avec la sexualité, c’est qu’il ne s’agit jamais uniquement de plaisir… ou plutôt que le plaisir s’y entache de mille et une impuretés: le goût du pouvoir, le désir de surmonter ses limites, la peur de rester seul(e), l’arrivisme, la possessivité, etc… Il y a dans la sexualité plein de choses sales ou dérangeantes: combien de femmes avouent faire l’amour uniquement pour que leur mari n’aille pas voir ailleurs?
Combien d’hommes font l’amour, sans réel désir, uniquement pour se prouver qu’ils sont «capables»? Officiellement, la sexualité sert à s’épanouir (accessoirement à avoir des enfants). Mais dès que l’on gratte un peu… on se rapproche beaucoup des primates qui font l’amour ou se masturbent réciproquement pour se «rendre service» et, ainsi, atténuer les tensions ou obtenir des faveurs. D’une certaine manière, la sexualité est toujours marchande, puisqu’il s’agit d’une monnaie d’échange. Dans notre société, cette vision de la sexualité est taboue car il s’agit de bien faire la différence entre la maman et la putain. D’un côté la compagne officielle qui fait l’amour par amour, d’un autre côté la femme qui loue son corps parce qu’elle a été battue, violée, forcée. Ou parce qu’elle est complètement perverse. Ou parce qu’elle est trop bête et trop pauvre pour se rendre compte de l’exploitation dont elle est la malheureuse victime… Dans sa volonté d’abolir la prostitution —alors que toutes les politiques abolitionnistes ont fait la preuve flagrante de leur échec (1)—, le gouvernement français ne fait jamais que renforcer cette vision hypocrite des choses : il s’agit de purifier la sexualité de sa part d’ombre, en obligeant les hommes (et les femmes car il y a aussi des clientes) à ne faire l’amour que dans le cadre légitime d’une relation gratuite, si possible conjugale. L’idéologie dominante entend ainsi imposer sa morale: les hommes et les femmes ne doivent faire l’amour que par affection ou pour le plaisir. Et il ne faut surtout pas que cet échange ait quoi que ce soit à voir avec «une prestation de service». Mais c’est oublier un peu vite que nous sommes tous et toutes des êtres de séduction qui jouons de nos charmes pour obtenir l’attention, la chaleur et la protection, parfois même la sécurité matérielle. Nous avons besoin d’être rassuré(e)s. Nous avons envie qu’un être mouille ou bande pour notre corps vieillissant. Nous avons besoin de la sexualité pour restaurer l’image que nous avons de nous. Touché(e)s par la baguette magique d’une érection, nous nous sentons soudain plus fort, plus pur, plus beau, ce qui explique peut-être pourquoi la plupart des fantasmes mettent en scène une relation de pouvoir… Pourquoi les contes parlent-ils d’un prince? Les fantasmes courants reposent sur des relations de force, qui sont parfois retournées avec délices (lorsque les ouvriers de chantier se tapent la bourgeoise, par exemple ou lorsque le palefrenier subjugue brutalement son maître). Il n’est pas si étonnant que le mot pornographie, qui désigne les productions masturbatoires, soient dérivé du mot «prostituée» (porno). Nous baisons tous et toutes comme des prostitué(e)s, même si ce n’est pas forcément pour de l’argent. Au moment même où Najat Vallaud-Belkacem s’apprête à prohiber le sexe tarifé, il serait donc intéressant de se poser la question: sous prétexte de faire disparaître l’exploitation des femmes (ce qui dans les faits, risque fort de renforcer la puissance des proxénètes), le gouvernement n’est-il pas en train de légiférer notre sexualité? Source : sexes.blogs.liberation.fr 

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