Magazine Humeur

Quand le drame d’Aurora inspire des margoulins

Publié le 26 juillet 2012 par Kamizole

Je ne le dirais sans doute jamais assez : je déteste les armes. Non seulement car étant tellement lamentable que je raterais une vache dans un corridor mais surtout parce que je suis persuadée de longtemps que c’est précisément l’arme des faibles quand bien même ne seraient-ils pas atteint de folie meurtrière. Il faut en effet beaucoup d’assurance pour les manier ais-je entendu dernièrement sur France Info, s’agissant du bijoutier qui a fait feu sur un malfrat. Venant - une fois de trop ! - d’être braqué. L’enquête nous apprendra s’il y eut légitime défense ou non, les deux étant armés.

Le spécialiste qui s’exprimait faisant remarquer à juste titre que, contrairement aux policiers, les citoyens lambda n’avaient - sauf exception de personnes entraînées dans des clubs de tir - ni les compétences ni l’expérience suffisantes pour se servir à bon escient d’une arme à feu. J’ajouterais en outre que les policiers et gendarmes qui respectent suffisamment les règles - malgré des bavures et contrairement à certaines accusations faciles - savent parfaitement qu’ils ne doivent agir et réagir qu’en respectant ce que les juristes nomment « principe de proportionnalité ».

« Folie meurtrière » et massacre de masse. Les exemples se multiplient à l‘infini. Il serait sans doute fort facile de faire remonter le scénario de ces meurtres de masse à la tuerie du collège américain de Columbine. Acte fondateur sans nul doute sur le plan de la stricte réalité. Mais n’était-il pas en germe déjà avec « Orange mécanique » ? Film phare de Stanley Kubrick (1971) qui me fit immédiatement subodorer l’ère de barbarie dans laquelle nous étions en passe d’entrer. La fiction est parfois nettement plus en avance que les plus savantes des analyses.

Comment oublier les tueries d’Oslo - attentats à la bombe - et de l’île de d’Utoya en juillet 2011 ?

La défense des avocats de son auteur - Anders Behring Breivik, un facho qui ne renia rien lors de son récent procès - essayant de plaider l’irresponsabilité mentale. Argument fort heureusement non retenu. Bien trop fastoche : je tue mais c’est sous l’influence de pulsions non maîtrisées.

Ce qui est parfois vrai s’agissant de malades atteints de schizophrénie aigue à tendance paranoïaque. Un très intéressant article paru il y a déjà bien longtemps sur le sujet dans la « Revue de l’infirmière » traitait précisément du non négligeable danger de passage à l’acte.

Encore faut-il se demander s’ils étaient sous l’empire de « messages » prétendument reçus de cette instance diabolique quand ils commirent leur méfaits. Le tri n’est pas facile à faire pour les experts, psychiatres et autres.

Comment oublierais-je par ailleurs la tuerie qui eut lieu à Tours le 29 octobre 2001 ?

Sans doute parce que je connais et aime cette ville depuis belle heurette pour y être allée souventes fois et y avoir des ami(e)s quand je vivais à Orléans ou séjournais longuement à Loches. Le prévenu - Jean-Pierre Roux-Durraffourt, habitant de Chambray-lès-Tours, banlieue de Tours que je connais parfaitement, cheminot et conducteurs d’engins, donc pas un paria malmené par la société ! - sortit de son véhicule (une Peugeot 505) qu’il gara en centre-ville - et fit de nombreuses victimes au centre-ville et Bd Heurteloup. Que je connais comme pas poche, ne serait-ce que parce que mon calamiteux avocat pour mon procès contre la partie adverse s’agissant de l’indemnisation de mon préjudice indemnisable pour mon grave accident de moto en 1978 y avait son cabinet !

Comment oublier l’effroyable tuerie qui eut lieu le 26 mars 2002 lors du Conseil municipal de Nanterre ? Pendant d’un acte semblable survenu au Parlement de Zoug en Suisse six mois au paravent. Effet d’entraînement ?

L’auteur de ce forfait, Richard Durn qui tua 8 élus et en blessa 18 autres (dont 14 grièvement) se suicida lors de sa garde à vue. Il désirait mourir. Soit. Mais on peut également se suicider sans entraîner d’autres personnes dans la mort.

D’après ce que j’ai pu lire à l’époque il possédait des armes car il s’entraînait dans un club de tir. En France, mais tout à fait théoriquement aujourd’hui, les dispositions légales sur la possession et le transport des armes sont très strictes. Je dis bien théoriquement parce que nombre de faits divers qui ont défrayé la chronique depuis quelques temps et sur lesquels je ne m’étendrais pas, prouvent à l’envie que les kalachnikov sont devenus l’arme préférée de tous les petits malfrats de banlieue.

Aux Etats-Unis, nonobstant les drames de Columbine et d’autres qui eurent lieu par la suite, il n’a jamais été possible de revenir sur un amendement constitutionnel décrétant la liberté totale en matière de possession et de transport d’armes à feu. Datant du temps des pionniers mais non d’une société civilisée et pacifiée. La puissante NRA (National rifles association) freinant des quatre fers. Poids des lobbies. La question de la réglementation des armes à feu aux Etats-Unis se pose de façon récurrente après chaque nouveau drame.

Pour en revenir au drame d’Aurora, comme à chaque fois, les interviewes des rescapés ou des proches des victimes nous glacent le sang et nous font monter les larmes aux yeux. Une jeune fille qui avec son petit copain a compris immédiatement de quoi il retournait. Ils se sont jetés sous les sièges, se frayant un passage jusqu’à la sortie de secours. D’autres eurent évidemment moins de chance. Je pense notamment à une jeune journaliste qui avait échappé à un précédent drame qu’elle avait anticipé, sortant précipitamment du lieu. Cette fois elle eut moins de chance. Sa famille et ses amis déplorent sa mort.

Mais mon courroux va encore plus loin… En explorant l’infolettres de 20 Minutes, mon attention fut interpellée par un titre Tuerie dans le Colorado : Une boutique en ligne indigne Twitter (21 juil. 2012). Intriguée : de quoi pouvait-il s’agir ? J’ouvris donc l’article de Nicolas Beunaiche qui m’apprit qu’un site commercial - Celeb Boutique dont le siège se trouve en Argentine - avait profité de la fusillade à Aurora pour faire la promotion d’une robe de sa collection… nommée Aurora. Déclenchant bien évidemment l’indignation des internautes américains.

Aux Etats-Unis l’heure est au recueillement face à ce nouveau drame. La société Celeb Boutique fut donc très vite accusée sur les réseaux sociaux - Twitter notamment - de profiter de la fusillade pour faire de la pub pour un de ses produits ce qui est l’évidence même. C’est à peu près aussi inconvenant que si au lendemain des crimes de Merah un site de propagande islamiste avait vanté la qualité de ses centres d’entraînement au djihad en Afghanistan et au Pakistan.

Mais ces commerçants - que je qualifie à juste titre de margoulins - ont-ils seulement le sens de la décence ? Faire argent de tout sans s’encombrer le moins du monde de la moindre éthique n’est sans doute pas nouveau sous le soleil mais prend des proportions infinies à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux.

La société en cause reconnaît elle-même avoir commis une erreur - parlant d’un « malentendu » ! - et les arguments utilisés pour présenter ses excuses ne font que conforter mon jugement : « Nous n’avions pas vérifié pourquoi tout le monde en parlait, d’où la confusion. Expliquant plus tard que « la bourde » ! Le mot est bien faible… provenait du fait que « le service de relations publiques de la société ne se trouvait pas aux Etats-Unis »…

La belle affaire ! Il n’est que de suivre l’actualité sur Internet pour comprendre la profonde émotion déclenchée non seulement aux USA - Obama a d’ailleurs réagi promptement - mais également dans le monde entier. Notamment en France.

Cela n’est pas la première fois qu’une société commerciale se fait ainsi piéger en cherchant à faire du buzz pour promouvoir produits ou services mal venus ou défectueux. Les commerçants et autres prestataires de services finiront sans doute par comprendre que le buzz est à double tranchant, les internautes sachant le manier au moins sinon plus qu’eux.

Un des internautes ironisant (?) en avançant « Nous devrions créer un “trending topic” #celebboutique - je traduis très librement par sujet de discussion portant sur les tendances ; merci aux lecteurs/trices plus doués que moi en anglais, et surtout le calamiteux « globish » de rectifier cette interprétation s’il y a lieu - « Pour faire la promo de “Comment détruire sa société en utilisant les réseaux sociaux” »… CQFD.


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