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L’Apocalypse joyeuse, ou la conquête de l’Ouest par le progrès
Publié le 26 juillet 2012 par ChristophefaurieL’Apocalypse joyeuse (Jean-Baptiste Fressoz, Seuil, 2012) est l’histoire d’un changement : comment le progrès est entré dans notre société. Comme dans le film la Conquête de l’Ouest, l’histoire est racontée en quelques épisodes marquants : l’inoculation de la petite vérole, la vaccination, l’avènement de la Chimie, le gaz d’éclairage, et la chaudière. Dans cette affaire, les Indiens nous ressemblent étrangement. Ils ont une conscience environnementale étonnamment proche de la nôtre, pour commencer. L’Ancien régime pense en effet que le « climat », une forme d’écosystème, conditionne la nature humaine. Sa police a donc pour rôle de maintenir un statu quo fondé sur l’expérience accumulée par l’espèce humaine depuis les siècles des siècles. Ce mécanisme de régulation de « bien commun » est similaire à celui qui a valu le prix Nobel à Elinor Ostrom… Et ces gens ont peur du progrès. Et ils ont raison. Il a fallu beaucoup de temps et de drames pour mettre au point toutes ces innovations. Les chaudières explosaient, de même que les gazomètres, et le gaz d’éclairage (tiré du charbon) émettait, entre autres, du monoxyde de carbone. L’acide sulfurique détruit tout sur son passage. Et les usines sont implantées en pleine ville. Les faibles ont fait les frais de l’expérience, à l’image des enfants trouvés qui servent de cobayes humains à la mise au point de la vaccination. Pourquoi le progrès a-t-il gagné ? Peut-être parce que ses promoteurs étaient, comme les héros de l’Ouest, extraordinairement déterminés. S’ils n’entrent pas par la porte, ils passent par la fenêtre. Leur aventure est celle de la lutte de l’individu contre la société. Entre leurs mains, la science est un formidable moyen de manipulation. Elle leur donne d’abord le pouvoir, c’est peut-être le plus important. Ils construisent une administration qui va uniformiser et centraliser le pays, en dépossédant notables et régionalismes. Cette administration scientifique édicte des normes, supposées rendre inoffensive la technologie. Mais, toutes les tentatives pour convaincre le peuple par des équations sont insatisfaisantes. (On notera au passage une démonstration mathématique de l’innocuité des gazomètres par l’élite scientifique de l’époque, qui ressemble étrangement à celle qu’a subie l’énergie nucléaire.) Ils vont, finalement, acheter ce qui s’oppose à eux. En dédommageant les riverains de leurs usines, en embauchant ceux dont ils détruisent les terres et la vie, mais surtout par l’assurance. L’assurance transforme les risques que fait courir l’entrepreneur en un coût prévisible. De ce fait, son avenir l’est aussi.