Entzheim-Roissy

La SNCF remporte une nouvelle «victoire» sur l’avion.
En novembre, Air France fermera la ligne Strasbourg-Roissy, victime de la concurrence frontale du TGV Est. Mais les vols à destinations d’Orly seront maintenus, décision qui justifiera tôt ou tard une explication de texte : en effet, les Strasbourgeois qui choisissent Orly ne continuent pas leur voyage vers une destination plus lointaine mais, tout au contraire, visent la capitale.
Quoi qu’il en soit, Air France proposera quatre départs quotidiens …en train de Strasbourg vers CDG, selon une formule inaugurée en son temps sur Bruxelles-Paris. Une manière de faire logique, sachant qu’il s’agit, qui plus est dans un contexte de crise, d’endiguer des pertes financières qu’aucune solution réaliste ne permettrait d’endiguer. Quoi qu’on puisse en dire, l’avion ne peut en aucun cas se justifier sur des distances aussi courtes, encore moins à partir du moment où il doit affronter le train à grande vitesse. A terme, la SNCF proposera d’ailleurs Strasbourg-Paris en une heure et cinquante minutes, ce qui mettra fin à toute discussion.
Dans ce contexte, certains commentaires retiennent l’attention et étonnent. Ainsi, les politiques, à commencer par les caciques de l’UMP-Nouveau Centre alsacien, souhaitent qu’Air France revienne sur sa décision, ce qui laisse supposer qu’ils ne lisent pas les journaux, pas même les pages saumon du Figaro. Le maire de la ville estime pour sa part que la compagnie aérienne ne tient pas compte de la spécificité de Strasbourg. Autrement dit du statut particulier que qui confèrent les sièges du Conseil de l’Europe et du parlement européen.
Cette double prise de position est instructive. Elle confirme, si besoin est, qu’Air France ne s’est toujours pas débarrassée de son image de compagnie nationale, investie d’un rôle non-dit de service public, au mépris de règles économiques et financières tout à fait élémentaires. De là à imaginer une subvention, il n’y aurait plus qu’un petit pas à franchir, hypothèse que personne ne se risquerait évidemment à avancer, d’autant que Michael O’Leary, patron de Ryanair, risquerait de s’en étouffer de joie.
Au-delà de la mission de service public qui fait désormais partie du passé, la difficile cohabitation entre Air France et la SNCF illustre la pérennité d’une erreur historique. Les deux modes de transport sont complémentaires et c’est à tort qu’ils sont systématiquement présentés comme concurrents depuis l’invention du TGV. A chaque fois que le monopole de fait d’Air France sur le réseau intérieur a été critiqué, voire dénoncé, les dirigeants successifs de la compagnie aérienne ont réagi avec fermeté : «non, nous ne bénéficions pas d’un monopole, nous sommes en concurrence avec le TGV». Ce qui est loin d’être fondé, d’autant que l’acteur ferroviaire aligne exclusivement de «très gros porteurs», c’est-à-dire des trains d’une capacité de 750 à 1.500 places évidemment incompatibles avec de petits flux de trafic ou encore la multiplication des fréquences. Seul l’axe nord-sud Paris-Lyon-Marseille correspond à cette définition.
Il y a plusieurs décennies, Umberto Nordio, alors président d’Alitalia, avait décontenancé une assemblée de spécialistes des transports intra-européens en affirmant le premier que l’avenir était au ferroviaire. Un véritable sacrilège, une faute de goût, une erreur de stratégie de la part d’un homme de l’aérien ! Depuis lors, cette constatation a été reprise par d’autres et son bien-fondé a été largement démontré.
On constate aujourd’hui que le pôle régional d’Air France est précipité au cœur des graves difficultés financières de la compagnie. Le cas de Strasbourg-CDG n’est qu’une goutte d’eau dans un océan de problèmes qui fragilisent dangereusement le pavillon aérien français. N’en déplaise aux premiers concernés, Strasbourg est une ville de 270.000 habitants seulement qui sera bientôt à moins de 2 heures de TGV de Paris. Deux heures de centre à centre. Il n’y a pas là matière à débat.
Pierre Sparaco - AeroMorning