Pourquoi les travailleurs à l’ombre de nos prisons ?

Les grands enjeux politiques du printemps 2012 sont derrière nous. Les français ont tranché et ces derniers profitent maintenant de la pause estivale. Ce temps béni des vacances ne me fait pas oublier mes fondamentaux. Parler de nos prisons, en France, où les problèmes des conditions de détention n’ont toujours pas trouvé de solution.

Si nos sportifs peinent souvent à porter nos couleurs nationales au zénith, je souhaite ici m’inscrire en faux et rassurer mes compatriotes quand à la capacité de la France à battre des records !

Le 1^er juillet 2012, la population carcérale de nos prisons a atteint un nouveau record historique avec quelques 67.373 personnes incarcérées. La surpopulation pointe à quelque 117% sur l’ensemble du territoire avec de très nombreuses disparités (NDRL : en Nouvelle Calédonie certains établissements ont une surpopulation de 200%).

25% des détenus sont en attente de jugement quand moins de 20% d’entres-eux bénéficient d’une mesure d’aménagement de peine (semi-liberté ou bracelet électronique). Une conséquence directe de l’explosion de la délinquance fait que les mineurs incarcérés n’ont jamais été aussi nombreux avec 810 détenus.

En pleine crise économique et l’avalanche annoncée de plans sociaux dans notre pays, nos medias omettent souvent de parler des ravages qui en résultent dans nos prisons. Les ateliers existants éprouvent de plus en plus de difficultés à décrocher des contrats et à faire travailler les détenus qui sont pourtant de plus en plus demandeurs.

Si les mauvais esprits ne cessent jamais de dire et de laisser dire que la prison demeure le paradis de l’oisiveté, il est important de rappeler que le travail derrière les barreaux n’a pas seulement pour vocation de « passer le temps ». Outre le seul aspect de la réinsertion, cette activité permet à nombre de détenus d’apprendre un métier, de se confronter aux devoirs de n’importe quel autre travailleur et de percevoir un salaire –inférieur au smic national- leur permettant de cantiner ou de se faire un petit pécule de sortie.

Pour en juger je vous invite à regarder les webdocumentaire proposé par l’Express depuis avril 2012 : « Les ouvriers de l’ombre, quand la prison se met au travail ».

Les travailleurs de l’ombre ce n’est pas seulement les détenus. C’est aussi l’armée de correspondants et de visiteurs de prison qui assurent un travail essentiel de liaison avec l’extérieur. Anodin en surface, cette mission revêt un caractère déterminant quand on a conscience que la prison est un vecteur et un reflet de l’exclusion sociale de notre société.

Les travailleurs de l’ombre c’est aussi les bénévoles des associations de défense ou d’entraide de détenus. Parmi elles, l’Observatoire International des Prisons où Etienne Noël vient de succéder à Florence Aubenas au secrétariat général. Banquier repenti, cet avocat passionné de droit des détenus s’acharne à dénoncer l’omerta de la France pour son non respect des recommandations européennes et ses atteintes au principe de la dignité humaine. Il n’est guère apprécié dans les couloirs de l’Administration Pénitentiaire…

A 53 ans, il se targue d’avoir fait condamner tous les ministres de la Justice de droite comme de gauche depuis 1999 ! Il rappelle qu’à ce jour la France est visée par une centaine de plaintes pour mauvaises conditions de détention.  Son interview est disponible en cliquant ici.

Enfin, les travailleurs de l’ombre c’est aussi ceux comme Ban Public qui tiennent à se faire les comptables des « morts de l’ombre ». Depuis le 1^er janvier 2012 : 47 détenus ont mis fin à leurs jours au sein de nos prisons.

Le travail continue….ou commence seulement !

A la manière de Jean Grenier : « Prison: seul endroit où le travail intellectuel soit possible - et même efficace. Les révolutions lui doivent le jour, d'après Lénine ».