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"Des étoiles sur mes chemins" de Gilberte Favre

Publié le 28 juillet 2012 par Francisrichard @francisrichard

Comment prendre réellement congé de quelqu'un qui a disparu et qu'on n'a pas vraiment connu de son vivant? En partant à la recherche de son passé, en faisant un énorme travail de mémoire. Dans son dernier livre c'est à cet exercice que se livre Gilberte Favre.

Le disparu est son père, ce taiseux, qui, certes, lui a appris à écouter le silence et à regarder les étoiles, mais qu'il lui a fallu découvrir rétrospectivement, pour achever de faire son deuil.

Cette recherche n'a pas été pas sans danger. Elle a réveillé inévitablement d'autres souvenirs qui parfois se sont avérés douloureux. Pour parvenir à les surmonter il lui a été nécessaire d'éclairer ses chemins à la lumière d'autres étoiles que celles qui se trouvent dans le ciel.

Ainsi Gilberte, prénom proustien, a-t-elle dû faire resurgir les souvenirs de sa mère, "retombée en enfance" avant la fin; de l'unique Amour-Osmose de sa vie, Nourredine, mangé par le Crabe; de son "frère", cette Ombre Maléfique, qui a obtenu de leur père qu'il coupe les ponts avec elle et les siens, dont son unique petit-fils, pendant des décennies.

Dès le plus jeune âge, Gilberte a rejeté le monde des "grandes personnes" qui exige trop de compromissions. Elle a trouvé refuge dans la lecture et dans l'écriture des mots, dont elle associe volontiers sens et sonorités:

"Pouvoir les écrire comme ils viennent, à la fois doux et lancinants, au moment précis où ils surgissent. Et peu importe qu'ils soient porteurs d'espérance ou de malheur. Les écrire absolument."

Plus tard, nomade dans l'âme, elle a parcouru la planète:

"Si je voulais écouter, sentir - par les pieds les mains ma peau mes oreilles et mes narines - toutes les vibrations du Monde, il me fallait partir et longtemps, pieds nus dans les steppes et les déserts."

Apatride en esprit, elle a rencontré le plus grand nombre possible de ses frères humains répartis sur la planète, survivants de guerres et de famines, de tortures et de camps, et elle s'est rendu compte qu'elle pouvait aimer de parfaits inconnus, sans doute parce qu'à quinze ans à peine elle s'était juré d'être du côté des plus faibles et des sans-voix.

Gilberte a entrevu beaucoup de visages sur ses chemins. Mais elle a aussi fait d'autres rencontres qui ont compté encore davantage pour elle, comme celle de son Père-Poète, Maurice Chappaz, d'Andrée Chedid, d'Eleni Kazantzaki ou de Ghassan Tueni.

Il ne lui restait plus qu'à retrouver le temps de son père qui n'avait été pour elle ni autoritaire ni protecteur, qui avait toujours eu de la peine à lire et n'avait lu aucun de ses livres, qui était un grand travailleur et connaissait les noms des montagnes et des ruisseaux, moins redoutables pour lui que les lacs ou les mers.

En retraçant les itinéraires et les étapes de la vie de ce père, ex-petit berger - plus souvent à l'étable ou à la pâture qu'à l'école -, devenu chef d'équipe sur des chantiers, qui pensait "que la "vraie vie" et la Vérité étaient dans le Ciel et dans la Nature plus que dans les livres", Gilberte a déchiffré le mystère d'un "orphelin inconsolable", qu'aucune ombre maléfique ne pourra plus lui occulter.

Francis Richard

Des étoiles sur mes chemins, Gilberte Favre, 216 pages, L'Aire ici


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