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L’ode au noble art

Publié le 27 juillet 2012 par Oz

Si l’on ne se fiait qu’aux apparences, on pourrait croire que la boxe est un sport qui se pratique avec les poings. On aurait tort : après avoir vu mercredi soir sur France 4 le documentaire consacré au « Boxing Beats Aubervilliers », le club de boxe de la ville, on sait que ce qui compte dans le noble art, ce sont les mots.

Des mots que l’on peut certes se prendre dans le menton comme un uppercut. Des mots qui peuvent vous laisser un peu groggy et pour de bon dans les cordes. Ailleurs ils pourraient sembler désuets et galvaudés. Ici en tout cas, sur le ring, autour du ring, ils prennent tout leur sens. Ces mots disent le respect, ils disent la considération. Ils parlent aussi de travail, de dépassement de soi, de douleur, de leçon de vie. Ils racontent des amitiés solides, des grands moments de joie, des sentiments exacerbés par les combats et des destins à part. Des paroles qui frappent fort, toujours, qui frappent juste. Entre les murs de l’ancienne usine où le club d’Aubervilliers a trouvé refuge, résonnent les voix de Saïd et Ramzy, les deux entraîneurs maîtres des lieux.

Galerie de portraits avec gants. Pour boxer à Aubervilliers, Leïla, 29 ans, s’impose des horaires impossibles, alors qu’elle vit à Chartres, travaille à Rambouillet et élève seule son fils. Karim conduit le 182 à Ivry-sur-Seine et boxe depuis l’âge de 16 ans. La boxe, dit-il, l’a canalisé. Zara n’oublie pas que Saïd lui a donné des leçons gratuites de boxe quand elle ne pouvait pas les payer et souhaite témoigner de sa gratitude en réalisant une bonne saison. Mickael, 30 ans, est pompier, Cyrille est pâtissier. Il y a encore une apprentie journaliste, une auxiliaire de puériculture et une diplômée de Sciences Po, la championne du monde 2008 Sarah Ourahmoune.

Chacun a ses raisons de monter sur le ring. Avant le combat, Saïd et Ramzy s’emploient, eux, à choisir les gestes et les derniers verbes que le boxeur emportera avec lui entre les cordes. A l’un, il faut savoir remonter le moral ; de l’autre, tempérer le trop d’énergie. Echauffer l’esprit autant que les muscles, car l’assaut est aussi un match d’échecs. C’est dans ces échanges ultimes que se construisent les victoires ou que se dessinent les défaites.

Pour les deux entraîneurs d’Aubervilliers, la boxe est avant tout une philosophie, un art de vivre, presque. Un garde-fou encore, contre les dérives qui peuvent guetter les enfants des cités voisines. Aussi, dans la salle de la rue Lecuyer, à Aubervilliers, la discipline n’est-elle pas un vain mot. Que les boxeurs s’avisent de manquer un entraînement, que des rumeurs de bagarre de rue reviennent à ses oreilles, et Saïd sait trouver les formules qui frappent. « Ceux qui ne sont pas capables de supporter l’entraînement et de respecter les consignes se sont trompés de sport. » En boxe, c’est tout un art aussi que de savoir ne pas prendre de gants.

Olivier Zilbertin

(article paru dans Le Monde daté du  27 juillet)


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