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Le SecretPhilipe Sollers

Par Eric Mccomber
Le SecretPhilipe Sollers
À l'époque de mes amours avec la douce Patronne, nous passions souvent des heures à fureter dans les bouquins qui apparaissaient plusieurs fois par semaine sur les trottoirs et parkings de l'Uzège. J'y ai ramassé pas mal de cacas dont il est regrettable qu'ils aient coûté la vie à des arbres en parfaite santé qui n'avaient fait de mal à personne. Mais j'y ai également mis la main sur des petits bijoux, dont trois éditions somptueuses de romans de Flaubert, non moins opulents.
Dans le lot traînaient une demi-douzaine de Sollers, auteur avec lequel j'entretiens une drôle de relation de lecteur comblé/frustré. Son narrateur se lève, se rase, prend un café, hume l'air qui tressaille entre les branches des haies du jardin au gravier duquel les pas crissent en rythme… et je suis au nirvana littéraire. La page suivante, il me tartine un pouce d'épais sa connaissance hyper approximative et souvent totalement superficielle de la langue anglaise, me donne des leçons qu'il aurait mieux fait d'apprendre lui-même, et là, il m'énerve et son bouquin se ramasse sous une pile de magazines Ikea.
Le Secret m'a fait vivre de nombreux petits moments parfaits dans le registre du rapport parfois très érotique qui lie la plume et l'œil. C'est pétri de petits instants délicieux, mais également, pour ceux qui comme votre serviteur se sont tapés les Antony Sutton, Guy Debord et autres Caroll Quigley, il est toujours rassérénant de voir quelqu'un d'intelligent prendre les choses telles qu'elles sont et nommer la chatte par son petit nom.
Pour quelques jours, je conserve ce bouquin sur mon bureau et je compte vous en citer des petits bouts, de temps en temps, jusqu'à ce que je m'en fatigue. Très souvent, une grande proportion des bouquins de Sollers est consacrée à des citations, justement, à du recollage, et ça en vexe pas mal, sauf que moi, ça me plaît, et puis je citerai donc souvent de la citation citée et c'est comme ça, basta, et puis, si un jour ce directeur de Gallimard lit ce billet, y va certainement se dire — et en quelque sorte il aura raison — que je ne sais pas équilibrer une phrase.
Donc, Kafka, cité par Sollers (Le Secret, p.216) :
Les êtres perpétuellement méfiants sont ceux qui supposent qu'à côté de la grande imposture originelle, on a encore arrangé exprès pour eux une petite imposture spéciale réservée à chaque cas ; que, donc, quand on joue un drame d'amour sur scène, l'actrice, en plus du sourire mensonger qu'elle adresse à son amant, réserve encore un sourire particulièrement perfide à tel spectateur déterminé de la dernière galerie. Orgueil idiot.
© Éric McComber

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