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Frontières dans la couche physique du cyberespace

Publié le 30 juillet 2012 par Egea

Poursuivant mes travaux sur la géopolitique d’Internet, je me pose la question de sa géographie. Ainsi, le cyberespace est territorialisé, et tout d’abord dans sa couche physique.

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En effet, le cyberespace dépend des infrastructures qui le supportent (réseaux de transit, serveurs, datacenters, etc.) qui se situent dans des espaces nationaux. La carte des câbles sous-marins transportant Internet l’illustre : le lecteur y observe en effet la présence de « routes ». On appelle ces routes des « dorsales Internet » car ce sont de véritables autoroutes à haut-débit.

Évoquons Internet : celui-ci est constitué de 5000 réseaux. L’internaute standard (vous, moi) n’accède pas directement à ces réseaux : il passe en effet par un fournisseur d’accès à Internet (FAI) qui est capable, lui, de communiquer directement à ces réseaux mondiaux. Pour cela, il utilise des Points d’accès au réseau (Network access points, ou NAP, aussi appelés Internet exchange points, IXP). Il s’agit de locaux techniques où les opérateurs s’entendent pour interconnecter leurs réseaux . Leurs emplacements sont d’importance cruciale et les États ne peuvent pas s’en désintéresser. Il y a dès lors une possibilité théorique de couper Internet en fermant ces NAPs.

Par exemple, au moment de la révolte égyptienne au printemps 2011, les autorités du Caire décidèrent de fermer les dits sites. Toutefois, on peut relativiser la mesure. En effet, d’une part Égypte est un régime autoritaire où des coups de téléphones donnés à des opérateurs privés suffisent ; d’autre part, le pays ne disposait que de quatre FAI, ce qui permet d’obtenir une efficacité immédiate : ces deux conditions limitent toutefois l’efficacité de la mesure, surtout avec l’augmentation du maillage Internet : le fonctionnement décentralisé du réseau permet de rétablir rapidement le système. Des initiatives nombreuses ont permis de contourner ce blocage, notamment par des accès via des modems téléphoniques, ou grâce à des relais satellites.

Ainsi, un « territoire » est recouvert d’un maillage de liens : ces liens « sortent » du territoire soit par voie terrestre, soit par voie maritime. Les connexions transfrontalières constituent une doublure de la frontière physique : à ce titre, elle est sous la souveraineté de l’Etat résident sur le territoire en question. Mais comme pour les frontières physiques, l’étanchéité n’est pas absolue, pour plusieurs raisons : tout d’abord à cause de la multiplication des ponts franchissant les frontières, ensuite pas suite de l’augmentation du trafic, enfin parce qu’il y a des possibilités de contournement, par voie hertzienne, proches du sol ou via l’espace : il reste que dans ces derniers cas, les ondes ont besoin d’émetteurs, de relais et de récepteurs qui sont eux-mêmes autant d’infrastructures physiques pouvant intéresser les États.

Le président américain Barack Obama décrit par exemple l’infrastructure numérique comme un « bien stratégique national ».

Tirons en quelques conclusions partielles :

  • Les infrastructures physiques reposent sur des territoires, qui dépendent pour la plupart de la souveraineté d’États.
  • Ceux-ci ont donc la potentialité de contrôler les frontières du cyberterritoire qui correspond à leur territoire physique.
  • Toutefois, ce contrôle est difficile, et surtout ne peut être absolument étanche car de multiples possibilités de contournement existent.
  • En effet, le cyberespace est globalement résilient et localement vulnérable : ces notions de résilience et de vulnérabilité touchent à la fois à la dimension spatiale et à la dimension temporelle.
  • Un État peut contrôler temporairement ses frontières, mais il ne peut instaurer un blocus durable de l’accès à ses réseaux.

O. Kempf


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