source: Toile
Chronique de la connerie administrative ordinaire ( là c'est moi qui cause)
Une lectrice éducatrice m'envoie ça...
"Conseil général de France et de Navarre, ou de Haute-Garonne. Vendredi 15 heurs. Une famille se présente. Un père avec ses trois enfants, de six à quinze ans. Le père rencontre une assistante sociale, l'ainée des enfants, une éducatrice; le travail est bien réparti.
L'histoire: La famille est d'origine togolaise et a vécu ces six dernières années en Italie. Le père est au chômage depuis trois ans et les difficultés financières s'accumulent; des dettes conduisent à l'expulsion du domicile. La famille décide alors de se séparer, la mère retourne au pays d'origine avec le dernier enfant. Le père prend ses trois autres enfants par le bras et arrive en France où habite son père. Il croit en la solidarité familiale. Malheureusement, les liens du sang ne sont pas toujours vecteurs d'amour. Le grand-père est maltraitant, humiliant et n'accepte pas cette famille. Le père s'en remet alors aux services sociaux, pressentant le danger pour ses enfants. Il demande aide et protection. L'ainée est effondrée, épuisée, dans une angoisse extrême de l'avenir immédiat. Elle aime son père, le décrit comme un brave homme, courageux, animé par l'amour pour ses enfants. Elle crie à l'injustice, le chômage, la crise, la malchance...
Les entretiens sont longs, difficiles, empreints d'émotions, de pleurs, de peurs. Face à la situation d'urgence, les travailleurs sociaux contactent un centre d'accueil pour enfants. Chance inouïe, trois places sont libres; la fratrie ne sera pas séparée! Pas de solution immédiate pour le père. Celui-ci comprend très bien la situation et se montre apaisé et rassurant. L'important est la protection, la mise à l'abri de ses enfants.
Afin de valider l'accueil des enfants, un accord d'un responsable de l'aide sociale à l'enfance est nécessaire. La réponse est négative au motif que les enfants ne sont pas en danger avec leur père! Trois nuits sont généreusement offertes! Un rapport plus étoffé sera nécessaire lundi matin! La notification d'une avance financière pour les frais d'hôtel et de subsistance arrive à 15h45. La paierie ferme à 16 heures. La famille a donc 15 minutes pour s'y rendre, sachant qu'elle vient d'arriver en France, ne s'oriente pas correctement, et qu'il est matériellement impossible d'arriver dans les temps.
La famille part en catastrophe, remerciant chaleureusement les travailleurs médicaux-sociaux qui, eux, sont atterrés! Ils vont passer le week-end dans la rue, sans argent, sans ressources aucune, mais ils ne le savent pas encore. Ils ont l'espoir...
Un conseil: La prochaine fois, battez vos enfants!...Et de préférence le lundi matin plutôt que le vendredi après-midi.
Bonnes vacances quand même!"
Etienne Liébig
Ce texte a été publié dans le numéro 1071-1072 de la revue: LIEN SOCIAL