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étonnante, selon notre frétillant ministre du redressement de torts
productif (on aimerait d’ailleurs qu’il s’occupe un peu plus du redressement
productif que de faire le cador indigné devant les caméras), le Stif (Syndicat
des transports d’Ile-de-France), aurait décidé de
« reconsidérer » l'appel d'offres pour le support
téléphonique de la délivrance et de la gestion de la carte "Solidarité
Transports".
Pourtant, aux dire de Jean-Paul Huchon lui-même (président du Stif et de la
région Ile-de-France), cet appel d’offres s’est déroulé dans le strict respect
des règles imposées par le très précis et très rigoureux code des marchés
publics !
Tout le monde connait la raison de cette volte face, certes la proposition
retenue était sensiblement la moins couteuse mais le centre d’appel retenu est
localisé au Maroc et non pas dans une de nos bonne ville française
contrairement à celui de l’actuel prestataire. Ceci expliquant cela.
Et qu’un organisme, présidé par un socialiste, et sous la gouvernance de
socialistes, donne son aval à la délocalisation de 80 emplois est évidemment
politiquement inacceptable. Les pressions qui ont pesé sur ce pauvre Huchon
pour qu’il se dédise et remette en cause les résultats d’une procédure pourtant
tout à fait légale, ont du être terribles.
Si elle se confirme, cette décision pose plusieurs questions.
Je ne suis pas un spécialiste des marchés publics mais il me semble que,
d’un point de vue juridique, revenir unilatéralement sur les résultats d’un
appel d’offre qui n’est pas entaché d’un vice de forme est pour le moins
discutable. Que la région Ile de France, sous la pression des plus hautes
instances de l’Etat, se permette de revenir sur un résultat d’appel d’offre sur
la base de motivations purement politiques, me parait guère respectueux de ce
que doivent être les bonnes pratiques d’un Etat de droit digne de ce
nom.
De plus, même si on peut comprendre l’argument consistant à dire que d’une
certaine manière les jeux étaient pipés si on ne fait que comparer les offres
financières, l’analyse d’un appel d’offre ne se fait évidemment pas sur cet
unique critère. C’est le mieux-disant qui est théoriquement choisi et non pas
simplement le moins cher, d’autres éléments entrent en ligne de compte
notamment pour s’assurer de la qualité du service. De ce point de vue, la
compétition n’était pas inégale.
Et pour peu qu’un autre appel d’offre puisse être lancé, et sauf à ce que
les concurrents malheureux améliorent sensiblement leur offre, ce dont on
serait en droit de s'étonner, je ne vois pas comment le Stif pourra justifier
de faire un autre choix, que son choix initial.
Enfin, cette histoire pose exactement les mêmes questions que pour les
centres d’appel des opérateurs téléphoniques. Pour ceux-là, Montebourg, faute
de pouvoir imposer aux entreprises privées d’utiliser les services de centres
implantés en France, propose de facturer aux consommateurs le cout
supplémentaire lié à leur implantation en France.
On comprend bien que la solution ne peut pas être là. Certes sur des
services à faible valeur ajoutée et donc à faible qualification, on peut se
permettre de renchérir le cout de la prestation, mais ce ne peut pas être, à
l’évidence, la solution aux délocalisations.
C’est là aussi mettre un cautère sur une jambe de bois pour faire croire qu’on
l’a soignée. Montebourg va t'il imposer à chaque ménage, en échange d’une
production française, d'acheter son quota de Renault ou Peugeot, à 1 000 euros
plus cher ?...peu probable !
Et comme le dit très bien le Faucon dans son
billet sur ce sujet, « ça m’intéresse moyen de voir de l’emploi
peu qualifié relocalisé en France, surtout si c'est pour donner au final un
service plus cher et de moindre qualité pour le consommateur ».
Dans le cas du Stif, qui supportera le surcout si une autre société est
choisie ?... eh bien, c’est le Stif, donc grosso-modo la région, donc les
contribuables qui n'ont pas leur mot à dire.
Si à l’arrivée on arrive à sauver 80 emplois, on ne pourra que s’en réjouir,
mais ce ne sera en définitive qu’un coup politique qui n’aura fondamentalement
rien réglé et qui ne devra son relatif succès qu’au prix d’un joyeux bafouage
des principes fondamentaux qui régissent le code des marchés publics et qui
doivent permettre « (…) d'assurer l'efficacité de la commande publique
et la bonne utilisation des deniers publics. » ou encore la
« liberté d'accès à la commande publique et l'égalité de traitement
des candidats » (Article
1).
Alors, que l’on fasse évoluer le code des marchés publics, pour y introduire, avec tact et intelligence, des clauses qui ne contrarient pas trop Bruxelles et qui permettent de prendre en compte des critères « sociaux » et « environnementaux » pourquoi pas, mais en attendant, évitons les coups politiques qui discréditent les règles de fonctionnement de nos établissements publics et qui n’ont comme objectif que de faire croire que l’Etat est tout puissant et qu’il règlera tous nos problèmes !