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Temps de la stratégie et cyberespace

Publié le 04 août 2012 par Egea

Voici quelques réflexions sur le facteur temporel dans le cyberespace : je me suis d’abord aperçu que ce "temps" était finalement assez ignoré dans les considérations stratégiques classiques. Du coup, ce petit travail passe par identification de couples temporels, et tente de les adapter au cyberespace. Je vous sais gré de vos commentaires nombreux, instructifs et enseignants, car j'avance à tâtons.

Temps de la stratégie et cyberespace
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Rapidité et durée

La première distinction classique fait le départ entre la rapidité et la durée : En effet, une action peut-être plus ou moins lente ou rapide : en qualifiant sa vitesse, on mesure le rapport d’une évolution au temps. Ce qui compte est donc non seulement le résultat brut, mais aussi le temps pendant lequel cette vitesse s’inscrit : autrement dit, sa durée. Pour le stratège, la vitesse n’est pas forcément un but en soi : à égale intensité d’effort (qui mesure le rapport entre les forces mobilisées et l’effort obtenu), la durée l’intéresse beaucoup plus.

Au fond, la distinction entre vitesse et durée correspond à deux intentions stratégiques : la première est fondée sur une stratégie de rupture, quand la seconde est fondée sur une stratégie d’usure. Pour le stratège, il doit choisir sa stratégie en fonction d’un autre paramètre : celui de l’opacité de son action. En effet, une attaque répétée continument risque plus d’être décelée qu’une attaque fugace. Cependant une attaque fugace, mais mobilisant beaucoup de moyens, sera plus décelable qu’une attaque pernicieuse mais discrète.

Cycle et tempo.

C’est d’ailleurs parce que la vitesse en tant que telle n’était pas le plus important que John Boyd a proposé son concept de boucle OODA. Pour lui, le plus important, en effet, ne réside pas dans l’identification de la boucle de décision mais dans l’augmentation du cycle de production de cette boucle. Autrement dit, plus vite on réalisait cette boucle, plus on pouvait prendre l’avantage sur l’adversaire. Un des moyens pour améliorer ce rythme résidait d’ailleurs dans l’utilisation de technologies de l’information : autrement dit, pour beaucoup, les technologies cybernétiques constituèrent le moyen d’améliorer la vitesse de répétition de la boucle OODA, ce qu’on pourrait appeler le tempo.

Conservons cette notion de tempo pour l’élargir : le tempo serait alors l’intensité avec laquelle on utilise ses forces pendant un temps de la manœuvre. Elle part de l’idée qu’une force peut mobiliser temporairement ses capacités pour obtenir un surcroît d’efficacité. Cette mobilisation (ce tempo) est lié à plusieurs facteurs, qui peuvent intervenir dans le cyberespace : la qualité du chef, l’organisation des forces, leur moral.

Rythme et arythmie

Pourtant, l’idée de répétition ne paraît pas pertinente d’un point de vue stratégique, conformément au paradoxe décrit par Luttwak . En effet, toute répétition est prévisible, donc anticipable par l’adversaire qui va pouvoir l’insérer dans ses calculs pour tenter de la déjouer. Le stratège cherchera donc à créer de l’incertain sur sa manœuvre. Pour cela, au lieu de privilégier le rythme, il cherchera des arythmies.

Il s’agit alors de créer un effet de surprise chez l’adversaire. Souvent, cette surprise est comprise dans la dimension de l’espace (attaquer au « point faible » de l’ennemi) ou des forces (utiliser telle arme secrète, lancer tel corps de cavalerie au moment où on ne l’attend pas) mais elle peut aussi être temporelle. Ainsi, tester régulièrement un dispositif de sécurité informatique, puis cesser pendant une période assez longue afin d’endormir les méfiances avant de lancer une attaque brusque constitue une manœuvre du temps stratégique adaptable au cyberespace.

Réf : Edward Luttwak, « Le Grand livre de la stratégie », Odile Jacob, 2002, chapitre 1.

O. Kempf


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