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Législateur subtil

Publié le 05 août 2012 par Malesherbes

Le 3 mars 2011, François Fillon annonça la suppression du bouclier fiscal et un allègement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune. La date limite de déclaration de l’ISF, fixée d’ordinaire au 15 juin, fut repoussée dans l’attente  de la validation de la loi rectificative par le Conseil constitutionnel. Celle-ci intervint le 28 juillet et l’ISF fut exigible le 30 septembre. Mais, peut-être par crainte d’une censure par le Conseil constitutionnel, la loi rectificative avait stipulé que les nouvelles dispositions ne s’appliqueraient qu’à partir de 2012.

Il était en effet singulier, avec la dette toujours aussi importante de notre pays, de diminuer sensiblement les rentrées fiscales. Cette réforme avait aussi un parfum électoraliste assez prononcé : l’élévation de 800 000 à 1 300 000 euros du plancher à partir duquel l’ISF était dû conduisait à exonérer d’ISF la moitié des assujettis et la suppression du bouclier fiscal pouvait satisfaire les contribuables qui le considéraient comme un cadeau fait aux plus fortunés, deux éléments propres à séduire la classe moyenne. Tandis que l’abaissement des taux venait en fait compenser et, le plus souvent, bien au-delà, la disparition du bouclier fiscal, flattant ainsi la partie la plus aisée de la population.

Cet épisode illustre la sensibilité de nombreux Français aux effets d’annonce. Les mesures annoncées début 2011 ne sont entrées en application que le 15 juin 2012, c’est-à-dire après la défaite de la majorité UMP. Nicolas Sarkozy s’était ainsi posé en défenseur de la classe moyenne. Quant aux assujettis à l’ISF, ils ressentent maintenant la contribution exceptionnelle qu’ils devront acquitter le 15 novembre 2012 comme un mauvais coup du pouvoir socialiste. Alors que, en réalité, à l’exception du cas des quelque 15 000 contribuables bénéficiant jusqu’ici du bouclier fiscal, l’ISF dû en 2012 sera, sauf variation sensible du patrimoine, du même ordre de grandeur que celui versé en 2011.

Il semble que le législateur ait craint de se voir censuré par le Conseil constitutionnel pour tenter de modifier, avec effet rétroactif, un impôt déjà acquitté. Il a alors recouru à ce qui me semble un subterfuge. La loi rectificative institue une contribution exceptionnelle sur le patrimoine, calculée comme l’a été l’ISF en 2011. Cette contribution est à régler le 15 novembre 2012, l’ISF réglé en juin venant en déduction du montant à verser. On peut avoir ainsi l’illusion que, plutôt que de devoir payer un supplément à un impôt déjà acquitté, on bénéficie d’une réduction opérée sur un nouvel impôt. Si cette astuce abuse nos sages, je doute qu’elle convainque les contribuables.


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