Nous ne sommes plus en 1923

Publié le 06 août 2012 par Edelit @TransacEDHEC

On sous-estime le traumatisme que fut l’hyperinflation de la république de Weimar pour les allemands. Celui-ci a permis au pays de contrôler au mieux les prix depuis la fin de la guerre. Mais il est plus que souhaitable que la Bundesbank admette que nous vivons une période de faible croissance – faible inflation.

De fait, la position de la banque centrale allemande semble bien isolée au sein du conseil de la BCE. Le rigorisme prôné par Jens Weidamann semble sorti d’un autre siècle. Il n’est en tout cas plus adapté à la situation actuelle de la zone euro.

Alors que l’Espagne a mis en place une rigueur sans précédent, dont les montant cumulés approchent les 100 milliards d’euros, ses taux d’emprunt ne cessent d’augmenter. Les interventions de la BCE n’ont pas suffit à endiguer cette hausse. La baisse de taux directeurs et les LTRO n’ont eu que des effets indirects et limités sur les émissions de dette des pays de la « périphérie » de la zone euro. On pourrait d’ailleurs commencer à parler des zones euros, tant les écarts de coût de la dette entre les pays méditerranéens et continentaux sont  élevés. De même, les déclarations encourageantes de Mario Draghi ne vont pas suffire longtemps à se substituer à une véritable action qui « sera suffisante » comme disait l’intéressé.

La situation actuelle n’est pas tenable, et l’ensemble des acteurs le sait. La seule alternative crédible à une sortie de la Grèce, voire à un éclatement la zone euro est le rachat d’une partie de la dette publique par la BCE ou par le Mécanisme Européen de Stabilité. Mais pour que ce dernier puisse y procéder, il aura besoin d’une capacité de financement qui ne sera suffisante que s’il obtient une licence bancaire auprès… de la BCE. Ce qui revient donc plus ou moins au même. Et c’est là que le bat blesse, car l’Allemagne s’oppose catégoriquement à la monétisation de la dette par la BCE. Et cela parce qu’elle reste marquée par le traumatisme de l’hyperinflation post-1923.

Les Etats-Unis, hérauts du libéralisme économique décomplexé, sont pourtant bien plus souples dans la conduite de leur politique monétaire. La BCE a un champ d’action beaucoup plus contraint, dans la droite ligne de la politique de la « Buba » avant la création de l’Euro.

On ne saurait reprocher aux allemands de ne pas vouloir payer pour la mauvaise gestion des autres pays, ce serait injuste. Mais ce n’est pas ce qu’on leur demande. D’aucun rappellera que les quatre premiers pays ayant donné leur garantie aux créanciers pour les plans de sauvetage de la Grèce sont l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Autrement dit, si Grèce, l’Espagne ou pire encore, l’Italie font défaut, l’Allemagne, entre autre, paiera, et elle paiera cher. Et c’est précisément ce qui risque d’arriver si elle continue à faire obstacle à des actions plus « massives » de la BCE.

Il est temps que la Bundesbank se libère de ce carcan idéologique, qui ne fait qu’aggraver la crise dans laquelle s’enfonce la zone euro chaque jour un peu plus.

Il est souhaitable et nécessaire que les Etats reviennent à une gestion plus saine et équilibrée de leur finance! Mais ce n’est pas une rigueur à marche forcée qui va leur permettre de remettre leurs économies dans le sens de la marche à court terme. Ce n’est pas les 4.6 millions de chômeurs espagnols qui nous contrediront.

Les Etats de la zone euro sont privés du levier de la politique monétaire pour « assouplir » la conjoncture économique et la rigueur budgétaire leur retire le seul moyen d’action qu’ils leur restent. Dès lors si la BCE ne fait pas le nécessaire pour solder la crise, l’Europe va s’enfoncer dans un cycle de récession extrêmement dur, qui coutera des millions d’emplois et durera des années. Et l’Allemagne paiera, bien malgré elle, le prix de son enfermement idéologique.

La règle d’or est sans doute nécessaire. Le sérieux budgétaire doit devenir la norme mais on ne peut pas l’appliquer aveuglément et aussi brutalement en pleine récession. La rigueur devrait être contra-cyclique, c’est sans doute l’un des enseignements que l’on tirera de cette crise. A défaut de l’avoir appris de la crise des années 1930.

M.B