Compte tenu de la situation financière des entreprises françaises, il est tout à fait probable que, dans les mois qui viennent, soient amenés à se déclarer un peu partout des incendies qui vont détruire une bonne partie du capital productif du pays.
Par Charles Gave.
Publié en collaboration avec l'Institut des libertés.
Dans mon article précédent, je m’essayais à expliquer ce qui est une évidence dans le monde entier, sauf en Corée du Nord, à Cuba, au Venezuela et bien sûr en France. Mon propos était d’expliquer que croissance économique et emploi dépendaient d’un acteur qui s’appelait et s’appelle toujours l’entrepreneur et que si la rentabilité de ce personnage venait à baisser, la croissance ralentissait et le chômage augmentait un an après.
Je soulignais les points suivants :
- Structurellement, la marge brute d’autofinancement des sociétés produisant en France (échantillon fort différent des sociétés du CAC 40 qui ont compris il y a longtemps et sont sorties du territoire national) était à un plus bas historique depuis plus de vingt ans, passant de 31% du PNB en 1990 à moins de 24% aujourd’hui… (Source Insee)
- Cycliquement, l’économie française était en train de rentrer en récession, ce qui voulait dire que les dites sociétés allaient perdre au moins deux points de marge dans les 12 mois qui viennent, comme à chaque fois qu’une récession s’est produite.
- Politiquement, c’était le moment choisi par le nouveau Président et sa majorité pour augmenter massivement les charges sur les dites sociétés, ce qui allait faire baisser de deux points supplémentaires le taux de marge des dites sociétés. Augmenter les impôts sur les sociétés ou sur leurs clients au démarrage d’une récession, cela revient tout simplement à assécher le cash flow des sociétés françaises au moment où elles en ont le plus besoin. On a vu le succès de cette politique en Espagne récemment.
La combinaison de ces trois facteurs m’amenait à prévoir un scenario « espagnol » pour la France, c’est-à-dire à ce que l’économie de notre pays rentre dans ce qu’il est convenu d’appeler une dépression secondaire, un résultat classique des taux de change fixes ou de l’étalon-or.
En fait, tout mon pessimisme reposait sur une étude sans doute un peu trop rapide des flux entrant ou sortant des comptes d’exploitation de nos héroïques entrepreneurs français. Dans la réalité, les choses sont un peu plus compliquées…
Pour faire faillite, il faut être incapable de rembourser sa dette, c’est-à-dire qu’il faut avoir une dette. Quelqu’un qui n’a aucune dette ferme simplement boutique, ce qui n’entraîne aucune autre perte que celle du capital qu’il avait mis au début.
Je me suis donc posé la question suivante : quelle est la situation financière des entreprises françaises aujourd’hui ? Comme souvent, j’ai trouvé la réponse dans les statistiques publiées par l’Insee.
Les voici.
L’Insee publie chaque trimestre une statistique qui donne pour l’ensemble des entreprises françaises le ratio entre le total de leur endettement et la valeur ajoutée que ces sociétés créent. Depuis 1988, ce ratio était en moyenne aux alentours de 110, c’est-à-dire que les sociétés avaient un endettement légèrement supérieur à la valeur ajoutée qu’elles créaient.
Arrive la crise 2009.
Le chiffre d’affaires de nos sociétés s’écroulent, l’activité économique s’étant effondrée. Les sociétés françaises ne peuvent licencier. Pour couvrir leurs charges, elles sont obligées d’emprunter auprès des banques et leur ratio d’endettement passe en trois ans de 110 à 130, les laissant dans une situation financière quasi désespérée. La valeur ajoutée qu’elles créent est à nouveau en train de s’effondrer, et cette fois-ci les banques ne peuvent pas ou ne veulent plus assurer le bouchage du trou.
Que va-t-il se passer ?
Probablement, ce qui s’est déjà passé avec Peugeot, qui a dû souffrir de cet effet de ciseau entre chiffre d’affaires qui baisse, endettement excessif, et incapacité de réduire la voilure : les fonds propres deviennent la variable d’ajustement et très rapidement deviennent insuffisants…
Restent comme solution la perte d’indépendance ou la faillite.
Il est donc tout à fait probable que, dans les mois qui viennent, soient amenées à se déclarer un peu partout des incendies qui vont détruire une bonne partie du capital productif de notre cher et vieux pays. Immanquablement, le chômage va exploser, et avec lui les déficits sociaux et budgétaires.
Tout cela est fort triste, mais comme le disait Bossuet :
Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes.
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