Alitalia victime de la récession italienne.
L’Europe du sud, frappée de plein fouet par la récession, constate à ses dépens que ses compagnies aériennes n’échappent pas à de sévères difficultés. Ainsi, Alitalia se bat contre l’adversité économique, fragilisée par des difficultés qui échappent évidemment à son contrôle.
On comprend la frustration des dirigeants de la compagnie, qui ne ménagent pas leurs efforts pour remonter la pente et bâtir une «Nouvelle Alitalia» enfin prospère, loin des errements du passé. Dans cet esprit, les résultats du premier semestre sont finalement moins inquiétants qu’on ne pouvait le craindre, bien qu’une perte nette de 201 millions d’euros ait été enregistrée.
Commentaire rassurant d’Andrea Ragnetti, administrateur délégué : «le pire est derrière nous». Roberto Colaninno, président du conseil d’administration, renchérit : «une compagnie aérienne nationale forte et solide a une valeur qui va bien au-delà de la fierté nationale et devient un atout économique stratégique pour l’Italie dans son ensemble». Reste le fait que la Péninsule vit actuellement des moments difficiles. D’où la surprise que constitue la bonne santé relative l’Alitalia qui, apparemment, sera à l’équilibre dès 2013. Un retour au bénéfice d’exploitation qui serait le premier depuis 20 ans.
Un tel aboutissement, en cas de confirmation, serait évidemment analysé en France avec une attention particulière. Non seulement en raison de la présence d’Air France-KLM dans le capital d’Alitalia mais pour la méthode utilisée pour éviter l’effondrement pur et simple du pavillon aérien italien. On l’a déjà oublié, les analystes ayant la mémoire courte : faute d’arriver à appliquer un plan de redressement suffisamment sévère, de mauvaises habitudes étant profondément ancrées dans l’entreprise, les personnels refusant dans leur majorité d’admettre qu’il leur fallait absolument entrer dans une ère nouvelle, les syndicats continuant d’aligner des exigences rétrogrades, les pilotes niant la réalité d’un secteur totalement déréglementé et concurrentiel à l’extrême, Alitalia canal historique a été purement et simplement abandonnée. Et aussitôt reconstruite à zéro en oubliant les méfaits du passé.
Alitalia est-elle, ou pas, dans le groupe Air France-KLM ? Et dans quelle mesure ce dernier agit-il dans l’ombre, prodigue-t-il ses bons conseils ? Aucune réponse argumentée à ces deux questions n’est mise sur la place publique. Et, de toute manière, le moins que l’on puisse dire est que le moment serait mal choisi pour tenter d’y voir plus clair, la branche française d’Air France-KLM étant, faut-il le rappeler, très mal en point. Il est donc plausible que l’état-major romain ne puisse compter que sur lui-même, quitte à tirer un bon parti de synergies transalpines en même temps que de son appartenance à SkyTeam.
Alitalia, de toute évidence, souffre profondément des problèmes conjoncturels italiens, des fortes turbulences de la zone euro, mais témoigne en même temps d’un grand savoir-faire et de bonnes facultés d’adaptation à des circonstances franchement hostiles. Ainsi, au cours de ce premier semestre 2012, le nombre de passagers transportés, 11,1 million, a légèrement reculé (de 0,8%) mais, dans le même temps, la capacité offerte a judicieusement été diminuée de 3,7%. Moyennant quoi le coefficient moyen d’occupation des sièges a remonté de près de trois points et demi, à 71,1%. C’est encore insuffisant mais un progrès bienvenu.
Dans le même temps, la modernisation de la flotte continue contre vents et marées et, d’ici peu, les derniers MD-80 auront été retirés de la flotte. En six mois, quatorze avions nouveaux ont été livrés (Airbus A330 et A319, Embraer E-175 et E-190), dix autres le seront dans les prochains mois. Parallèlement, le réseau continue de s’enrichir de lignes nouvelles, à petits pas prudents, sous pavillon Alitalia, bien sûr, mais aussi à travers la filiale low cost Air One.
Toutes les initiatives de l’équipe Colaninno ne sont pas pour autant couronnées de succès. Ainsi, le rachat de la compagnie régionale Windjet s’est heurté à d’insurmontables difficultés de dernière heure et, d’ici la fin de cette semaine, l’échec de cette opération pourtant logique pourrait bien être consommé. Par ailleurs, les autorités anti-trust italiennes contestent violemment le monopole de fait d’Alitalia sur l’axe majeur Milan-Rome et appellent de tous leurs vœux l’apparition d’un concurrent. Mais lequel ?
Là encore, les Italiens auraient sans doute intérêt à tirer parti de l’expérience française et plus particulièrement de la rivalité hexagonale entre le transport aérien et le secteur ferroviaire. Les trains à grande vitesse Freccia Rossa détiennent aujourd’hui 56% du marché Milan-Rome, contre 32% avant leur apparition il y a 4 ans. Il y a là matière à réflexion en même temps que de bonnes raisons de décourager d’éventuels nouveaux entrants. Reste le fait qu’Alitalia, dans des circonstances hostiles, garde la tête haute.
Pierre Sparaco - AeroMorning