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Pourquoi Londres baille-t-elle après les Jeux Olympiques ?

Publié le 09 août 2012 par Copeau @Contrepoints

Est-ce que les pays occidentaux ont enfin dépassé le socialisme des Jeux Olympiques ?
Par Shikha Dalmia, Reason.com, le 31 juillet 2012

JO de Londres
Londres — À la veille des 30èmes Olympiades d’été, la chose la plus frappante dans la ville est l’absence totale d’enthousiasme dans la rue. Par rapport aux J.O. de Pékin en 2008, quand toute la Chine était mobilisée pour les Jeux, il n’y avait pas d’excitation décelable dans l’air à Londres.

Les commerces ne plantent pas de nouvelles fleurs ou ne ravalent pas leurs façades pour impressionner les hôtes étrangers. Il n’y a pas d’écrans géants dans les places publiques pour rendre l’atmosphère plus enthousiaste. Les rues ne sont pas tapissées avec des affiches des athlètes britanniques. Parmi le peu de signaux que quelque chose se passe – mise à part les rondes de troupes armées – est la présence de coureurs en plastique collés autour des clôtures des parcs publics (une décoration plus à même lors de la remise des diplômes d’école qu’un évènement international). Beaucoup de Londoniens à qui j’ai parlé – chauffeurs de taxi, tenanciers de pressing, résidents – considèrent le tout comme une “foutue nuisance” qu’ils comptent suivre d’autres cités européennes loin des embouteillages et des foules déchaînées.

Aucun doute que la grande confusion régnant lors des phases préparatoires a refroidi l’enthousiasme du public. Mais la principale raison pour laquelle les Londoniens sont indifférents est que l’ère de la ferveur nationaliste montante à travers des mégas projets est terminée en occident. L'occident, tout simplement, a peut-être dépassé les jeux olympiques.

Les Olympiades londoniennes, comme chaque Olympiade auparavant, sont désespérément en dépassement de budget. Le budget prévisionnel de 4 milliards de dollars de la cité a déjà explosé. Les dépenses ont atteint plus de 16 milliards de dollars, multipliant par 4 le budget initial pour les nouveaux stades obligatoires et le village olympique. Dans le même temps, G4S, la société qui a remporté le marché de la sécurité des Jeux, n’a pas réussi à embaucher assez de personnel, forçant l’armée à intervenir. Les autorités britanniques ont également monté des missiles sol-air sur les toits d’appartements privés, effrayant au plus haut point les résidents alentour. Comme si cela ne suffisait pas, un plan pour gagner des billets via une loterie a échoué, laissant des gens ayant payés des milliers de dollars attendre des semaines avant de savoir s’ils faisaient partie des chanceux gagnants.

Quand même, tout ceci aurait fait partie du parcours vers l’apogée des J.O., quand aucune dépense était trop large et que les inconvénients n’était pas si importants. Les J.O. de 1976 à Montréal ont été remboursés en 30 ans. Les Olympiades à Munich en 1972 se sont transformées en cauchemars quand des terroristes palestiniens ont kidnappés et tués des athlètes israéliens. Mais l’esprit olympique est revenu.

Cela a beaucoup changé. De nombreux sites Internet montrent des Britanniques mécontents, appelant les Jeux un gaspillage complet d’argent. Un festival de musique pop sponsorisé par la BBC a du rédiger une note en coulisse suppliant les artistes de s’abstenir « de faire référence aux J.O. de manière négative ou dénigrante ». Encore plus frappant sont les résultats d’une enquête d’opinion de Janvier demandée par la BBC qui montrent que 48% des britanniques ont déclaré que les performances de leurs athlètes importait « peu » ou « pas du tout » dans la fierté nationale.

Aucun doute que les Britanniques sont de mauvaise humeur parce qu’il leur est demandé de payer la facture des jeux durant une période d’austérité, quand l’économie anglaise fait un double plongeon. Mais le même sondage montre que les Français et les Espagnols sont un tout petit peu moins blasés à propos de la performance de leurs athlètes, suggérant que l’ennui des britanniques fait partie d’un plus large changement d’humeur.

Ce n’est pas étonnant. Avec la fin de la Guerre Froide, les J.O. ne sont plus une plateforme pour l’Occident et le bloc soviétique servant à mettre en valeur les performances de leurs systèmes rivaux. Les Jeux sont dorénavant plus une histoire d’excellence individuelle et moins à propos de la fierté nationale.

Tout cela signifie que l’amplificateur occidental des Jeux ne peut justifier leurs attitudes de panier percé dans les « bénéfices impalpables » comme l’honneur national. Contrairement aux économies dites émergentes comme l’Inde et la Chine, la problématique pour les contribuables occidentaux n’est pas de savoir si leurs gouvernements sont capables de réaliser un événement raffiné et compliqué, mais si cela en vaut le coût. Les citoyens occidentaux ne sont pas spécialement tolérants aux excès et aux fiascos et de plus en plus sceptiques sur le tapage mené à propos des bénéfices des Jeux.

Cela signifie que même si les J.O. de Londres se déroulent sans anicroches, les prochains Jeux auront de grandes difficultés à conserver l’appui du public sans changements majeurs dans leurs business model.

Le Honzec - jeux olympiques de Londres 2012

Les J.O. sont un gigantesque exercice de socialisme dans le sport – ou le capitalisme de connivence, si vous préférez. Les profits sont privatisés et les coûts socialisés. Les Jeux ne paient pas pour eux-mêmes car ils n’ont pas été créés ainsi. C’est parce que le Comité International Olympique (une organisation « non gouvernementale » opaque et bureaucratique composés de richards de différents pays) empoche la majorité des revenus des sponsors et les droits de diffusions médiatiques (prétendument pour financer le sport mondial), demandant dans le même temps aux pays organisateurs de payer la majeure partie des coûts. Parmi les rares fois où les jeux n’ont pas laissé une ville mortellement endettée était après les Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984, quand les électeurs, ayant retenu la leçon de Montréal, ont empêché l’utilisation de fonds public, forçant le CIO à utiliser les infrastructures en place et à ramasser l’addition pour la plupart des nouvelles infrastructures à construire.

Même si c’est loin d’être juste. Pour plus de justice, le CIO devrait compenser la ville hôte pour les tracas et les dérangements, pas l’inverse. Ils ne le font pas car la Guerre Froide a auparavant exacerbé les ferveurs nationalistes, cachant habilement au monde le contrat existant. Les Londoniens montrent que cela ne peut plus durer.
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Article initialement paru en anglais sur Reason.com le 31 Juillet 2012.
Traduit pour Contrepoints par Nicolas B.


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