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Élection québécoise : Le fonds des choses

Publié le 11 août 2012 par Jclauded
C’est un départ électoral qui annonce une vraie surprise. Bien malin aujourd’hui est celui qui peut prédire le résultat de l’élection générale au Québec. D’autant plus que depuis les cinq dernières années, les Québécois sont devenus des électeurs imprévisibles comme ils l’ont démontré avec Mario Dumont, Jack Layton et Gilles Duceppe.
Dumont, chef de l’Action Démocratique du Québec (ADQ), parti qu’il avait fondé quelques années auparavant, est venu à un cheveu d’être premier ministre du Québec à l’élection de 2007 mais il a dû se contenter d’être chef de l’opposition officielle avec 41 députés (le PM Jean Charest en avait obtenu 48). En l’élection de 2008, il se retrouva avec 7 députés. Le « bon Jack » Layton, en 2011, fit élire 59 députés NPD alors que le parti n’en n’avait jamais eu plus d’un. De son côté, Duceppe qui devait augmenter le nombre de ses 47 députés du Bloc Québécois à la Chambre des communes se réveilla avec quatre députés. Tout ou rien, pas de milieu.
La médiatisation à outrance et les réseaux sociaux qui mettent en relief toutes les opinions, toutes les critiques, mêmes mensongères, ajoutent à la confusion de l’électeur. Ce dernier peine à s’identifier vraiment avec sa classe politique malgré qu’en bon démocrate, il continue de voter. De leur côté, les habiles stratèges politiques profitent de la période électorale pour tout faire pour l’influencer momentanément afin qu’il s’oriente vers leurs poulains. Malheureusement, trop souvent, il est victime de chimères et les lendemains lui font comprendre que tout n’était que le fruit de vaines imaginations et d’illusions. À la longue, cela génère une insatisfaction profonde et un mépris envers la politique et ses joueurs.
Voilà pourquoi, il doit doubler d’attention, bien jauger ce qui se dit et les commentaires qui en résultent, ne pas se laisser influencer trop vite et attendre à la fin de la campagne électorale pour prendre sa décision après avoir tout bien pesé, comparé, analysé et ressenti.
J’ai cru, et je crois encore, que la question de la loi et de l’ordre est un sujet important de cette élection. Suite à la démission du jeune leader étudiant du mouvement radical la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois (GND), plusieurs observateurs ont jugé bon de l’encenser pour ses grandes qualités, nonobstant qu’il ait prêché et dirigé la désobéissance civile contre la loi 78 (devenu loi 12) qui a résulté dans des violences et des intimidations inouïes envers les étudiants et les enseignants qui voulaient retourner en classe. Ils ont aussi conclu que cela n’aidera pas électoralement Jean Charest prétextant qu’il y avait en GND le symbole du non-respect de la loi et de l’ordre et que ce dernier n’étant plus là, ses arguments ne colleraient plus. Je ne partage pas cet avis car j’estime que Charest ne peut sortir que gagnant-gagnant de la contestation estudiantine.
Plusieurs collégiens ont déjà voté majoritairement pour le retour aux études dans leur collège respectif. D’autres, pour la continuation de la grève. La votation continue… malgré que la démocratie étudiante ne soit pas vaillante puisque le nombre de ceux qui s’expriment par vote est ridiculement bas. Si, malgré tout, les contestataires empêchent, le 15 août, les étudiants de rentrer en classe, Charest gagnera des points politiques. Si la rentrée se fait dans l’ordre, Charest gagnera encore plus de points car il pourra affirmer, avec raison, que sa loi a réglé le problème de la contestation étudiante et qu’il a su réorganiser les cours afin que les grévistes puissent reprendre leur semestre perdu.
La venue de l’ex-chef de police de Montréal, Jacques Duchesneau, comme candidat de la Coalition Avenir Québec (CAQ) m’a surpris. N’avait-il pas affirmé clairement que ses actions et son rapport sur la corruption au Québec n’étaient pas motivés par la politique et que de toute façon, il ne serait pas candidat ? Tout le monde peut changer d’idée et je ne lui en tiens pas rigueur. On a besoin de bonnes personnes en politique et Duchesneau en est une.
Sa candidature met davantage en évidence la question de la corruption dans le domaine de la construction au Québec. Il est important que ce sujet soit bien discuté lors de la présente campagne électorale. On critique beaucoup Charest et le parti libéral sur leur façon de récolter des fonds et d’octroyer les contrats aux professionnels. Mais on oublie que Duchesneau a démontré clairement que le Parti Québécois (PQ) et l’ADQ ont agi de la même façon au pouvoir et dans l’opposition, que le PQ continue de le faire, en récoltant les contributions maximales de 3 000$, permises par la loi, de plusieurs membres d’une même compagnie qu’elle soit d’ingénieurs, de comptables ou d’avocats.
Seul René Lévesque avait établi une méthode d’octroyer les contrats sans favoritisme, par catégories d’expertises, de capacité de réalisation des firmes québécoises, tout en assurant que toutes obtiendraient des contrats à leur portée. Robert Bourassa a changé cette méthode et a implanté la donne actuelle. Quant à Bouchard, comme je l’ai expliqué dans un billet précédent, il a foutu le bordel dans le contrôle des projets en éliminant des milliers de fonctionnaires, ingénieurs et techniciens, dédiés à la réalisation des projets de construction du gouvernement. Le système doit être changé et Duchesneau est un de ceux qui ont contribué à cette perception grandissante chez monsieur et madame-tout-le-monde. Je l’applaudis.
Les chefs des partis ont commencé à proposer des initiatives à court et à long terme pour assurer le développement économique du Québec. J’aimerais bien que ce sujet devienne le plus important de cette élection. Bien objectivement, je ne crois pas que ce sera ainsi, mais on peut toujours espérer. Les vraies questions pour les Québécois sont : comment assurer que le niveau d’emplois persiste, que de nouveaux emplois de qualité prennent jour, que le déficit soit contrôlé et que la dette diminue, tout en maintenant notre qualité de vie ? On devrait discuter de toute la question énergétique : eau, gaz, pétrole, vent, soleil. Par qui, pour qui, au profit de qui ? Comment ? De la question du financement : gouvernemental, privé et/ou mixte. De la question de la main d’œuvre professionnelle et autre.
Nous n’avons pas besoin de discours irréalistes teintés de nationalisme comme ceux qui cherchent à nous faire croire que toutes nos ressources naturelles sont bradées. On doit nous entretenir sur nos capacités réelles de développement, de financement et de la nécessité de réunir des entreprises capables et motivées pour nous aider à développer nos richesses, dans un bon ordre et dans notre intérêt futur. Le Plan Nord est-il un des vecteurs importants de l’avenir économique du Québec ? On le dit immense et prometteur. Quelle est la position réelle de chacun des partis politiques sur ce projet ? Nous devons le savoir.
J’espère que les animateurs et les participants des débats des chefs susciteront la discussion sur ces sujets de première importance.
Quant à nous, électeurs, ne nous attardons pas sur les réparties flamboyantes ou piquantes des candidats mais plutôt sur le fonds des choses qui seront discutées. Ainsi, nous serons en mesure de mieux décider.

Claude Dupras

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