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Bousculade égyptienne (1)

Publié le 13 août 2012 par Egea

Ainsi, le président élu Mohamed Morsi a changé toutes les têtes de l'armée égyptienne, et en fait la direction militaire du pays (voir références ci-dessous). Cela amène deux types d'analyses : les unes intérieures (1), les autres extérieures (2)

Bousculade égyptienne (1)
source

1/ M. Morsi était présenté comme un personnage falot. Déjà, il avait surpris dès les premiers jours de son élection en remettant en cause les décisions du CSFA qui avait annulé le résultat des législatives et imposé le contrôle de l'assemblée constituante. Ce premier coup de force n'avait pas été apprécié à sa juste valeur : en fait, M. Morsi testait la volonté des militaires. Or, ceux-ci avaient laissé faire, ce qui a été interprété par les frères musulmans (FM) comme le signe qu'ils pouvaient pousser leur avantage.

2. Ils ont été prudents toutefois et ont donc dû négocier le coup de force de ce week-end : en déposant le général Tantaoui, en changeant les titulaires des principaux postes des armées, les FM n'ont fait que rendre publiques une transition qui a dû être négociée dans l'ombre et acceptée par les militaires. Pourquoi ?

3/ Tout d'abord parce que ceux-ci étaient mal à l'aise dans leur rôle de gouvernement ultime du pays. De plus, s'ils étaient d'accord pour être associés à un système qui leur faisait la part belle, la remise en question publique de leurs privilèges a dû attirer l'attention des plus lucides. Ajoutons qu'une certaine immobilité empêchait la progression de "jeunes" officiers" sur lesquels se sont probablement appuyés les FM pour négocier le départ, en bon ordre et avec des sinécures, des dirigeants actuels.

4/ Ainsi, le pari stratégique de l'armée égyptienne aura été relativement réussi : que tout change pour que rien ne change. Certes, H. Moubarak a été déposé mais il n'y a pas eu de tourmente révolutionnaire à l'issue. Certes, les dirigeants militaires associés à l'ancien régime quittent discrètement la porte, mais sans être remis en cause directement. Autrement dit, la transition a été réussie.

5/ Enfin, il est probable que l'armée a vite tranché face l’alternative suivante :

  • soit vouloir se maintenir au pouvoir à tout prix, au risque de se heurter à une révolte populaire cette fois plus violente : l'exemple syrien a certainement dû montrer l'inanité d'une telle voie
  • soit composer avec les Frères musulmans, avec qui ils ont l'habitude de travailler depuis maintenant plusieurs décennies : en effet, et comme je l'ai déjà signalé, les FM sont dans une situation de co-gestion avec le pouvoir depuis maintenant longtemps et les militaires se sentent bien des points commun avec eux, surtout qu'ils les distinguent nettement des salafistes. Au fond, les FM représentent une sorte de voie nationale et centriste, à mi-chemin entre des islamistes radicaux s'inspirant partiellement d’idéologies extérieures, et des libéraux occidentalisés, prenant eux aussi leur source à l’extérieur.

6/ Dès lors, le pari des militaires est probablement de laisser faire les FM, tout en gardant la possibilité de revenir en recours s'ils observent un échec. Autrement dit, de revenir à une position en retrait, conforme à leurs aspirations profonde. Cette scène orientale aura été jouée à la faveur d'un changement de génération, avec subtilité et une certaine mesure.

Sauf coup de théâtre, l'affaire semble bien jouée aussi bien de la part des FM que des militaires. Le coup de force n'est qu'apparent, et il a été négocié depuis quelques semaines.

Il reste à voir les conséquences extérieures, ce qui sera l'occasion d'un prochain billet.

Réf :

O. Kempf


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