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Roms, ce persistant manque de courage

Publié le 15 août 2012 par Vogelsong @Vogelsong

“Excuses are like assholes, Taylor. Everydody’s got one” Sergeant Red O’Neill dans Platoon (1986) d’O. Stone

Très curieusement, en France, le mois d’août, c’est le mois des Rroms. Une coutume récente inaugurée lors du discours de Grenoble en 2010 par l’ancien président de droite N. Sarkozy. Dont E. Todd dira en mars 2012 ” Nous sommes en période de déroute économique, et cet homme passe son temps à désigner quelques malheureux à la vindicte, à s’en prendre aux Roms.“. En août 2012, F. Hollande règne, M. Valls tient le bâton. Et rien n’a changé. Ni le manque de courage, ni les fausses solutions, ni l’hypocrisie des prétextes. Des Roumains et Bulgares vivant dans des campements de fortune sont pourchassés sous les objectifs de la presse. L’association des maires socialistes approuve, les barons de la droite extrême se gaussent. Les Français bronzent et acquiescent mollement, puisque c’est la seule solution.

Roms, ce persistant manque de courage

Christopher Dombres

Les gouvernements sont passés maitres dans l’art d’exhiber leur courage. Prendre des décisions courageuses est devenu le grand leitmotiv de l’oligarchie. Sous ce vocable se nichent généralement la chasse aux pauvres, la stigmatisation des minorités, l’exutoire sur des problèmes secondaires. Au sujet des Rroms, le gouvernement se targue de prendre à bras le corps un cas complexe. Une poignée de gens qu’on livre aux médias. Et dont il faut bien le dire, l’extrême gauche libertaire se saisit pour faire du bruit. Or si on peut imputer ce “courage” au PS, curieusement il est de même nature que celui dont se targuait l’UMP.

On peut penser aujourd’hui, à l’ère de la nouvelle gauche décomplexée, que le courage relève d’une autre forme. Celle de traiter politiquement les problèmes de la même façon que la droite. Et de le dire. Ou mieux le montrer. Avec M. Valls on en a fini du sécuritaire honteux. Le courage aujourd’hui c’est d’expliquer aux Français, dans cet air de renouveau réactionnaire, que finalement l’inhumanité a ses indiscutables raisons. Le courage finalement dans ces questions humaines c’est d’afficher son cynisme. Le Parti Socialiste, ses militants, ses sympathisants, ses zélateurs et répétiteurs y parviennent presque.

Pourtant, le courage ce serait de respecter ses valeurs. De gauche quand on est de gauche. Le courage c’est d’aller contre l’opinion qui s’accorde selon l’IFOP (mandaté par Atlantico) à 80 % pour démanteler les campements (sachant que dans la même étude 70 % affirment que cela ne changera rien, ou une autre idée du sadisme…). Le courage c’est peut-être de montrer qu’il y a d’autres solutions que les coups de communication. Que ces sujets relèvent de solutions de fond : construire avant d’expulser, éduquer avant de sévir.

Comme évoquer l’insalubrité des campements pour prétexter de l’usage de la violence (même modérée (sic)). On touche là au sublime dans le cynisme. Si les postures libertaires peuvent prêter à sourire, pour un certain idéalisme, les technocrates qui s’enquièrent subitement du bien-être des populations, qu’ils laissent globalement croupir depuis des lustres, ne manque pas d’à-propos… Ni de ridicule. Une longue habitude finalement de ce type de gymnastique sémantique : les libéraux réactionnaires s’enquièrent du chômeur en libéralisant et précarisant le marché du travail. Les vendeurs de peurs dealent leur sécurité pour rassurer ceux qu’ils ont préalablement terrorisés. Avec des dispositifs encore plus anxiogènes. Le grand bazar de la politique spectacle.

Les derniers retranchements de la gauche-qui-fait-le-sale-boulot se situent dans l’incessante recherche de solutions. Une manière de montrer son dynamisme (et ses biscoteaux). Qui fait écho au courage cité plus haut. Au-delà de la question incongrue de “pourquoi maintenant, au creux du mois d’août”, on peut se demander quels problèmes posent réellement les Rroms ? S’agit-il d’une gêne de voisinage, de sécurité publique, d’électoralisme ? Si la plupart des commentateurs l’oublient, la France se recroqueville lentement sur des valeurs identitaires. Rechercher une solution dans ce contexte-là, avec ces solutions-là confine plus de la politique de stigmatisation et de boucs émissaires qu’à la résolution. Comme si gouverner consistait à répondre instantanément aux questions que l’on a soigneusement mises en scène…

En septembre 2011, lors d’une interview à l’assemblée nationale, F. Hollande présidentiable interrogé sur les expulsions, expliquait qu’il fallait que cela se fasse dans le cadre de la loi et dans la dignité.

Comme s’il pouvait y avoir de la dignité dans l’expulsion d’un humain.

Vogelsong – 14 août 2012 – Paris


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