On en sait désormais un peu plus sur la fameuse convention fiscale sur les successions que nous concoctent les gouvernements français et suisse. Surtout français visiblement, le Département Fédéral des Finances ayant accepté le rôle de caisse enregistreuse. A priori, toutes les craintes émises par les jeunes libéraux-radicaux se confirment : la France obtiendrait de la Suisse peu ou prou l’entier de ses exigences.
Par Philippe Nantermod, depuis la Suisse.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la convention ne définit pas le lieu de fiscalisation dans les cas successoraux. Au contraire, il prévoit le cumul des impositions suisses et françaises. Il n’est en effet pas question de priver la Suisse de son droit de prélever un impôt successoral, chose que nous savons faire avec modération, mais d’imposer à la fois la masse successorale et les héritiers, au taux forcément le plus élevé des deux pays.
Un exemple est plus parlant. Avec la nouvelle convention, lorsque M. Dupont dont les enfants vivent en France, décède à la Tour-de-Peilz, la masse successorale s’acquitte en Suisse d’un impôt successoral d’un montant déterminé par le canton de Vaud. Le fisc français estime alors ce qu’il aurait prélevé si M. Dupont était passé de vie à trépas en France et pique aux héritiers résidant en France la différence afin de s’assurer que, globalement, ceux-ci sont assujetti à un taux similaire à celui de toute personne mourant en France.
En inversant la situation, si M. Dupont était décédé en France en laissant ses héritiers en Suisse, l’État français se serait gavé au moins aussi largement, simplement grâce à sa fiscalité démesurée, la Suisse n’ayant pas de différence à prélever.
Ce genre de convention de double imposition (qui porte très bien son nom) existe déjà avec les États-Unis qui n’hésitent pas à taxer leurs citoyens à l’étranger, c’est bien connu. La France ouvre une nouvelle brèche très importante en imposant toute personne en fonction du domicile, quelle que soit sa nationalité.
L’éthique fiscale dont se gargarisent avec la plus parfaite mauvaise foi les élites françaises voudrait que l’on décide une fois pour toute quel est l’État qui mérite de prélever l’impôt successoral : celui du défunt ou celui de l’héritier ? En agissant de la sorte, la France montre simplement qu’elle se fiche éperdument de cette soi-disant question morale et ne poursuit qu’un but : saper l’attractivité de la Suisse.
En effet, en reprenant l’exemple ci-dessus, la Suisse aurait tout intérêt à adopter une imposition exactement similaire à celle de la France : l’impôt prélevé serait globalement le même mais le serait exclusivement par la Confédération.
Par ce genre de jeux, la France cherche à créer une harmonisation fiscale dont personne ne veut, et forcément vers le haut. Le but de la République est simple : nous imposer un modèle qui a échoué, nous forcer à adopter sa fiscalité spoliatrice et, corollaire malheureusement nécessaire, sa folie dépensière. Dans la tempête, plus on est de fous, plus on rigole.
Être attractif n’est pas pêcher. Prélever la moitié des biens acquis et imposés durant toute une vie sous prétexte d’impôt successoral me paraît largement plus immoral que de mener une politique des finances saines. En bref, pour la Suisse, entre paradis et enfer fiscal, mon choix est fait. Croisons les doigts pour que le Conseil fédéral se réveille.