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Interview – Mr Screugneugneu, mon Amoureux Vegan

Publié le 16 août 2012 par Pigut

Dans le cadre des rencontres de Pigut, je vous propose de découvrir une personne qui m’est chère puisqu’il s’agit de l’homme qui partage actuellement ma vie, Mr Screugnegneu.

J’ai remarqué que parmi les omnivores peu informés, beaucoup imaginent les végétaliens comme étant principalement des végétaliennes, aigries, détestant la viande et mangeant de l’herbe à longueur de journée. Je n’ai jamais vraiment compris d’où provenaient ce genre de raccourcis. En tout cas, si certains arrivent à s’imaginer des végétaliens différemment, on reste souvent dans des à priori particulièrement étranges. Alors si c’est un homme végé, il est probablement dominé par sa compagne (elle-même mangeuse d’herbe aigrie) à laquelle il obéit sans broncher, et il porte des sarouels en mangeant des petits pois

A travers mes interviews, j’aime présenter des gens de tous horizons et mettre en lumière d’autres perceptions que la mienne. Cette fois (en plus du plaisir de vous présenter mon amoureux), j’avais envie de présenter un végétalien qui n’est pas une femme aigrie, ne mange pas que de l’herbe, aime le goût de la viande, essaie de penser par lui-même, et ne porte pas de sarouel (bien qu’il n’y ait aucun problème à porter des sarouels). C’est pour moi une manière de montrer que, loin des clichés, les végétaliens peuvent être n’importe qui et… tout le monde

Mr Screugnegneu

Peux-tu te présenter en quelques mots et partager avec nous un peu de ce qui te touche dans la vie ?

J’ai une trentaine d’années, je vis avec Mlle Pigut depuis pas loin de 6 ans. J’ai la chance d’exercer un métier qui me plaît beaucoup et dans lequel je suis très autonome, après avoir emprunté toutes sortes de chemins plus ou moins biscornus. Je suis quelqu’un de très indépendant, j’aime penser par moi-même, je suis effaré par l’ensemble des grands consensus qui font la société dans laquelle nous évoluons.

Tu aimais la viande et pourtant, tu as fait le choix du végétarisme puis du véganisme. Qu’est ce qui t’a poussé en ce sens ?

Mon changement d’alimentation s’est déroulé de manière très progressive, sur une durée de 3-4 ans entre le moment où j’ai commencé à m’intéresser à ce qu’il y avait dans mon assiette -avant de rencontrer Mlle Pigut- et le moment où j’ai pu dire que j’étais vegan il y a environ deux ans. Mlle Pigut a eu la clairvoyance géniale de me laisser faire mon cheminement de mon côté sans jamais tenter de m’influencer. Je l’en remercie. S’il en avait été autrement, je ne serais sans doute pas devenu vegan, ou alors cela aurait pris beaucoup plus de temps encore… Ainsi est fait M. Screugneugneu le bien nommé : si quiconque devait ne serait-ce que lui suggérer d’envisager telle ou telle manière de faire, il mettra immédiatement tout en œuvre pour faire le contraire (au point de se saboter lui-même quelque fois

:-)
).

Au niveau pratique, comment s’est passé ton changement d’alimentation ?

Préambule : je dois d’abord préciser que j’ai toujours eu un tempérament « écolo », pas hardcore à la base, mais en tous cas sensible à la cause. J’ai été élevé de cette manière et j’en suis très reconnaissant. Lorsque j’étais enfant, nous avons tenté à une ou deux reprises de passer à un régime végétarien à la maison, mais ça n’a jamais duré longtemps, faute de savoir quoi faire à manger et ayant des doutes quand aux possibles carences je pense (il n’y avait pas encore internet…).

Lorsque Mlle Pigut et moi nous sommes rencontrés, j’entamais tout juste une phase à manger moins de viande, un peu plus de poisson, pas trop de charcuteries. J’avais simplement l’idée de me maintenir en bonne santé. Je dois admettre, avec le recul, que je mangeais de manière très classique, surtout faute d’imagination et d’intérêt pour la cuisine (en plus je vivais seul). Je savais apprécier avec beaucoup de plaisir un steak chateaubriand, un filet de sole ou de tilapia, un poulet rôti fermier, une carbonnade flamande, mais enfin je n’en étais pas dépendant comme certains affirment l’être. Je consommais aussi des kebabs et McDo environ une fois par semaine.

En rencontrant Mlle Pigut, alors végétarienne, nous avons très rapidement passé beaucoup de temps ensemble, et j’ai vite remarqué qu’elle se faisait de bons petits plats sans avoir aucun besoin de chair animale. Au début je m’achetais un peu de viande à me faire en solo sur le côté, mais cette solution m’est rapidement apparue comme saugrenue, alors qu’il y avait généralement un magnifique plat préparé par Mlle Pigut. J’ai donc rapidement laissé tomber l’idée de consommer de la chair animale lorsque nous mangions ensemble à domicile.

A l’époque, nous allions souvent au restaurent. Au début, je prenais invariablement un plat carné (par habitude), et Mlle Pigut un plat végétarien. Je ne faisais aucun commentaire sur son choix et elle n’en faisait aucun sur le mien. Cependant, la plupart du temps, intrigué, je demandais à goûter son plat et le trouvais en général bien meilleur que le mien. Je finissais le mien, déçu d’avoir commandé « un truc que je connaissais ». En outre, nous habitions alors Bruxelles, ou les snacks à kebabs proposent infiniment plus de choix que dans les kebabs de France. J’y ai ainsi découvert les falafels avec Mlle Pigut selon le même mode que dans les restos, et en conclu rapidement qu’ils remplaçaient avantageusement les hamburgers, viande à gyros ou autres filets de poulet comme garniture des pains.

Simultanément, je découvris que les snacks aux alentours de mon entreprise de l’époque proposaient différentes formules végétariennes drôlement intéressantes. Je me mis donc à consommer pour mon lunch au travail, principalement des plats, sandwiches et salades végétariens achetés sur place.

Au départ, c’est donc animé par la gourmandise et la curiosité (les plats végés étaient finalement meilleurs et plus diversifiés) que j’en suis venu à plus ou moins laisser tomber la consommation d’animaux. J’avais conscience qu’en plus ça permettait d’éviter d’en tuer… mais en toute franchise ça n’entrait pas tellement en ligne de compte à cette époque. Je continuais donc à manger un steak ou un filet de poisson 1 à 2 fois par mois, lorsque je devais me préparer un repas seul. Ceci dura environ 2-3 ans. Au cours de cette période, je continuai à manger du fromage et des produits contenant des œufs ou du lait. Pendant tout ce temps, Mlle Pigut et moi n’avons jamais eu, si ma mémoire ne me fait pas défaut, de discussion à ce sujet. J’ai toujours accepté son végétarisme sans avoir besoin d’en savoir plus, et elle ne m’a jamais reproché de manger ce que je voulais.

Au fil des années, Mlle Pigut devint petit à petit plus ou moins végétalienne, de manière plutôt naturelle et progressive, sans gros élément déclencheur et surtout sans particulièrement en parler avec moi. Après environ 3 ans et peu d’évolution de mon côté, le hasard nous mis face à quelques sites contenant des informations et des vidéos au sujet de la maltraitance ordinaire résultant de l’exploitation animale. J’en pris acte mais, tête de bois, il me fallut encore quelques mois à gamberger dans mon coin avant de décider d’aller moi-même rechercher ces infos et vidéos sur internet. Je m’y plongeai alors à fond pendant quelques heures. Révolté par ce que je revis et découvris, je décidai purement et simplement de devenir 100% végétalien au plus vite tout en réalisant que ça ne se ferait pas du jour au lendemain. Le fromage était en effet une composante très importante de mon alimentation, et je savais qu’il ne serait pas facile d’y renoncer. Ce qui m’a le plus convaincu dans mon choix, ce sont les vidéos « chocs » : les coups donnés par les éleveurs, transporteurs et bourreaux, la violence générale, la vitesse de la chaîne d’abbatage, l’ambiance de productivisme (animaux sensibles traités comme de simples matières à transformer), le sang, les cris, leurs regards désemparés… Les cris des veaux et des mères qu’on vient de séparer… Je n’avais jamais soupçonné ce que pouvait être l’horreur concentrationnaire qu’impliquait la production de nourriture à partir d’animaux.

A partir de ce moment, Mlle Pigut et moi-même commençâmes à discuter de ce que nous avions appris à ce sujet et à nous échanger beaucoup d’informations. C’est ainsi que je pris connaissance de toutes les excellentes raisons supplémentaires, autres que la maltraitance, qui me confortèrent dans mon choix : par rapport à l’écologie et à l’environnement, à la société de surconsommation, à la malbouffe, etc. Le véganisme fût en réalité le début d’une grande prise de conscience sur l’ensemble des sujets importants de notre société : depuis le bio jusqu’au monde du travail, en passant par les médias, le lobbying des multinationales, le système éducatif, la grande mascarade électorale, le système bancaire, la pensée unique, etc. En réalité, tout est lié. Quand on commence à se documenter sur l’un ou l’autre de ces sujets, on ne peut que constater ses ramifications et implications avec les autres.

Bref, revenons au sujet : je devenais donc non seulement végétalien, mais totalement vegan, quelques mois plus tard. Je n’eus aucun mal à cesser totalement la consommation de viande, d’oeufs, et tous les autres produits contenant des éléments provenant de l’exploitation animale. Le fromage me posa beaucoup plus de difficultés, et il me fallu réduire les quantités très progressivement sous peine de « pétages de plomb » (n’ayons pas la langue de bois). Le sevrage du fromage est une difficulté rencontrée par beaucoup de végétaliens en devenir. Ceci semble d’ailleurs pouvoir s’expliquer médicalement, et serait dû à la caséine naturellement présente dans le fromage. Je vous suggère de faire quelques recherches à ce sujet

;-)

Est-ce que le veganisme a eu un impact important dans ton quotidien ?

Oui et non… Une fois vegan, manger ainsi vous paraît tout naturel. Cependant, il n’est pas toujours évident de trouver les produits que nous consommons dans les magasins classiques. Pour avoir une bonne diversité de produits, il vaut mieux aller dans les magasins bio (ce qui n’est pas vraiment un problème si on habite en ville, et de toutes façons les Pigut mangent 100% bio

;-)
).

Le veganisme m’impose aussi de préparer systématiquement mes repas à emporter à l’extérieur pour mon travail. Car s’il est plus ou moins possible de se débrouiller pour manger dehors en tant que végétarien, c’est beaucoup plus dur en tant que végétalien (en France en 2012). Idem pour les sorties restos, etc.

Quelles ont été les réactions de ton entourage face à ce changement ?

Ma mère est devenue végane quelques mois plus tard.

Pour mes amis de Bruxelles, que je ne vois plus qu’une fois par an, je crois que ça leur est un peu passé au dessus de la tête.

Pour ceux rencontrés en France depuis que j’y vis, soit j’ai affaire à des personnes non-informées qui se braquent immédiatement et débitent toute une série d’arguments à côté de la plaque (les habituels : on a besoin de viande pour avoir de la force, si on ne mangeait que des plantes il n’y aurait pas assez de place pour les cultiver, etc.), le dialogue devient impossible et se clos très vite. Soit, notamment avec les collègues ou les personnes avec qui le sujet n’a pas eu à venir immédiatement sur la table, ils m’ont déjà plus ou moins catalogué comme l’écolo / alternatif / grand voyageur et ça leur va comme ça, ils ne cherchent pas tellement à en savoir plus.

Pourrais-tu aujourd’hui t’imaginer en couple avec une personne qui ne serait pas sensible à tes idéaux ? Quels avantages vois-tu à partager ta vie avec une personne ayant fait les mêmes choix éthiques que toi ?

Je ne pourrais pas partager ma vie avec une personne qui n’ait pas au moins commencé à faire un début de cheminement intellectuel vaguement anarcho-végétalien. Si les premiers pas sont faits, je sais que le reste suivra.

Les avantages, c’est simplement de pouvoir se comprendre sur les sujets importants de la vie…

Qu’est ce que tu aimes dans le fait d’être vegan ? Que trouves-tu difficile ?

J’aime vivre dans la connaissance.

Je trouve difficile, sincèrement, de ne plus jamais pouvoir manger dehors à l’improviste, sur le pouce. Mon travail fait que je peux être dehors en train de bosser à peu près n’importe quand de 5h du matin à 2h du matin la nuit suivante (pas en continu quand même

;-)
), et ce de manière chaque jour différente, ce qui fait que prévoir et préparer les repas à l’avance n’est pas toujours évident. Ce serait tellement simple de pouvoir rentrer dans n’importe quel snack ou boulangerie et commander en toute normalité un en-cas végétalien, bio et sain… mais nous en sommes encore très loin malheureusement.

Je crois pouvoir dire que tu es très gourmand, quels sont tes plats préférés ?

La question n’est pas évidente, car nous sommes en ce moment en train d’incorporer de plus en plus de cru dans notre alimentation. J’en découvre tous les bienfaits, et surtout je me rends compte que certains plats que j’adorais il y a encore 15 jours peuvent à présent m’inspirer un vague dégoût. En ce moment il y aurait donc la lasagne crue, la pizza (semi-)crue, le sandwich rempli de crudités de toutes sortes comme vous n’en avez jamais vu auparavant… Je reste globalement assez orienté nourriture roborative, nourriture de réconfort (bien sûr, rien n’empêche de les faire en version santé…

;-)
), nourriture qu’on dévore avec les mains, plats en sauce… Je suis très gourmand, j’ai certes développé un palet assez fin grâce au véganisme, mais je ne suis pas un gourmet.

Ha oui, et aussi tout ce qui est à base de patates !

Les plats préférés de Mr Screugneugneu

Certaines des nourritures préférées de Mr Screugneugneu

Quels seraient tes conseils à ceux qui pensent à se lancer dans l’aventure végéta*ienne ?

Ne pas avoir peur… en fait, une fois que le changement est derrière nous, on réalise que c’était plus simple qu’il n’y paraissait. Ne pas se forcer non plus, évoluer à son rythme. Au début, la force de l’habitude va peut-être vous donner très envie d’un bout de viande ou de fromage, c’est normal. Si vous en avez vraiment trop envie, allez-y, craquez. Ca deviendra de plus en plus rare avec le temps. En cas de doute, se documenter au maximum, poser des questions aux autres vg, la communauté est très ouverte.

Comment imagines-tu l’évolution du véganisme en France et à travers le monde ?

Je pense que le mouvement va continuer à se développer grâce à la propagation de l’information, il va peut-être y avoir un effet de mode qui va booster le truc, mais c’est une tendance qui restera marginale. Un véganisme généralisé impliquerait un changement radical de la société que peu de gens seraient prêts à accepter avant au moins des décennies. Je doute de voir le taux de gens conscients arriver à plus de 10 ou 15% de la population de mon vivant. Après ça va certainement varier d’un pays à l’autre. Ici, les gens savent à peine ce qu’est un végétarien, alors que dans les pays du nord de l’Europe c’est déjà plus largement admis (Allemagne, Hollande, Suède, …). Quand aux pays anglo-saxons, ils savent généralement ce qu’est un vegan.

Vers quoi tends-tu aujourd’hui, quels sont tes vœux pour l’avenir ?

D’un point de vue alimentation perso, incorporer de plus en plus de cru. J’en ai constaté les bienfaits depuis quelques temps, ça m’a transformé. Plus largement j’aimerais beaucoup pouvoir vivre dans mon propre logement sans passer par les banques, ou construit par mes soins (ou un peu des deux), avec un terrain permettant de cultiver une bonne proportion de ce qu’on consomme.

Pour le reste du monde… qu’il se réveille…

Quelles seraient pour toi les clés d’une vie équilibrée et heureuse ?

Sortir du moule, se mettre à penser par soi-même, être sceptique en général, se documenter, penser aux conséquences de ses actes, se demander pourquoi on fait telle ou telle chose (habitude, conformisme, …)…

Refuser, résister.

Je n’ai pas encore trouvé la recette du nirvana, mais je pense que si on arrive à vivre réellement comme on le veut au plus profond de soi, comme on l’a choisi et en connaissance de cause, c’est déjà un bon pas en avant.

Merci à Mr Screugneugneu d’avoir accepté de partager son expérience et sa vision des choses.


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