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Le Connecticut, l’Etat où les hedge funds sont rois

Publié le 17 août 2012 par Kamizole

Le Connecticut, l’Etat où les hedge funds sont rois

La Planète finance est folle ! Je précise pour les personnes qui n’auraient pas de connaissances en matière économique que les « hedge funds » sont des fonds d’investissement hyper-spéculatifs, lesquels ne furent pas pour rien dans le krach boursier du 21 septembre 2008. Je ne pus que tomber à la r’bidaine en voyant ce titre sur la Une du Monde Aux Etats-Unis, l'Etat du Connecticut aide un hedge fund à financer son siège (16 août 2012). L’intro-duction donne d’ailleurs la couleur « On ne prête qu'aux riches. L'un des plus grands hedge funds au monde, Bridgewater Associates va se faire construire un siège pour 750 millions de dollars, financé en partie grâce à des aides publiques, à Stamford, dans le Connecticut (au nord de New York) ».

Ces largesses lui étant accordées par le gouverneur démocrate Dannel Malloy; lequel aurait les yeux de Chimène pour le secteur de la haute finance. Le choix du site retenu pour le nouveau siège: sur le front de mer à Stamford ne doit rien au hasard : Dannel Malloy fut maire de cette ville pendant 14 ans avant d’être élu gouverneur. Il continue de choyer « sa » ville.

Pourtant, Brigewater n’est pas précisément pauvre : le fond gère 130 milliards de dollars d’actifs et Raymond Dalio, son président-fondateur, s’est fait octroyer en 2011 le mirobolant salaire de 4 milliards de dollars, soit le plus élevé de l’industrie. En a-t-il besoin à l’aune d’une vie humaine ? La réponse est bien évidemment : non. Quand il sera crevé, cela lui fera une belle jambe. A moins qu’avant cet ultime terminus il n’explosât en plein vol sous l’effet de l’implosion de la Planète finance qui interviendra tôt ou tard. Dans l’un ou l’autre cas, il butera sur un panneau indicateur : « Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable ».

Je rappelle qu’il est de la nature de toutes les « bulles » qu’elles fussent physiques (pensons notamment à celles du chewing-gum) ou spéculatives d’éclater lorsqu’elles atteignent une taille dite « critique ». Plusieurs années avant le krach de 2008 nous savions que les bulles financières, immobilières et des matières premières éclateraient. Seule la date restait en blanc de même que le grain de sable qui ferait vaciller les géants aux pieds d’argile. Idem avant mars 2000 et le krach de la « nouvelle économie ».

Point n’étant besoin d’être grand clerc pour subodorer que la plupart des start-up qui se multipliaient comme des petits pains étaient bâties sur du vent. Mais les sociétés de l’économie réelle étaient aussi fascinées par le seul mot « d’Internet » - elles n’y connaissaient que dalle - qu’un petit lapin par un boa constrictor ou un serpent à sonnette (en l’occurrence, « sornettes » conviendrait mieux). Elles leur firent donc des ponts d’or pour les racheter. Les seules start-up de cette période qui survécurent (et restèrent en général indépendantes) étaient celles qui avaient un vrai projet innovant et utile.

Je ne serais sans doute plus là dans quelques décennies pour connaître le jugement porté par les futures générations sur les « trente piteuses » que nous venons de traverser. Je doute depuis fort longtemps qu’il soit bienveillant. La prof qui nous enseignait le droit constitutionnel en première année nous dit une fois (j’ai oublié à quel propos) que l’histoire était comme un balancier qui, une fois qu’il était allé trop loin dans un sens, revenait forcément dans le sens contraire. Cela me parut frappé au coin du bon sens et plus intelligent que la dialectique (hégélienne ou marxiste) à qui l’on fait dire un peu n’importe quoi. Facile de bâtir un système théorique bien figé, fondé sur des éléments du passé qui ne risquent pas de venir vous contredire.

J’en reviens à Bridgewater et Dannel Malloy. La « corbeille de mariage » est particulièrement fournie : «un prêt de 25 milliards de dollars à un taux d’intérêt de 1 % pour le financement de deux immeubles de 70.000 mètres carrés, auxquels s’ajoutent 5 millions de dollars pour la formation professionnelle, 5 millions pour les systèmes d’énergie alternative et 80 millions de dollars en crédits d’impôt ».

Rien ne dit au demeurant que ce ne sont pas les contribuables du Connecticut qui en feront à terme les frais. En effet, l’immeuble devrait être achevé en 2017 mais l’échéance du prêt n’est aucunement garantie pour le contribuable, le remboursement du prêt étant optionnel : en partie ou en totalité… Si vous avez un projet immobilier, essayez de demander cela à votre banquier ! Soit il vous flanque dehors, soit il appelle des ambulanciers pour vous faire transporter le plus vite possible dans un hôpital psychiatrique.

Selon James Watson, porte-parole du gouverneur, ces options inter-viendront « si certaines conditions comme le maintien de l'emploi actuel et la création de nouveaux postes sont remplies ». Les amé-ricains utilisant pour ce type de prêt le terme de "forgivable loan" en français un "prêt-subvention". Par essence une subvention ne se rembourse pas… il n’est d’ailleurs pas inintéressant de savoir que « forgivable » se traduit par « pardonnable » dérivant de to forget : oublier.

Dannel Malloy demande en effet quelques contreparties en matière d’emplois. Bridgewater se serait engagé à créer « mille emplois de haut niveau en dix ans »… qu’entendent-ils par cela ? Une nouvelle cohorte de traders ?

Stamford est considérée comme une ville de « nouveaux riches ». En effet, de nombreuses sociétés financières y sont déjà implantées comme hedge fund SAC Capital Advisors, géré par le milliardaire Steven Cohen. Par ailleurs, cherchant à préserver l’emploi dans le secteur de la finance et a passé en 2011 un accord avec UBS pour que la banque suisse conserve au moins 2.000 des 3.500 employés à Stamford, en contrepartie d’un « prêt-subvention » de 20 millions de dollars.

UBS n’est pas particulièrement « blanc-bleue » c’est le moins que l’on en puisse dire et aurait beaucoup à se faire « pardonner » aux Etats-Unis qui avaient en effet réussi à percer en avril l2009 e secret d’une liste de 300 noms de contribuables américains accusés de fraude fiscale et que la banque suisse, pour autant que je m’en souvienne avait encouragés à déposer de l’argent en Suisse, ce pays figurant à l’époque sur la « liste grise » des paradis fiscaux établie par l’OCDE.

En septembre 2011, un trader d’USB travaillant à Londres fit perdre à sa banque la bagatelle de 2 milliards de dollars en spéculant - à la manière d’un Jérôme Kerviel - au-delà des limites autorisées. Il a été inculpé « d’abus de position » et de « fraude comptable » et placé en détention. Les premières irrégularités remonteraient à 2008 selon l’acte d’accusation. Cette affaire suscite des interrogation sur le système de surveillance au sein d’USB dans la mesure où il a été théoriquement renforcé après l’affaire Kerviel.

Enfin, si le Connecticut est l’Etat le plus opulent des Etats-Unis, la région de stamfod plutôt cossue et Stamford une ville de « nou-veaux riches » il n’en existe pas moins « de très grandes inégalités avec des métropoles comme Bridgeport-Stamford-Norwalk, où l'écart entre les nantis et les pauvres était en 2010 l’un des plus important du pays » au point que le Connecticut « s’il était un pays se classerait en terme d’inégalités de revenus parmi les plus inégalitaires de la planète juste au-dessous du Rwanda, à la onzième position ».

Ce qui ne doit guère embarrasser Dannel Malloy puisqu’il préfère à l’évidence utiliser les impôts des contribuables du Connecticut en prêtant des sommes astronomiques quasi à fonds perdu à des hedge funds ou des banques et en cherchant à attirer ou maintenir des employés de la finance internationale plutôt que consacrer cet argent à la réduction des inégalités et à la formation profes-sionnelle des plus démunis de ses administrés…


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