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Chantal Sébire, victime d'un acharnement judiciaire et médiatique ?

Publié le 25 mars 2008 par Christophe Laurent
Voici un nouveau billet sur les suites de ce qu'il convient bien de nommer le « cas de Chantal Sébire ». J'ai hésité à le publier ici – il le fut un temps sur un site test mais dépourvu de lecteur – tant l'hypermédiatisation de cette situation personnelle et intime a tourné à l'acharnement médiatique. L'article est donc écourté du fait qu'il contribue lui-même à ce qu'il souhaite dénoncer. Voilà donc le destin tragique d'une femme, qui non seulement aura été victime d'une pathologie dont les souffrances physiques et psychologiques l'auront conduit à saisir la justice pour obtenir à l'encontre même du droit que l'on reconnaisse que sa situation était exceptionnelle et méritait une réponse exceptionnelle en dehors du droit s'il le fallait car au fond d'elle-même Chantal Sébire avait fait le choix de mourir. Elle a manifesté une volonté claire et sans qu'aucune autorité morale ou juridique ne puisse lui contester, elle voulait mourir en pleine conscience. Elle avait fait le choix de refuser l'acharnement thérapeutique conformément au droit, et au droit le plus fondamental. Seulement voilà son cas n'hésitait pour cela la prescription de barbituriques puissants auxquels seul son médecin pouvait lui donner accès. La grande misère de notre droit fait que si son médecin avait prescrit ces médicaments, il courrait le risque non négligeable d'être traduit devant la justice pour incitation au suicide [juridiquement cette hypothèse nécessiterait d'être analysée en détail] et non respect du code de déontologie médicale qui veut que tout médecin doit concourir à la vie et non la mort. Cette immense contradiction a conduit Chantal Sébire à devenir victime non seulement d'un acharnement thérapeutique, mais aussi d'un acharnement judiciaire et médiatique. Car aujourd'hui, si Chantal Sébire est décédée, la justice non satisfaite de lui avoir opposé le droit, et de lui avoir refusé le droit de mourir dans la légalité et dans la dignité, la justice donc non satisfaite lui réclame post-moterm des explications sur sa mort dont on nous dit aujourd'hui que « l'hypothèse d'une mort naturelle est écartée ». Et on apprend que l'autopsie réalisée sur le corps de Chantal Sébire a été réalisée contre le souhait de la famille, de l'avocat voire du Procureur de Dijon lui-même. Et de découvir que l'ordre de pratiquer l'autopsie sur le corps de Chantal Sébire est probablement venu directement de la Chancellerie, de Paris donc, du Ministère de la justice. Si cela est avéré – et aujourd'hui, puisque la justice réclame la vérité sur la mort de Chantal Sébire, les citoyens sont aussi en droit de réclamer la vérité sur la procédure judiciaire en cours – ne pourra-t-on pas dire que le Gouvernement aura fait preuve dans cette affaire d'un manque total de dignité, allant jusqu'à l'archarnement juridique? Pour quel bénéfice ? Pour savoir que cette femme s'est suicidé ? Et qu'elle l'a fait peut-être avec l'aide de quelqu'un qui l'aura aidé à procéder de la manière la moins douloureuse qui soit ? Et après, faudra-t-il conduire un procès contre cette hypothétique personne ? Est-ce cela que nous voulons ? Je dis volontairement « nous » car après tout la justice n'est-elle pas rendue au nom du peuple ? Et il n'est pas certain que le peuple souhaite mener plus loin les investigations. Tout comme la famille, la meilleure issue pour tous serait de laisser le temps, le temps de faire le deuil. Car après ce double archement – thérapeutique et juridique - la famille de Chantal Sébire est aujourd'hui victime elle-même d'un acharnement médiatique. Malheureusement, les responsables politiques eux-mêmes n'ont pas donné l'exemple ... Quelles pouvaient être les pensées de Chantal Sébire en ce lendemain du jour où elle fut condamnée à vivre ? Impossible de se faire à l'idée, impossible de se mettre à la place de cette femme dont le courage aura été immense face à l'hypocrisie de notre droit et de notre morale par trop emprunte de religiosité. Cette hypocrisie si facilement relayée par ceux qui ont la parole, ces hommes et ces femmes politiques qui, d'un revers oratoire sans appel, ont renvoyé la supplique de Chantal Sébire avant même que le juge ne se prononce au prétexte que le fait d'accéder à sa demande porterait atteinte à la Vie avec un grand "V". Disons-le sans état d'âme : Chantal Sébire n'attendait pas tant d'honneurs ! Mais ceux-ci masquent un mépris complet de sa déteresse. Ce mépris aura été symbolisé par les interventions odieuses de Christine Boutin, de Rachida dati et non moins déplacées du député Jean Léonetti pourtant rapporteur de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et chargé depuis d'une mission d'évaluation de son application. Ce dernier dans une interview donnée à L'Express explique que le suicide assisté médicalement est la plus mauvaise solution pour Chantal Sébire. Son argument ? "Peu importe le choix du patient et du médecin, les possibilités pour répondre à la souffrance des patients sont nombreuses" Mais quelles étaient les possibilités offertes à Chantal Sébire ? Souffrir jusqu'à ce que la douleur insupportable l'emporte et la tue ? Se suicider de manière violente [puisqu'on lui refuse de le faire sous assistance médicale] en utilisant une arme à feu [voilà bien la démonstration de l'hypocrisie], une arme blanche, la défénestration, la pendaison ? Accepter la seule issue officiellement légale en France, à savoir être plongée dans un coma artificiel par une sédation palliative terminale qui la conduira lentement vers la mort au bout d'un délai de 10 à 15 jours que l'on imagine interminable pour la famille et les proches ? Seulement voilà, Chantal Sébire a choisi la voie de la liberté. Elle veut mourir en pleine conscience et rejette cette hypocrisie qui lui permettrait de mourir "légalement" et "sans souffrance supposée" [voir ordonnance du juge.] DEBAT Le débat sur l'euthanasie est donc relancé de la manière la plus médiatique qu'il soit. Au vu des résultats, il n'est malheureusement pas certain, ni pour Chantal Sébire elle-même ni pour le droit, que l'hypermédiatisation ait présenté un bénéfice quelconque tant au contraire il semble que cette cristallisation ait conduit à rigidifier la position de chaque camp et surtout de celui qui s'oppose à toute démarche consistant à faire évoluer notre législation. Chantal Sébire, mère de famille de 52 ans défigurée par une maladie orpheline incurable, a déposé le mercredi 12 mars une requête devant le président du tribunal de grande instance de Dijon « afin qu'un médecin puisse [l']accompagner vers une mort digne et apaisée, ainsi qu'elle le réclame ». L'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui soutient Chantal Sébire dans cette requête a largement contribué à la médiatisation de cette situation dans une volonté de cristallisation des débats. Cette stratégie a de fait coonduit nombre de personnes à se mobiliser, à faire écho d'une situation qui apparaît indigne tant elle conduit après coup, après l'hypermédiatisation, après que justice soit rendu, à laisser Chantal Sébire sans autre recours que de fuir dans un pays aux moeurs plus évoluées. Mais manifestement ses forces la quittant, elle semble là aussi renoncer à cette issue. Chantal Sébire avait souhaité que le tribunal autorise l'un de ses médecins à se faire délivrer et à lui remettre les substances nécessaires « à une fin de vie digne et sereine ». Cette démarche s'appuyait, en toute logique que l'on pourra qualifier de naïve après coup, sur le fait que « ni le suicide ni, par voie de conséquence, l'aide et l'assistance au suicide ne font l'objet, dans notre droit positif, d'une prohibition pénale », étant entendu que seules constituent des infractions la provocation au suicide d'autrui ou la promotion de produits préconisés comme moyen de se donner la mort. Or nul ne pourra soutenir que l'intention de Chantal Sébire pouvait s'apparenter à ces infractions. La garde des Sceaux Rachida Dati s'est d'emblée prononcée contre la demande de Chantal Sébire, estimant qu'elle allait à l'encontre du droit disant [dictant] le droit au lieu et place du juge lui-même. Selon elle, « nous avons fondé notre droit, et aussi bien la Convention européenne des droits de l'homme, sur le droit à la vie », et de préciser que « la loi Leonetti de 2005 est une loi assez équilibrée, [puisqu'] on évite l'acharnement thérapeutique » et d'insister, à titre personnel, « que la médecine n'est pas là pour administrer des substances létales ». La garde des Sceaux a-t-elle bien lu et analyser le premier, et fondamental, des arguments de Chantal Sébire? Pas sûr! Dans l'exposé de ses moyens, Chantal Sébire défendait l'idée que si, effectivement, notre droit et notamment les articles 2 et 5 de la Convention européenne reconnaissent et consacrent le droit de tout individu « à la vie » et « à la liberté » – la vie est un droit – il n'emporte pas pour conséquence que la vie constitue une obligation ce qui constituerait une entrave à la liberté. On notera que la discussion du juge ayant conduit à la rédaction de son ordonnance ne fait même pas état de cette discussion fondamentale tant en droit que d'un point de vue éthique. Ce faisant, et considérant sa conclusion, il part a priori du postulat que la vie est certes un droit mais constiturait de fait aussi une obligation !?   Au vu de la déclaration qui suit lue par Paul Amar lors de son émission « Revu et corrigé », l'auteur du Blog Citoyen préfère ne pas poursuivre la discussion : « Nous les enfants de madame Chantal Sébire, n'avons réalisé aucune déclaration depuis le décès de notre maman sous quelque forme que ce soit, par conséquent nous déclarons aujourd'hui que tout commentaire, article, information et reportage diffusés depuis le 19 mars 2008 au soir l'ont été sans notre accord", a lu le présentateur de l'émission, qui avait indiqué qu'il s'agissait d'un message transmis par Vincent, le fils de Mme Sébire. "Nous demandons à l'ensemble des médias de nous laisser faire notre deuil dans la paix, la dignité et l'intimité (...) Nous ne souhaitons pas nous exprimer davantage, nous ne souhaitons pas être dérangés non plus ». (France 5 – Emission de Paul Amar du 22 mars 2008) A SUIVRE ...

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