Lisa Airplanes s’invite au tribunal de commerce
Les petits avionneurs français, qui eurent jadis leur heure de gloire, ont décidément bien du mal à se maintenir. C’est à présent la jeune entreprise savoyarde Lisa Airplanes qui est placée en redressement judiciaire, avant même d’avoir livré son premier avion. Ce qui n’exclut pas qu’au terme de la période d’observation de 6 mois décidée par le tribunal de commerce de Chambéry, elle trouve les fonds qui lui manquent pour réussir son décollage.
L’opération est en effet novatrice, intéressante. Créée par Erick Herzberger et Luc Bernole, Lisa a conçu, fait voler et lancé la production d’un petit biplace amphibie tout en matériaux composites, l’Akoya, capable de se poser sur l’eau, sur terre, et d’accompagner, par exemple, une clientèle dite de haut de gamme qui aime les yachts et les horizons lointains. C’est, disent les dirigeants de Lisa, l’expression «d’un nouveau style de vie», un peu incongru en ces temps de crise. Encore que la clientèle visée soit au-dessus de ces contingences bassement matérielles.
L’Akoya, au prix de 300.000 euros, vise en effet un marché de niche et se place «au-delà d’un moyen de transport». Il a suscité curiosité et intérêt dès l’annonce du projet, en 2004, et ensuite au moment de la mise en place du programme dans le cadre de Savoie-Technolac, au Bourget-du-Lac. Le financement a été assuré à 80% par ce qu’il est convenu d’appeler des business angels, fonds d’amorçage et autres fonds d’investissement. Mais ce n’était pas suffisant et, le mois dernier, Lisa a abordé sans le succès espéré une nouvelle levée de fonds tandis que les investisseurs de la première heure n’étaient pas en mesure d’honorer leurs engagements. D’où le redressement judiciaire.
Cet épisode est fâcheux, certes, mais ne signifie pas pour autant la fin de l’opération. D’autant que l’intérêt soulevé par l’Akoya a été largement confirmé, il y a quelques jours, par le public de l’immense salon AirVenture d’Oshkosh. C’est en toute logique outre-Atlantique, là où les lacs sont nombreux, accessibles et accueillants, que le petit monomoteur devrait trouver des acheteurs, et pas uniquement aux abords de Saint-Tropez.
Reste le fait que l’Akoya est quasiment inclassable. Une remarque qui n’est pourtant qu’une figure de style dans la mesure où, malgré les apparences, il s’agit d’un ULM qui entre dans la catégorie des LSA, Light Sport Aircraft. Ses performances sont honorables, 250 km/h et une distance franchissable de près de 2.000 km grâce à une consommation digne d’une petite voiture économique, 5,6 litres aux 100 kilomètres.
Lisa Airplanes mérite largement de trouver une solution qui lui permette de trouver sa voie. Et cela bien que cette société n’ait pas opté pour la facilité. Mais elle peut néanmoins contribuer à un nouveau départ d’un secteur français sinistré, comme l’ont prouvé, il y a peu, les problèmes de Dyn Aéro, qui vient d’aboutir dans le giron du groupe AK. Socata, pour sa part, a trouvé sa place chez Daher mais vient de renoncer à produire un petit bimoteur d’origine allemande qui aurait permis d’amorcer la création d’une vraie gamme d’avions privés et d’affaires. Et les Socata du canal historique Morane-Saulnier, Rallye, Trinidad, Tobago, etc., sont malheureusement oubliés.
L’armée de l’Air française se prépare précisément à mettre en service une vingtaine d’avions d’entraînement de début Cirrus SR20 et SR22, produits aux Etats-Unis, et qui remplaceront des Jodel D140 Mousquetaire issus, jadis, des ateliers de la SAN, Société aéronautique normande...
Il n’en faut pas plus pour justifier l’émotion née des difficultés de Lisa. Des émules d’Henri Mignet et de la défunte aviation populaire aux amis des Robin, en passant par les nostalgiques des productions de Wassmer et Mudry, ce ne sont que regrets. D’où l’importance de sauver le soldat Lisa.
Pierre Sparaco-AeroMorning